"Mon mari avait une double vie à 10 km de chez nous, je n'ai rien vu jusqu'au jour où..."
Un mari, des enfants, une vie de famille confortable. Bérangère pensait avoir la famille parfaite...
Pour mes amis, j'ai toujours été celle qui avait la famille parfaite : un mari chef d'entreprise, deux adolescents studieux et une maison pleine de doux souvenirs. Depuis plus de quinze ans, nous vivions une vie presque rêvée, nous partions en vacances dans des destinations incroyables, nous ne nous disputions que rarement et je croyais tout connaître de lui. Malgré un travail prenant, il avait toujours su jongler pour ne pas manquer les spectacles de danse ou les déjeuners du dimanche en famille. Toutes ces années, il m'a fait croire qu'il était le mari parfait, le père idéal.
C'était un jeudi soir comme les autres. Il était rentré vers 20 h après des réunions, il prenait sa douche, nos enfants mettaient la table. Je suis sortie au jardin pour vérifier si je n'avais pas oublié mon bonnet dans le coffre de sa voiture, après notre week-end au ski. En fouillant sous les sacs de course, j'ai d'abord retrouvé mon bonnet, puis un sac cadeau. J'ai aperçu une boîte en carton décorée de petites voitures, avec la mention "3–6 ans". Interloquée, je n'ai pas compris tout de suite pour qui ? Nos enfants étaient ados, nos neveux et nièces n'étaient pas de cet âge. Rien n'expliquait ce paquet dans sa voiture. J'ai reposé la boîte, pris mon bonnet et je suis rentrée. Le dîner m'a semblé interminable, je peinais à garder la face. Au fond de moi, l'anxiété grandissait. Ma gorge était serrée, une boule à l'estomac m'empêchait de manger. Une fois les ados à l'étage, je suis allée chercher le sac et je l'ai posé sur la table de la cuisine, sous ses yeux. Je n'ai rien dit, ce geste parlait pour moi, j'attendais qu'il réagisse.
Il a pâli et a bafouillé un mensonge maladroit : "C'est pour le fils d'un collègue." Mais je savais qu'il mentait. J'avais toujours été celle qui s'occupait des cadeaux pour les enfants des employés, cette excuse ne tenait pas la route. Après une longue conversation, pendant laquelle j'ai tout fait pour lui tirer les vers du nez, il a fini par craquer, le regard troublé. Il m'a dit la vérité. Depuis plus de 5 ans, il menait une autre vie à Lyon, avec Claire, son amour de lycée. Ils s'étaient retrouvés par hasard dans un restaurant, d'un café à un dîner, leur relation avait repris. Elle était tombée enceinte "par accident". Elle avait décidé de garder l'enfant, et lui avait choisi d'assumer, mais seulement à moitié : menant deux vies, une avec elle lorsqu'il était à Lyon, l'autre avec nous, dans notre maison de banlieue.
"Depuis, je revois des détails anodins sous un autre jour..."
Je ne me souviens plus très bien de toutes mes réactions sur le moment. La colère ? La honte ? Surtout la sidération, tout ce que nous avions construit s'effondrait. J'avais la vie que mes amies m'enviaient, et soudain, c'était un tissu de mensonges. Je me sentais ridicule, trahie, remplacée sans l'avoir vu venir. Depuis, je revois des détails anodins sous un autre jour : les réunions "tardives", les séminaires répétés, ces absences qui semblaient toujours parfaitement justifiées, par un réel tissu de mensonges. Claire vivait à Lyon, à quelques minutes du bureau de mon mari, avec leur fils. Mes enfants avaient un demi-frère de quatre ans qu'ils ne connaissaient pas. Mon mari fréquentait chaque jour cette vie parallèle, à quelques dizaines de kilomètres de notre maison pavillonnaire. Et moi, j'ignorais tout. À ce moment-là, je ne savais pas comment j'allais m'en remettre.
Il a pris ses affaires, et il est parti. Chez elle. Je n'ai pas menti à mes enfants, ils méritaient la vérité. Pendant des mois, j'ai été l'ombre de moi-même, je ne mangeais plus, je ne travaillais plus, j'étais en dépression d'après le médecin. J'osais à peine sortir, j'avais honte, peur du regard des autres. Je me suis sentie trompée, trahie, salie. C'est après le divorce, grâce au soutien de mes parents et de mes enfants, que j'ai commencé à me relever. Je ne rêvais que d'une chose : partir, quitter la région lyonnaise, effacer les traces de cette vie volée. J'ai attendu que mes enfants aient leur bac, qu'ils prennent leur envol dans une autre ville pour leurs études, puis j'ai vendu la maison. Je suis partie m'installer dans le sud, près de Nice. Des années plus tard, la blessure n'a pas totalement disparu mais elle cicatrise. J'apprends à savourer une vie plus simple, plus vraie. Je me concentre sur moi-même, sur ce qui me fait du bien et sur mes projets. Après avoir aimé inconditionnellement mon mari et mes enfants, j'essaie maintenant de m'aimer à mon tour.