La femme perverse narcissique existe-t-elle ?

Le pervers narcissique est tendance. On le voit partout, on l’entend partout, et il a même son petit acronyme : le PN. Pourquoi est-il masculin ? Une femme peut-elle être perverse narcissique ? Si oui, pourquoi est-elle si discrète ? Enquête avec Marcel Sanguet, auteur de "Le pervers n’est pas celui qu’on croit".

La femme perverse narcissique existe-t-elle ?
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Les sœurs Girard, auteures du guide humoristique à succès La femme parfaite est une connasse, avaient bien relevé la tendance du PN, tome 2, règle n°9 : "On arrêtera de penser constamment qu'on est entourées de pervers narcissiques." À force de lire des articles à son sujet, le PN a pris du poids : on le voit partout, tout le temps, et dès qu'un homme agit de travers, il ne peut être que pervers narcissique. Dommage, les hommes sont parfois simplement maladroits ou désinvestis (ou idiots et c'est tout). Pour recadrer le pervers et ne plus coller cette étiquette au premier venu, Marcel Sanguet, auteur de Le pervers n'est pas celui qu'on croit, nous redonne une définition brève et précise : "On considérera pervers quelqu'un très peu embarrassé du désir de l'autre et l'utilisant à sa propre satisfaction, quelqu'un qui pourrait éviter de se confronter au doute, à l'angoisse, au manque en utilisant l'autre comme objet de complétude." Mais cette définition a-t-elle un sexe ?

Retour sur une tendance

Selon Marcel Sanguet, notre société adore la notion de pervers narcissique pour au moins deux raisons : d'abord, il est décrit comme un être au pouvoir extraordinaire, ne vivant que pour son plaisir et sa réussite, ce qui est l'exacte injonction du discours sur l'épanouissement des psychologies positives du moment. Autrement dit, il est fascinant (et qui n'aime pas non plus se nourrir d'histoire légèrement sadomasochiste ?). Ensuite, et surtout, "le pervers est désigné comme la figure du mal, donc il innocente tous les autres, constate l'expert. Bien pratique d'en avoir à portée de main pour justifier nos malheurs et nos échecs." Faudrait-il en conclure que le PN semble exclusivement masculin parce que les hommes, eux, n'auraient pas besoin de justifier leurs échecs amoureux ou ne le feraient pas à voix haute ?

Le silence des uns fait la discrétion des unes

"C'est encore souvent les hommes qui tiennent les postes de pouvoir, au travail comme à la maison. Un masochisme typiquement féminin existerait-il ? Je ne le crois pas", poursuit Marcel Sanguet quand on s'interroge sur le rôle de la femme, le plus souvent victime dans cette affaire de PN. Mais l'expert réagit : "Certains hommes sont soumis à des femmes qui les manipulent. Mais curieusement cette situation-là est peu évoquée. Des femmes extrêmement jalouses, humiliant leur partenaire tout en sachant ne pas se faire quitter, il y en a tout autant assurément." Les hommes seraient-ils simplement peu bavards ? Et puisqu'on ne leur a pas mis en tête que la femme PN était partout, identifient-ils parfois leur relation comme perverse ? De quoi conclure que le silence des uns fait la discrétion des autres… qui existent.

Méfiez-vous de la femme qui dort

Le sexe ne change en rien les mécanismes de la perversion : hommes et femmes pervers agissent de la même façon. "Il faudrait dire à tout le monde de se méfier de la tentation d'opter pour la proposition perverse qui assure la complétude (ne faire plus qu'un à deux, 'oui mais lequel ?' ajoutait Woody Allen). La proposition perverse garantit le lien au détriment de la liberté de chacun, elle est séduisante car rassurante devant l'angoisse de séparation propre aux humains", nous explique Marcel Sanguet. "Pour finir, poursuit l'expert, que serait la sexualité sans un brin de perversion ? Un mode de reproduction animale comme les autres. Alors tous pervers ?"

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