J'ai cru que mon conjoint était mythomane… jusqu'à ce que je comprenne qu'il était bipolaire

Mélanie et Benoît se rencontrent grâce à un quiproquo et tombent follement amoureux. Pourtant, certaines attitudes de Benoît éveillent les soupçons de Mélanie.

J'ai cru que mon conjoint était mythomane… jusqu'à ce que je comprenne qu'il était bipolaire
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J'ai rencontré Benoît sur un malentendu, après avoir abandonné une fac de langues qui ne m'avait pas plu. C'était la rentée, en école de commerce, cette fois. J'arrivais dans une promo où je ne connaissais personne et je suis tombée sur ce visage familier. Je ne lui avais jamais parlé, mais j'étais persuadée qu'il était dans ma licence d'anglais. Je me suis assise à côté de lui et je lui ai décoché un sourire, auquel il répondit timidement. Il n'avait pas du tout l'air de me reconnaître, alors je lui ai dit : "Tu étais en fac d'anglais l'année dernière, non ?". Son sourire s'amplifia, sans que je comprenne pourquoi. Il m'expliqua qu'il avait un frère jumeau en licence de langues et qu'on les confondait souvent. Sur le coup, je me suis sentie un peu bête, mais mon erreur nous a permis de sympathiser !

Avec Benoît et d'autres camarades de promo, nous formions une sacrée bande d'amis. Au milieu de tous ces gens, Benoît avait un charme à part entière. Il était très sociable et expansif. Très fêtard, aussi. C'était toujours le premier à proposer des soirées et le dernier à aller se coucher. Même s'il était pas mal apprécié dans la classe, il ne faisait pas l'unanimité. Pour certains, il était trop exalté, trop franc, trop démonstratif… Trop tout. Je n'étais pas de cet avis : à mes yeux, Benoît était parfait, dans toute son authenticité.

Un premier mensonge qui éveille des soupçons

Un soir de fête, nous nous sommes embrassés. Comme à son habitude, il a été très expansif. Nous avons passé une nuit magique, au cours de laquelle il m'a couvert de compliments. Pendant les mois suivants, notre idylle était parfaite. Nous partagions tout : nos journées à la fac, nos soirées calmes ou endiablées, nos révisions. Jusqu'à ce qu'il m'annonce qu'il devait rentrer chez ses parents, car sa mère avait de graves problèmes de santé. Il loupa des semaines entières de cours. Les premiers jours, je lui envoyais beaucoup de messages, j'essayais de l'appeler, de lui montrer qu'il pouvait compter sur moi, que je pensais à lui… Mais je n'ai reçu aucune réponse. Très inquiète, j'en ai parlé à un copain de promo. Un peu embêté, celui-ci me confia que Benoît était en voyage avec des amis. Aux dernières nouvelles, il passait du bon temps dans un festival en Espagne. Je me sentais trahie. Ma tristesse a laissé place à l'incompréhension, puis à la colère.

Benoît est revenu à l'école après un mois de silence. Dès qu'il en eut l'occasion, il me présenta ses excuses, prétextant que la situation avait été très compliquée chez lui et que sa mère était au plus mal. Très énervée, je lui ai répondu que j'étais au courant pour son voyage et que je lui en voulais terriblement. Nous avons parlé pendant les deux heures suivantes. Benoît m'expliqua qu'il n'avait pas souhaité en parler à tout le monde, afin de ne pas traîner ses problèmes familiaux en école de commerce. Il avait l'air sincère et j'ai voulu le croire. Alors, j'ai décidé de lui pardonner. Nous avons repris notre relation là où elle s'était arrêtée un mois plus tôt : jouissant d'un amour passionné !

Un tempérament obsessionnel et excessif

Je mentirais si je disais qu'il n'y avait aucune ombre au tableau. Nous étions fous amoureux, mais je voyais bien que Benoît était dans l'excès. Lorsqu'il se lançait dans quelque chose, c'était toujours pour s'y dédier à 100%. Il avait un tempérament obsessionnel et pouvait passer des semaines à bloquer sur une activité en apparence futile. Par exemple, il avait un jour décidé d'acheter un aquarium. Il s'était lancé dans des recherches très approfondies sur les meilleurs modèles, les poissons les plus beaux, les plantes aquatiques… Au point d'y consacrer un temps fou et d'y dépenser une fortune qu'il n'avait pas. Une part de moi s'en inquiétait, parfois. Mais la plupart du temps, je dois dire que j'appréciais cette particularité.

Jusqu'au jour où j'ai revu une ancienne camarade de fac et que je lui ai parlé de Benoît. Avant qu'elle ne comprenne que c'était sérieux entre nous, elle me confia qu'il était surnommé "le mytho de la promo". Je lui ai expliqué que ce n'était pas lui, mais son frère jumeau. Impassible, elle m'a demandé si j'avais déjà rencontré son frère. Effectivement, je ne l'avais jamais vu… Et en plus, il ne m'en parlait jamais. J'ai dû me rendre à l'évidence : quelque chose clochait chez Benoît. Mais comme je restais très amoureuse, j'étais bien décidée à éclaircir ce mystère. La famille de Benoît habitait à plusieurs centaines de kilomètres de notre école de commerce. Pour cette raison, je ne les avais jamais rencontrés. Pendant des semaines, je l'ai tanné pour qu'on aille leur rendre visite. Les grandes vacances approchaient, c'était la période idéale. Il a fini par accepter : nous passerions une semaine chez eux… et j'aurais enfin le cœur net !

Ni photo de jumeaux, ni chambre réservée à son frère...

Les parents de Benoît m'ont accueillie à bras ouverts. Eux aussi, semblaient ravie de faire enfin ma connaissance. De mon côté, j'étais heureuse de les rencontrer, mais je gardais en tête mon objectif premier : mener l'enquête. Dans la maison, aucune trace du frère de Benoît. Il n'y avait ni photo de jumeaux, ni chambre réservée à son frère. Surtout, personne ne l'a évoqué, pas même une fois. Au bout de trois jours, c'en était trop. J'avais peur de ce que j'allais apprendre, mais il fallait que je sache. J'étais décidée à rétablir la vérité et même à rompre, s'il le fallait. Lors d'un repas, j'ai demandé à ses parents : "Et votre deuxième fils, il habite où ?" Benoît s'est décomposé. Il a baissé la tête et sans laisser le temps de répondre à ses parents, il a juste dit : "Je savais que ce moment arriverait ici. Je m'y suis préparé." Alors, Benoît m'expliqua tout, enfin.

L'heure des révélations : un conjoint bipolaire de type 1

Il était bipolaire de type 1. Depuis quatre ans, la maladie jouait avec ses émotions et sa raison, le faisant passer de phases maniaques à périodes de dépression. Lorsque nous nous étions rencontrés, il se sentait incapable d'en parler. Il acceptait encore très mal sa bipolarité et il avait peur que je le prenne pour un fou. Pendant son mois d'absence, il avait fait une grave dépression et avait fini par être hospitalisé. Désormais, il avait trouvé un traitement qui lui faisait du bien. Il n'était pas à l'abri de refaire une crise, c'était le lot des personnes souffrant de ce trouble mental… Mais il espérait réussir à se stabiliser au cours des prochaines années. Il me présenta ses plus plates excuses et me dit qu'il comprendrait si je ne souhaitais plus le voir. Bien sûr, j'aurais pu lui en vouloir. Mais c'est tout l'inverse qui se produit. Je ressentis une immense compassion pour lui et bizarrement, j'étais soulagée. Il ne m'avait ni trahie, ni trompée. Il faisait juste ce qu'il pouvait pour vivre avec sa bipolarité. Je lui ai dit que je l'aimais et il m'a promis de ne plus jamais me mentir.

Depuis, nous avons emménagé ensemble et nous sommes mariés. Je ne dirais pas que le quotidien avec une personne bipolaire fut simple tous les jours, mais mon amour pour lui n'a fait qu'augmenter au fil du temps. Aujourd'hui, Benoît est stabilisé depuis trois ans. Il a trouvé un traitement qui lui permet de vivre sereinement, tout en étant suivi de près par une spécialiste. Il ne fait plus aucune crise… mais garde toujours ce grain de folie qui le rend si merveilleux !