"C'est le dernier endroit où je pensais trouver l'amour… et je n'ai jamais été aussi heureuse" (Gabrielle)

Alors qu'elle rentre de vacances, Gabrielle fait une rencontre qui va bouleverser son quotidien...

"C'est le dernier endroit où je pensais trouver l'amour… et je n'ai jamais été aussi heureuse" (Gabrielle)
© Igor Kardasov-123rf

C'était un dimanche d'août, en fin d'après-midi. La chaleur semblait accrochée au bitume, les routes étaient bondées, et l'air conditionné de la voiture avait rendu l'âme depuis Bordeaux. Je revenais seule avec mes deux enfants après deux semaines de vacances sur le bassin d'Arcachon. Fatiguée, un peu tendue, j'ai fini par m'arrêter pour souffler.

Je me souviens avoir ouvert la portière avec lassitude, enfilé mes lunettes de soleil, et dit aux enfants de courir un peu pendant que je m'asseyais sur un banc, café en main, vidée. C'est là que je l'ai vu. Un homme, seul, adossé à sa voiture, un vieux break gris, un air tranquille malgré le chaos ambiant. Il buvait un café, lui aussi. Mais ce qui m'a frappée, c'est son regard : calme, posé, presque doux. On s'est croisés du regard. Une seconde, deux peut-être. Et puis ce petit sourire — ni trop assuré, ni gêné. Un sourire vrai. J'ai tourné les yeux, un peu troublée, puis je me suis surprise à le regarder de nouveau. Ce n'était pas un coup de foudre. Plutôt une étrange impression de familiarité, comme si je l'avais déjà connu, ou rêvé peut-être. Je me suis levée et, sans trop savoir pourquoi, je me suis dirigée vers lui sous un faux prétexte. Je lui ai demandé l'heure. Il a regardé sa montre, m'a répondu avec un sourire amusé : "17h42…Le moment idéal pour que tu viennes me parler."

J'ai ri, gênée. C'était culotté mais plutôt gentil et ça m'a plu. Tout ça se passait sur une aire d'autoroute quelque part entre Poitiers et Tours. Une aire quelconque, avec des voitures en vrac, des cris d'enfants, des familles pressées, et cette odeur mêlée de gasoil, de friture et de chips trop salées. On a parlé. D'abord de rien, de la chaleur, des bouchons, des vacances. Puis de nos vies. Il s'appelait Marc, divorcé lui aussi, deux grands ados, prof de techno dans un collège en banlieue parisienne. Il m'a dit qu'il aimait prendre le temps, qu'il s'arrêtait souvent sur les aires, juste pour regarder les gens passer. Ça m'a touchée, cette capacité à ralentir, à observer. L'opposé de ma vie à 100 à l'heure. Les enfants sont revenus, affamés, surexcités. Il m'a aidée à sortir les sandwiches jambon fromage et les yaourts à boire du coffre. On aurait dit qu'il faisait déjà partie de notre petite tribu. Avant de repartir, il m'a demandé mon numéro, simplement, sans détour. J'ai hésité une seconde, puis j'ai dit oui.

Les jours suivants, on s'est écrit. Pas des messages vides, non… de vraies conversations, sincères, drôles, parfois profondes. On a fini par se revoir à Paris, dans un petit resto sans prétention. Et puis, un autre rendez-vous. Et encore un. Un an plus tard, il a emménagé chez moi. Et parfois, quand la route nous y ramène, on repasse par cette aire. On s'arrête, on va s'asseoir sur le même banc. Parfois, on rit en se rappelant ce moment improbable, parfois on se tait, simplement émus par le hasard. Je n'aurais jamais cru que ma vie changerait ce jour-là, sur une aire de repos, entre un distributeur de boissons et une poubelle débordante. Comme quoi, les rencontres amoureuses n'ont pas toujours besoin d'un décor de cinéma. Parfois, elles se glissent dans les interstices du quotidien, quand on s'y attend le moins.