Arletty : Vrai nom, "Atmosphère", Liaisons, Drames, Maladie, Sexualité et "Cul international": Secrets et Répliques de l'icône

Née un 15 mai, morte il y a 30 ans, Arletty incarne encore aujourd'hui un âge d'or du cinéma français. Une actrice incontournable, une madeleine de Proust dont les phrases cultes résonnent dans l'inconscient collectif, 30 ans après sa disparition. Retour sur son parcours étonnant, de sa naissance à l'aube du XXe siècle, en passant par ses succès et controverses, jusqu'à son décès à 94 ans.

Arletty : Vrai nom, "Atmosphère", Liaisons, Drames, Maladie, Sexualité et "Cul international": Secrets et Répliques de l'icône
© BOUTEILLER/SIPA (publiée le 13/05/2022)

"Atmosphère! Atmosphère! Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère?". Cette réplique culte d'Arletty dans le film Hôtel du Nord de Marcel Carné résume sa gouaille, son énergie, personnification sur grand écran de l'enfant de Paris. Ce titi parisien, enfant des faubourgs, sorte de Gavroche au féminin.

Arletty sur le mot atmosphère: "Je ne peux plus de le dire ou l'entendre"

"J'ai besoin de changer d'atmosphère, et mon atmosphère c'est toi." C'est à cette phrase de Louis Jouvet, son partenaire dans le film, que répond Arletty, née Léonie Bathiat, devenant ainsi la réplique la plus culte du cinéma français. De cette célébrité, elle racontera: "Le mot a l'air de sortir d'un chapeau de prestidigitateur. C'est le même dans toutes les langues. Je ne peux plus de le dire ou l'entendre. D'ailleurs, il ne m'appartient plus. Il appartient au public."

Arletty, son premier amour baptisé "Ciel" comme la couleur de ses yeux, meurt à la guerre en 1914

C'est non loin de Paris, à Courbevoie, que Léonie Bathiat, voit le jour le 15 mai 1898, "dans un rez-de-chaussée sombre éclairé par le sourire de ses parents", comme elle le racontera dans ses mémoires baptisées La Défense. Fille d'un ajusteur-tourneur pour les tramways de Paris et d'une lingère, la petite Léonie a un frère, Pierre. C'est à Clermont-Ferrand que la petite passera son enfance, souffrant de fragilités respiratoires. Arletty y reçoit une éducation religieuse, puis étudiera la sténographie de retour à Paris. Une jeune vie déjà ponctuée de drames puisqu'elle perd l'amour de sa vie prénommé "Ciel", en hommage à ses yeux, sur le champ de bataille en 1914. Deux ans plus tard, c'est son père qui meurt fauché par un tramway, l'obligeant, ainsi que sa mère et son frère, à quitter leur pavillon dédié aux employés de la Compagnie des Transports Parisiens.

Arletty, muse du Tout-Paris

Dans le Paris vibrant du début du XXe siècle, Léonie Bathiat fait ses premiers pas, tenant la main d'un directeur de théâtre qui lui trouve le pseudonyme d'Arletty (avec un Y pour la touche anglaise). Alors qu'elle crève l'écran dans Hôtel du Nord (1938), Les Visiteurs du Soir (1942) ou Les Enfants du Paradis (1945), elle devient muse, source d'inspiration inépuisable des artistes de son temps.

Dans sa très touchante dernière interview donnée à Paris Match en 1992, elle répond au journaliste qui l'interroge sur ses peintures dénudées: "Oui, j'ai posé nue pour des peintres, comme Kisling, Matisse ou Braque. Et alors?" Et alors, rien d'autre à dire à part respect, pour cette petite dame de 90 ans qui assume absolument et revendique son parcours de vie atypique.

Arletty : son histoire d'amour (pas si ) secrète avec un nazi

Car le mantra d'Arletty est bien celui de vivre sa vie à sa guise, peu importe la bien pensance, la bienséance. Et d'aimer qui elle le souhaite: qu'il s'agisse d'une femme - elle vit une liaison avec Antoinette d'Harcourt en 1940 - ou bien d'un officier nazi. Durant la guerre, elle entretient une liaison avec Hans Jürgen Soehring, proche d'Hermann Göring. Une idylle à laquelle elle met un terme à la libération, malgré les suppliques de son amant qui lui demande de fuir avec lui. Arletty sera arrêtée, ce qui ne l'empêchera pas une énième saillie mémorable. Prise à partie par un membre de la FFI, elle répondra: "Si mon coeur est français, mon cul, lui, est international!"

Arletty, aveugle à la fin de sa vie

L'actrice, icône aussi adulée que controversée, aura toujours vécu en étant fidèle à elle-même. Fidèle à sa promesse de ne jamais se marier après la disparition tragique de son premier amour en 1914, fidèle à ses envies, sa carrière parsemée de rôles cultes, fidèle à sa gouaille parisienne bien qu'elle n'ait jamais voulu capitaliser sur son côté "fille de Paname", se reconnaissant plus volontiers en tant que fille d'ouvriers.

Ultime coup du destin, Arletty devient aveugle à la fin des années 1970. Une tragédie dont elle exprimera sa force, comme elle le raconte encore à Paris Match, après avoir découvert "Paris couvert d'un immense voile blanc". "J'ai accepté comme une fatalité, j'ai supporté ma condamnation." Précisant: "Il me semblait voir plus loin que tout le monde, voir jusqu'au dedans des êtres."

"Sur la plaque on lira juste: Pierrot et Léonie"

Celle qui jusqu'à la fin vivra dans une certaine solitude choisie - "C'est une amie indispensable, je l'aime. Plus qu'un besoin, elle est devenue ma source d'énergie, de méditation", confiera-t-elle encore à ce sujet -, consacrera ses dernières années à la cause des aveugles, confiant même laisser son numéro dans l'annuaire "pour que d'autres aveugles puissent m'appeler." À 94 ans, le 27 juillet 1992, Arletty s'est éteinte. Partie rejoindre son petit frère, son Pierrot, dans le caveau familial du Père Lachaise. "Sur la plaque on lira juste: Pierrot et Léonie."