Corinne Masiero dans "Petites Mains" : "J'ai été humiliée, payée comme une merde" (Exclu)

Corinne Masiero et Lucie Charles-Alfred mettent en lumière le combat difficile de femmes de chambre en plein mouvement social en bas de leur palace, dans le film "Petites mains", en salles le 1er mai. Les deux actrices se confient en interview...

Corinne Masiero dans "Petites Mains" : "J'ai été humiliée, payée comme une merde" (Exclu)
© Copyright Michael Crotto - Albertine Productions - Prima Vista Films

Dans le film Petites mains, en salles le 1er mai, Corinne Masiero et Lucie Charles-Alfred campent des femmes de chambre d'un palace, dont l'histoire est inspirée de celle de la députée Rachel Keke - qui avait tenu le piquet de grève pendant 22 mois avec ses collègues devant l'hôtel Ibis Batignolles. Un long-métrage utile et percutant que les actrices défendent avec brio. Corinne Masiero et Lucie Charles-Alfred se sont confiées au Journal des Femmes.

Le Journal des Femmes : Comment avez-vous atterri sur ce projet ?
Lucie Charles-Alfred : Pour ma part, j'avais déjà travaillé avec Nessim (Chikhaoui, réalisateur des Petites mains, nldr) sur le film Placés. On m'a proposé ce rôle et cela m'a fait plaisir car ce sujet me touche. 
Corinne Masiero : Se battre, faire la grève… Je connais. Je sais à quel point il est dur de faire des choix. Faire grève veut dire que l'on n'a plus de vie sociale, plus de boulot, des problèmes économiques, etc. J'ai souvent dû me demander : est-ce que je me bats pour respecter mes valeurs féministes et humanistes et donc j'assume le bordel qui va arriver après ou est-ce que je ferme ma gueule et le matin je mets une serviette sur le miroir pour ne pas me regarder ?

Pour vous convaincre de jouer dans un film, faut-il nécessairement que celui-ci soit engagé ?
Lucie Charles-Alfred : Jusqu'à présent, j'ai eu la chance de jouer des rôles dans des films engagés. J'ai envie de faire du cinéma et que cela soit utile, c'est ce qui m'anime. J'ai trouvé intéressant de mettre en lumière les conditions de travail de ces femmes de chambre, de montrer des femmes noires, issues de l'immigration qui essaient d'offrir un avenir à leurs enfants. Mon enjeu est de faire avancer des causes.
Corinne Masiero : Je me considère comme une femme et l'on subit depuis toujours des violences économiques, physiques, psychologiques, sexuelles, dues à cette éducation patriarcale qui, selon moi, est elle-même due à un système capitaliste. La sororité est au cœur de mes projets, je donne mon empathie à des gens qui sont a priori plus défavorisés que d'autres. Là, c'est un film qui met en lumière une lutte de femmes, mais qui reste réalisé par un homme… Peut-être qu'un jour la situation évoluera davantage. 

Comment vous êtes-vous préparées à ce rôle ?
Lucie Charles-Alfred :
Moi, je suis partie deux semaines au Bristol, on a fait une semaine de stage, dont deux jours durant lesquels elles m'ont montré toutes les étapes : faire des lits au carré, etc. Il faut d'ailleurs savoir que les femmes de chambre proposent de vraies prestations et qu'elles ne sont pas des femmes de ménage, contrairement à ce que certains croient. Je voulais avoir tous les gestes et être la plus vraisemblable possible pour ne pas arriver sur le tournage sans ne rien connaître, alors que j'essaie de défendre un sujet.

Corinne Masiero, vous avez été femme de ménage…
Corinne Masiero :
Oui, je n'ai pas eu besoin de préparation sur le sujet, puisque j'ai vécu ces années de galère. J'ai eu mon lot d'humiliations et j'ai été payée (quand c'était le cas) comme une merde. Je connais bien la difficulté de travailler dans un hôtel de luxe : il faut donner l'impression que l'on est impeccable, bien coiffée, propre sur soi, qu'on fait partie de ce monde. Il faut donner une image qui est possiblement acceptable pour les gens. Et finalement, on finit par se faire avoir nous-mêmes. Et puis, je sais aussi ce que c'est de faire grève, les difficultés de bloquer un lieu de travail et ce que l'on se prend dans la gueule, les uns et les autres. 

Pour vous, est-il difficile de jouer un rôle dont l'histoire est particulièrement proche de soi ?
Corinne Masiero : Travailler dans la douleur pour moi, c'est "no way". J'essaie de prendre de la distance pour qu'il n'y ait pas de souffrance parce que notre métier, c'est "jouer". Nous ne sommes pas à l'usine. Donc il faut savoir où poser ses limites. D'ailleurs, je trouve ça bien que désormais, sur un plateau de cinéma, il y ait des référents pour aider sur certaines scènes ou lorsque l'on joue avec un enfant, par exemple. Au moins, maintenant, on se pose la question : où sont nos limites ?

Découvrez Petites mains, de Nessim Chikhaoui, en salles le 1er mai.

Interview exclusive ne pouvant être reprise sans la mention du Journal des Femmes.