Je suis tombée amoureuse de mon psy...
Caroline est tombée folle amoureuse de son psychologue. Cet amour a changé son existence mais pas comme elle s'y attendait.
Il y a six ans, j'ai eu besoin de débuter une thérapie. J'avais des phobies alimentaires qui me pourrissaient la vie, comme la peur de vomir, qui m'empêchait de vivre normalement et entraînait des crises d'anorexie. Ces troubles me suivaient depuis des années, mais avec le temps, ils ne faisaient qu'empirer. Sur les conseils d'un ami, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai contacté un thérapeute.
Lorsque je suis arrivée à la première séance, j'ai attendu de courtes minutes dans la salle d'attente. Puis, la porte du cabinet s'est ouverte sur un homme âgé de la quarantaine, soit quelques années de plus que moi. Il m'a fait un grand sourire et m'a tendu une main chaleureuse. Je l'ai tout de suite trouvé très beau. Il avait un regard doux et profond, des yeux vert clair et des cheveux bruns qui semblaient soyeux. Il m'a proposé un siège en face de lui, je me suis assise, un peu intimidée. De sa voix douce, il m'a demandé ce qui m'avait amenée à le consulter et m'a invitée à lui raconter ma vie dans les grandes lignes. Les premières minutes, je suis restée sur la réserve. Puis, quelque chose s'est débloqué. Je me sentais en lieu sûr, comme si je pouvais tout lui dire. J'ai tellement parlé que je fus surprise lorsqu'il m'annonça que la séance touchait à sa fin. Une heure s'était écoulée, sans même que je m'en aperçoive.
La naissance des premiers sentiments
La semaine suivante, je retournais à son cabinet avec hâte. Idem la semaine d'après, puis celle qui suivit, et toutes les autres. J'étais toujours heureuse de le retrouver, de savoir que j'allais passer une heure à me confier à cet homme si beau, tendre et perspicace. Parfois, je sortais d'une séance le sourire aux lèvres. Parfois, je pleurais jusqu'au coucher. Mais même si les choses avançaient doucement, je sentais bien que cette thérapie me faisait grandir. Puis un jour, environ huit mois après avoir commencé, j'ai réalisé que mon rapport à cet homme avait évolué. Entre deux séances, je pensais à lui presque tous les jours, parfois plusieurs fois dans la même journée. Je me repassais le fil de nos conversations précédentes et réfléchissais à tout ce que j'allais lui dire au cours des suivantes. Surtout, je pris conscience que j'avais développé des sentiments amoureux à son égard. En dehors de la thérapie, ma vie amoureuse n'était pas vraiment épanouissante. Et ce n'était pas nouveau : mes relations se soldaient souvent par des échecs. Mais à chaque fois, je m'entichais vite et développais des sentiments très forts. Ça n'a pas loupé avec mon psy. Il occupait toutes mes pensées et me faisait clairement fantasmer. J'imaginais que nos séances prennent une nouvelle tournure, qu'il me fasse des avances, que je lui avoue mes sentiments et que nous faisions l'amour sauvagement sur son divan. C'était à la fois un plaisir coupable et délicieux. Mais j'avais parfois peur d'être démasquée. Je craignais vraiment que s'il l'apprenne, il ne veuille plus continuer… J'avais peur de me faire larguer par mon psy ! Et puis un jour, c'est sorti tout seul.
L'annonce du fantasme
Nous étions en train de parler de ma vie amoureuse et d'un coup, j'ai eu le pressentiment que si je continuais à lui cacher, je passerais à côté de quelque chose. Je lui ai d'abord avoué que je fantasmais sur quelqu'un depuis plusieurs mois. Etonné, il me demanda pour quelle raison je ne lui en avais pas parlé avant. Du tac au tac, je lui ai répondu "parce que c'est vous, l'objet de tous mes fantasmes". Impassible, un léger sourire aux lèvres, il me demanda juste : "Est-ce moi ou ce que je représente, qui vous attire ?" Sans réfléchir, j'ai affirmé que c'était bien lui, sa beauté, sa douceur, son intelligence, son attention. Il me rappela qu'être à l'écoute était son métier et qu'à cause du transfert, les patients développaient souvent des sentiments forts – parfois contradictoires – à l'égard de leur psy.
"À cause du transfert, les patients développent souvent des sentiments forts pour leur psy"
Ce qu'il trouvait intéressant ici, c'était de comprendre ce que j'avais projeté sur lui. Avec beaucoup de tact, il me demanda d'essayer d'analyser pourquoi je m'étais entichée de mon psy et pas de n'importe quel autre homme. J'étais abasourdie : d'une part, il me disait que mon amour, si unique à mes yeux, n'avait rien d'original. D'une autre part, il remettait gentiment l'église au centre du village, me demandant d'utiliser mes sentiments comme d'un outil pour ma thérapie. Sur le coup, je n'ai pas su quoi répondre, j'ai ressenti une immense fatigue et je lui ai dit que je préférais écourter la séance.
En sortant, j'étais triste et en colère. J'avais honte de lui avoir tout avoué et j'avais peur de devoir le confronter la semaine suivante. Je me suis demandée pourquoi j'avais été aussi bête. Je lui en voulais aussi, de m'avoir demandé d'analyser mes sentiments. D'autant plus que pour moi, les choses étaient évidentes. Si j'étais amoureuse, c'est parce qu'il était génial, tout simplement. Pour autant, j'étais en thérapie depuis plus d'un an, j'avais donc l'habitude de questionner mes systèmes de fonctionnement.
La séance qui a transformé ma vie
Les jours passants, je n'ai pas cessé d'y penser. Ses questions tournaient dans ma tête, j'essayais de comprendre où il voulait en venir. Je suis arrivée à la séance suivante penaude. Pour la première fois, j'appréhendais de me retrouver face à lui. Mais dès qu'il a posé son regard bienveillant sur moi, mes craintes se sont évaporées. Et contre toute attente, cette séance a transformé ma vie. Au fil de nos échanges, j'ai compris que j'avais toujours été dans des jeux de pouvoirs en amour. Je reproduisais sans cesse le même schéma du "je te suis, tu me fuis". Je tombais très vite amoureuse et je cachais mes sentiments enflammés. Plus mon prétendant était sur la réserve, plus je m'accrochais. Jusqu'à ce qu'il baisse la garde et que je m'en désintéresse… Avec mon psy, j'avais poussé ce schéma à l'extrême ! J'étais tombée amoureuse de quelqu'un dont le statut empêcherait forcément une quelconque relation. C'est ce qu'il avait voulu me dire, lors de la séance précédente. Il avait beau être extraordinaire, ce n'était pas pour ça que je l'aimais tant, mais bien parce qu'il était totalement inaccessible.
"Grâce à lui, j'ai cerné une problématique centrale dans ma vie"
Nous avons travaillé sur ces thématiques pendant de longues semaines. Et progressivement, j'ai réalisé que mes phobies alimentaires diminuaient. Alors que j'avais lutté contre elles pendant de nombreuses années, je constatais avec surprise que mon dégoût s'atténuait, que mes journées n'étaient plus dictées uniquement par mes peurs en apparence irrationnelles. Je venais de cerner une problématique centrale dans ma vie. J'avais aussi libéré la parole en avouant mes sentiments en toute honnêteté. Créer un lien entre mes troubles alimentaires et mes difficultés à exprimer ce que je ressentais fut une véritable révolution. Ça m'a permis d'améliorer mes relations et de réduire significativement mes phobies alimentaires.
Lorsque j'ai annoncé à mon psy que je l'aimais, je ne rêvais que d'une chose : qu'il m'embrasse avec passion. Des années après, je constate que tomber amoureuse de lui a été la meilleure chose qui me soit arrivée… même s'il ne s'est rien passé entre nous ! Je n'irai pas jusqu'à dire que je suis tout à fait sortie des jeux de pouvoir en amour ou que je n'ai plus aucun trouble alimentaire. Mais ça m'a permis de me libérer de ce qui rendait mon quotidien difficile. Depuis deux ans, je vis une magnifique relation amoureuse et les phobies alimentaires se font de plus en plus discrètes.