PETITE NATURE, SANS FRAPPER, WOMEN DO CRY... nos coups de cœur du 9 mars

Au lendemain de la Journée Internationale des Droits des Femmes, les salles obscures se parent de féminisme et mettent à l'honneur des personnages battants au cœur de récits durs et émouvants. On vous donne nos favoris de la semaine.

PETITE NATURE, SANS FRAPPER, WOMEN DO CRY... nos coups de cœur du 9 mars
© Ad Vitam

Petite Nature, de Samuel Theis

© Ad Vitam

Petite Nature suit l'émancipation de Johnny, 10 ans, mais déjà grand dans sa tête. En révolte contre tout ce que représente sa mère, le garçon trouve son salut auprès de son nouveau maître d'école, pour lequel il commence à développer des sentiments. Ce film d'une délicatesse folle est une révélation. Celle d'Aliocha Reinert, jeune comédien fascinant dans le rôle de ce garçon confronté à ses premiers émois. Alors que la caméra semble scanner ses émotions, l'acteur incarne avec une émotion magnétique l'attirance, la frustration, la colère et la tristesse. Il nous bluffe par la maturité de son interprétation face à des acteurs tout aussi intransigeants, Antoine Reinartz en tête. Une immense réussite rendue possible par la réalisation de Samuel Theis qui, avec un sujet pourtant facilement glissant, pose un regard sans jugement, insoumis et libérateur sur la fin de l'insouciance.

Avec Aliocha Reinert, Antoine Reinartz, Mélissa Olexa... (1h35)

Sans Frapper, d'Alexe Poukine

© La Vingt-Cinquième heure

À travers le visage de personnes multiples, hommes, femmes, de tous âges et toutes origines, Alexe Poukine livre un documentaire sur le récit des viols d'Ada, une jeune fille de 19 ans victime d'un homme à plusieurs reprises dans la même semaine. La jeune femme en question a posé des mots sur ses expériences traumatisantes, passant au crible de son ressenti les actes subis, la prise de conscience, le dépôt de plainte ou encore les conséquences physiques et psychologiques. Les interprètes de ses écrits délivrent son message avec une telle émotion que tous pourraient être elle. À ce texte très intime se heurtent leurs propres expériences personnelles. Jugements, émotions, prises de conscience et introspections se révèlent face à la caméra de la réalisatrice, qui parvient à catalyser des moments de grande sincérité pour dresser un portrait universel, résolument humain, impactant, déstabilisant. Si la violence de la narration rend par moments le documentaire douloureux, ce qu'elle fait émerger chez les protagonistes comme chez le spectateur s'impose comme une nécessité. Sans frapper devient alors une thérapie de groupe à la sensibilité super-puissante.

1h25

Kung Fu Zohra, de Mabrouk El Mechri

© Gaumont

Zohra est folle amoureuse d'Omar. Le charmant séducteur laisse malheureusement vite place à un oppresseur psychologique, jusqu'aux premières violences physiques. La jeune femme reste pour le bien-être de sa fille, mais se lance dans l'apprentissage du kung fu pour rendre les coups. Le synopsis peut effrayer vu la sensibilité du sujet. Les débuts du film, un peu pop, flirtent d'ailleurs avec la limite permise de décalage pour une telle thématique. Passée l'appréhension, Mabrouk El Mechri parvient à toucher sa cible tout en conservant son parti-pris cinématographique. L'image s'assombrit en même temps que la tension s'accentue au sein du couple. Comme une vision fantasmée du parcours de la mère du réalisateur, l'émancipation du personnage fait de sa forme originale une force. La voix-off par laquelle l'histoire de Zohra est racontée accentue l'horreur de sa situation, la culpabilité infondée que l'on imagine pourtant l'accompagner et la force de résilience qui l'habite. Si le film conserve quelques éléments irréalistes, clins d'œil assumés aux films d'arts martiaux, il n'en reste pas moins captivant. Sabrina Ouazani et Ramzi Bedia y sont grandement pour quelque chose. Les deux comédiens frappent fort dans ces rôles à contre-emploi. Les voir évoluer tout en méfiance procure un malin plaisir, jusqu'à la confrontation finale, plutôt jouissive.

Avec Sabrina Ouazani, Ramzi Bedia, Eye Haïdara... (1h38)

Women do cry, de Mina Mileva et Vesela Kazakova

© Eurozoom

Women do Cry parle de son temps, de famille et de maladie. C'est un cri de rage venu du cœur. Le film de Mina Mileva et Vesela Kazakova prend racine dans l'histoire personnelle de Vesela. En Bulgarie, deux sœurs se chamaillent autant qu'elles s'aiment, partagent leurs expériences amoureuses avec complicité et se soutiennent face à leur mère. Sonja, la cadette, contracte le VIH. Lora lui en veut à en crever. Petites disputes deviennent grands déchirements pendant que les femmes autour d'elles se débattent elles aussi avec l'existence. La mère semble se protéger derrière l'oracle, l'une de leur tante est en dépression post-partum, l'autre critique ses choix de vie tout en défendant la place des femmes dans la société bulgare. Les sujets abordés sont nombreux, mais s'articulent pourtant parfaitement autour de ce clan sous tension. Au milieu des touchantes vraies membres de la famille de Vesela Kazakova (elle-même à l'écran), l'actrice Maria Bakalova porte le rôle de Sonja. Repérée dans Borat, nouvelle mission filmée, l'actrice confirme là son intensité et son audace à habiter des rôles que peu pourraient assumer. Women do cry offre une fenêtre sans filtre sur les liens du sang et des problématiques sociales qui parleront à beaucoup. L'art de transformer le personnel en message universel.