François Clapeau : auteur de "Barré", journaliste Santé et guitariste de rock

Dans "Barré" (J'ai Lu), le héros affronte simultanément plusieurs adversaires dont le plus redoutable est sans conteste une maladie brutale : le syndrome de Guillain-Barré. Auteur de ce polar oppressant, François Clapeau dissèque pour nous son processus d'écriture et son nouveau roman…

François Clapeau : auteur de "Barré", journaliste Santé et guitariste de rock
© J'ai Lu

Pourquoi avoir choisi comme "super-antagoniste" le syndrome de Guillain-Barré ?
François Clapeau :
La maladie est une ennemie très angoissante : sans visage, imprévisible, et parfois fatale. Dans Barré, Donat, un policier jeune et dynamique, se retrouve sans préavis prisonnier d'un lit d'hôpital à cause du syndrome de Guillain-Barré. La maladie paralyse tous ses membres et l'empêche même de respirer seul. C'est bien elle qui décide de chacune de ses actions, et de la suite de l'histoire. Donat doit l'affronter, et le récit se construit autour de ce duel, dans un environnement qui devrait être protecteur, mais qui devient à son tour hostile. On voit naître une confrontation entre un patient coincé dans son corps mais agile dans son esprit, et des visiteurs qui peuvent aller et venir tout en restant bloqués dans leur façon de penser. C'est encore la maladie qui juge de la véritable liberté…

Contraint à l'immobilité, mais obligé de faire fonctionner son esprit à toute allure pour échafauder des milliers de pistes… Il y a pas mal de points communs entre vous et Donat… 
La créativité est souvent liée à une contrainte. De Renoir à Picasso, les peintres travaillent toujours à l'intérieur de cadres rectangulaires, et les six cordes d'une même guitare ne sonneront pas pareil entre les mains de Django Reinhardt ou de Jimi Hendrix. Il est tout de même difficile de se mettre à la place d'un patient atteint du syndrome de Guillain-Barré: un auteur choisit de s'immobiliser pour écrire, alors que Donat est obligé d'être inventif, c'est une nécessité vitale pour continuer à exister. Mais ce qui est vrai pour Donat l'est sans doute pour nous tous : dans un monde qui va de plus en plus vite, faire une pause permet de découvrir des ressources insoupçonnées.

Vous êtes journaliste spécialisé dans le domaine de la Santé, en quoi votre pratique vous sert-elle dans votre activité de romancier ?
J'observe l'hôpital, et je vois un grand théâtre où des acteurs de toutes sortes ont un rôle à jouer, du directeur à l'agent d'entretien, du chirurgien à l'aide-soignante. Les personnages les plus intéressants ne sont pas forcément ceux qu'on croit… Je côtoie pour mes reportages des soignants qui portent chacun une histoire particulière : on ne devient pas médecin par hasard, et un psychiatre a rarement le même profil qu'un réanimateur. J'écoute aussi beaucoup de patients, qui partagent souvent des sentiments à la fois intimes et universels. Ces rencontres sont toujours marquantes, et bien sûr très inspirantes.

À quand la suite des aventures de Donat & Aurélie, couple dont le duo semble promis à un bel avenir ?
Plusieurs personnages de Barré sont apparus dans mon premier roman, Damage Control. Aurélie en fait partie, et on la croise aussi dans D'abord ne pas nuire, mon quatrième, avec là encore d'autres retrouvailles plus ou moins furtives.
Mon but n'est pas de créer une saga, et chaque livre a son histoire, son propos. Mais j'ai besoin en écrivant de convoquer ces complices qui, bizarrement, deviennent parfois assez réels dans mon esprit. Et je m'amuse aussi à semer de livre en livre certains petits indices, comme un jeu de piste autour d'un récit parallèle, qui interrogera les lecteurs assidus…

Barré de François Clapeau, 224 pages, Editions J'ai Lu, poche, 7.20 euros.