ALI & AVA, RIEN À FOUTRE, VIENS JE T'EMMÈNE... : nos coups de cœur ciné du 2 mars

Les sorties de la semaine évoquent l'amour, les rencontres, la musique et les déclics, le tout enrobé d'une grande question : comment exister, rire, aimer dans un monde qui nous accable ? "Ali & Ava", "Rien à foutre" et "Viens je t'emmène" apportent des éléments de réponse tout en ayant le grand avantage de redonner de l'espoir. Des indispensables en ces temps hostile, à savourer (enfin) sans masque.

ALI & AVA, RIEN À FOUTRE, VIENS JE T'EMMÈNE... : nos coups de cœur ciné du 2 mars
© Avali Film / Rezo Films

Ali & Ava, de Clio Barnard

© Rezo Films

Energie, douceur et bienveillance sont les maîtres-mots d'Ali & Ava. Avec cette histoire, Clio Barnard a souhaité mettre en lumière l'extraordinaire dans la vie de deux êtres ordinaires originaires de Bradford, en Angleterre. Ava est si occupée à prendre soin de ses proches qu'elle n'a pas conscience de sa solitude. Ali, lui, voit son mariage partir en fumée et n'ose pas en parler aux siens. Ali & Ava c'est le récit de leur "rencontre" dans sa forme la plus noble : celle qui naît d'une alchimie, d'un sentiment de bien-être partagé, loin des attentes amoureuses ou des points communs. Une symbiose d'âmes, en quelque sorte. L'optimisme né de leur connexion est amplifié par la musique omniprésente, du rap génial sur un capot de voiture au folk émouvant dans un pub, en passant par cette merveilleuse scène d'écoute partagée sur un canapé. Evidemment, Ava et Ali doivent beaucoup à leurs interprètes, les attendrissants et lumineux Adeel Akhtar et Claire Rushbrook. Deux bouffées d'air frais au cœur d'une bulle mélodramatique. Le talent de Clio Barnard ne réside pas seulement dans sa capacité à nous faire aimer son film fort et vite, mais dans son habileté à livrer un feel très good movie tout en gardant un background social sur les rapports de classes, le racisme ou les violences conjugales. Par son quotidien gris où les sentiments fleurissent, Ali & Ava nous convainc qu'on peut parler d'amour sans chichi tout en plantant la graine de l'espoir. Rafraîchissant.

Avec Claire Rushbrook, Adeel Akhtar, Shawn Thomas... (1h35)

Rien à foutre, d'Emmanuel Marre et Julie Lecoustre

© Condor Distribution

Dans Rien à Foutre, Adèle Exarchopoulos donne corps aux travailleurs du ciel. L'actrice incarne une hôtesse de l'air de 26 ans, menant de front sa vie dans les airs au service d'une compagnie low-cost. Comme beaucoup, elle a choisi cette voie aérienne pour voyager et se contente de regarder à travers le hublot vers des destinations pas toujours exotiques. Tout ça lui va bien. Les soirées alcoolisées entre deux vols, les conquêtes d'un soir, la colocation entre hôtesses de l'air à Lanzarote... Une vie légère, sans attache ni grande ambition. Quand des syndicalistes l'haranguent sur le tarmac pour dénoncer ses conditions de travail, elle leur répond qu'elle n'a pas le temps de les écouter, elle a du boulot et il lui convient. Rien ne l'atteint, son apparente sérénité est robuste. Mais peut-on réellement survoler sa vie sans se crasher ? Avec ce portrait filmé au plus près de son personnage, les réalisateurs interrogent la force du déni, l'attraction de la fuite en avant, mais aussi le revers de la standardisation. Le monde moderne, lissé, éphémère, instagrammable, est une aubaine pour qui souhaite éviter de confronter ses blessures. Adèle Exarchopoulos est immensément douée pour aborder ces vagues internes. Derrière une façade joviale, présentable, elle laisse paraître un bouillonnement qu'on devine dévastateur. Une masterclass d'actrice, servie sur un plateau (repas).

Avec Adèle Exarchopoulos... (1h55)

Viens je t'emmène, d'Alain Guiraudie

© Les Films du Losange

Le genre de la comédie s'emballe face à la réalisation d'Alain Guiraudie. Jean-Charles Clichet joue Médéric, un type un peu mou amoureux d'une prostituée qu'il croise quotidiennement à Clermont-Ferrand. Noémie Lvovsky est Isadora, cette travailleuse du sexe pleinement jouisseuse. Son métier, sa vie, ses clients, son mari, sont le fruit de ses choix personnels. Et puis il y a Selim, un jeune sans-abris à qui Médéric va ouvrir la porte alors que la ville vient de subir un attentat. Cette main tendue va être le début d'un imbroglio entre voisins. Pendant ce temps, le mari jaloux d'Isadora la cherche partout, un flic soupçonneux s'incruste et une bande de dealeurs attendent de choper Selim. Alain Guiraudie parvient à enchaîner les situations cocasses pour aborder les attentats, le complotisme et la peur de l'autre. Son casting lui rend la tache aisée. Immense coup de cœur pour Noémie Lvovsky, capable d'offrir son corps nu à un cunnilingus des plus réalistes face caméra. Le résultat est un bordel cru, osé, riche, grinçant et drôlement intelligent autour de la société actuelle, tiraillée entre une réalité hostile, incertaine et une envie de romantisme. Le réalisateur de L'inconnu du lac manie l'art de dédramatiser ce monde qui part en vrille, tout en nous rappelant la force de décharge émotionnelle du rire. Un memo grandement bienvenu. 

Avec Noémie Lvovsky, Jean-Charles Clichet, Ilies Kadri, Doria Tillier... (1h40)