Juliette Katz : "Depuis le tournage de MOI, GROSSE, j'ose dire le mot 'gros'"

Juliette Katz, connue sur Youtube sous le nom de "Coucou Les Girls", décroche son premier rôle principal pour la fiction "Moi, grosse", diffusée sur France 2 le 15 mai 2019 à 21h. Une véritable personnalité qui prône l'acceptation de soi et qui s'impose aujourd'hui comme une comédienne talentueuse. Confidences.

Juliette Katz : "Depuis le tournage de MOI, GROSSE, j'ose dire le mot 'gros'"
© Caroline Dubois – Barjac Productions – FTV

C'est sur une vidéo publiée dans le web-magazine Auféminin que la productrice et la réalisatrice de Moi, grosse ont découvert Juliette Katz. Sa chaîne Youtube s'appelle Coucou Les Girls. Elle y fait des vidéos humoristiques où elle tourne en dérision les conventions imposées par la société et les critères de beauté. Elle fait aussi l'apologie de l'acceptation de soi dans ses créations. L'audacieuse comédienne en herbe en parle d'ailleurs dans son premier livre T'es bonne bébé, qui sort le 16 mai aux éditions First. Dans la fiction Moi, grosse, elle joue Raphaëlle, une femme obèse discriminée pour son poids dans le monde professionnel et dans la sphère privée. Elle explique comment elle a vécu ce rôle et comment elle a été touchée par la grossophobie...

"Je suis sur internet, donc je suis forcément face à des gens qui m'insultent pour des raisons qui sont les leurs... Lorsque l'on m'a proposé ce rôle, je me suis immédiatement dit que ce n'était pas mon combat. J'avais peur que ce soit un énième film où une grosse se cogne quelque part et se rend compte qu'elle est jolie et ça ne m'intéressait pas. Or, le film ne traite pas du tout de cela. Devant la caméra, j'étais Raphaëlle et pas Juliette même si il y a des situations que j'ai également connues dans ma vie personnelle. J'ai mis une vraie distance avec ma vie. Je voulais exécuter mon rôle au mieux.

Juliette Katz dans "Moi, Grosse" : Ne plus avoir peur de dire "gros"

C'est mon premier vrai grand rôle parce que, jouer "le gros de service" on me l'a proposé un milliard de fois... J'ai toujours refusé. Je pense qu'il est temps de faire intervenir des personnes grosses dans le cinéma pour autre chose que leur morphologie. Cette problématique concerne beaucoup de minorités et j'espère que cela va évoluer. D'ailleurs, j'ose prononcer l'adjectif "gros" depuis le tournage de ce film et depuis ma rencontre avec Gabrielle Deydier. Je pense qu'avant je ne l'utilisais pas à cause de mon éducation et parce que cela apparaît de suite comme quelque chose de péjoratif. Mais pourquoi cela serait-il insultant ? C'est un fait. Je n'ai jamais voulu dire que j'étais grosse jusqu'à ce moment. Aujourd'hui, je le dis à des amis par exemple, mais ils font un rejet total en me disant "Ah mais ne parle pas comme ça, tu n'es pas grosse". Mais si, je suis grosse. C'est juste un adjectif. Pourquoi ne pourrait-on pas parler comme ça ?
J'ai conscience de mon corps depuis mes 6 ans... J'étais une boulette. je me sentais différente. Je voyais bien que les garçons de mon âge préféraient sortir avec les autres filles plutôt qu'avec moi... J'ai vécu en Inde quand j'avais 12 ans et j'étais encore à ce stade de "boulette" comme j'aime bien dire. Mais cette fois, à l'école, les Indiens étaient tous amoureux de moi car la rondeur, pour eux, représente la richesse et les blondes, la pornographie. J'étais parfaite à leurs yeux. Aujourd'hui, j'ai atteint un poids inédit et je continue à grossir et ça se traduit par des insultes au quotidien. En plus, je suis du pain béni sur Youtube pour les "haters" : je suis une femme qui fait de l'humour et je suis grosse et blonde. Parfait pour la critique ! 

La grossophobie : un problème d'éducation 

Parfois sur Internet, on me dit : "Tu es courageuse de poster des photos de toi nue"... Je sais que cela part d'un bon sentiment mais juste : pourquoi ? C'est encore une fois une maladresse qui pointe du doigt mon corps. Il n'y a pas un jour sans que l'on ne me rappelle pas mon corps. Je ne comprends pas pourquoi on ne laisse jamais l'autre tranquille.
Il y a vraiment une question d'éducation à soulever. J'ai une maman psychologue et un papa qui a été dans la musique. Mon papa, par exemple, se moquait de moi gentiment et joliment et ma maman me disait toujours : "Tu ne veux pas mettre autre chose parce que ça te grossit"... Elle me disait "Ma chérie, tu es tellement belle, c'est dommage quand même." Je vivais avec ça jusqu'au jour où, il y a un an, j'essayais des lunettes et je lui ai demandé ce qu'elle en pensait. Elle m'a répondu : "Ça te grossit un peu quand même". Là, j'ai pété un plomb. Je lui ai répondu en criant : "À partir de quel moment des lunettes de soleil peuvent me grossir?".  Au collège, je me suis faite insulter et mes parents le savent seulement depuis un an. J'aurais aimé qu'ils me demandent juste si ça allait, avec intérêt. Il y a une part de non-considération et une absence d'écoute totale dans le cercle familial parfois... 

Juliette Katz dans "Moi, Grosse" : Ne pas être trop dur envers soi-même

Pour m'aider, je fais pas mal de développement personnel et j'ai vu beaucoup de psychologues aussi. En fait, je réfléchis beaucoup et j'apprends à dédramatiser. Chacun doit être à sa place et je pense que les problèmes de l'autre ne sont pas mes problèmes. Par conséquent, les projections de mes parents ou celles de mes copains du collège ne me regardent pas. Ce n'est pas mon problème si quelqu'un a un souci avec l'autre. Après, je ne suis pas encore complètement blindée, la preuve, je devais me faire opérer et je ne l'ai pas fait. Dans ma vie, depuis toujours, je suis très exigeante, mais c'est fatigant... Etre plus souple est difficile, mais l'écriture de mon livre m'a libérée. Je pense que c'est le travail d'une vie."

Découvrez la fiction de Murielle Magellan, Moi, grosse, diffusée le 15 mai 2019 à partir de 21h sur France 2. Le film sera suivi d'un débat animé par Julian Bugier qui donnera la parole à des hommes et à des femmes en surpoids, mais aussi à des médecins et psychologues qui les accompagnent dans leur combat contre la "grossophobie" et l'obésité.