Claire Rushbrook, douce lumière de ALI & AVA

Dans "Ali & Ava", de Clio Barnard, le quotidien de deux personnes ordinaires s'illumine quand elles se retrouvent au contact l'une de l'autre. Claire Rushbrook incarne le pôle positif de cette énergie délivrée en duo avec Adeel Akhtar, à voir sur grand écran le 2 mars. La comédienne anglaise nous a parlé de ce rôle si particulier à ses yeux.

Claire Rushbrook, douce lumière de ALI & AVA
© Claire Rushbrook lors des 24e British Independent Film Awards, le 5 décembre 2021 - Dan Rowley/BIFA//SIPA

Claire Rushbrook dégage une bienveillance immédiate. Elle est le genre d'actrice dont la présence chaleureuse parle d'elle-même. Dans Ali & Ava, au cinéma le 2 mars, la comédienne anglaise joue de cet atout pour incarner Ava, une assistante scolaire toujours prête à se plier en quatre pour famille et amis. Cette romance sur fond de chronique sociale délivre son personnage des souffrances du passé en la faisant entrer en contact avec son exact opposé. Ali (Adeel Akhtar) n'a pas la même culture ni le même âge qu'Ava, il vit dans un quartier très différent du sien et il exècre même la musique qu'elle adore : le folk. Pourtant, quelque chose d'indicible attire ces deux êtres l'un vers l'autre. Comme si la simple présence de l'autre les apaisait instantanément. La mise en scène de Clio Barnard couplée à l'interprétation de ses deux acteurs géniaux servent de conducteur au courant très fort qui passe alors entre des personnages au spectateur. Avec une filmographie faite principalement de rôles secondaires (Spider-Man : Far from home, Enola Holmes, Ammonite...) Claire Rushbrook tient ici sa revanche. La comédienne prouve sa capacité à porter des principaux rôles forts en émotions avec une aisance évidente. Interview. 

Qu'est-ce qui vous a émue dans l'histoire d'Ali & Ava ?
Claire Rushbrook
: J'ai été très émue par le fait que ce soit une histoire sur des personnes ordinaires, ce qu'on ne voit pas assez. Je sais qu'il y a un million d'histoires à raconter, mais quand je croise des femmes de mon âge, parfois juste au supermarché,  je me dis que beaucoup d'entre elles ont de grandes histoires, ressentent de puissants sentiments dont on parle peu. J'étais reconnaissante que ces gens soient mis en lumière.

C'est ce qui vous a convaincue de devenir Ava ?
Claire Rushbrook
: J'ai trouvé l'histoire rafraîchissante et émouvante, mais ce qui m'a convaincue de dire "oui" était avant tout que ce personnage baigne dans une histoire d'amour. J'ai eu de géniales opportunités au cours de ma carrière, j'ai joué toutes sortes de rôles, mais je n'avais encore jamais eu l'occasion d'incarner une histoire d'amour aussi honnête, crédible, intime. C'était très excitant. J'étais aussi ravie que l'on pense à moi pour un premier rôle. D'autant plus que Clio a une excellente réputation, celle d'être une réalisatrice très bienveillante. J'étais évidemment aussi excitée à l'idée de travailler avec Adeel Akhtar, qui joue Ali.

Claire Rushbrook dans "Ali & Ava" © Rezo Films

Ava est inspirée d'une réelle assistante scolaire que Clio a rencontrée. Comment avez-vous composé avec ça ?
Claire Rushbrook
: Clio a rencontré la femme qui a inspiré Ava lors du tournage de son précédent film, Le Géant égoïste. Elles ont appris à très bien se connaître. Clio était très claire sur son intention de raconter l'histoire qu'elle voulait. Cette inspiration n'était qu'une base. La femme en question a été chaleureuse et accueillante avec moi. J'ai passé une soirée avec elle au cours de laquelle elle m'a généreusement partagé certaines choses d'elles pertinentes pour le film. Ce n'est pas pour autant quelque chose auquel j'ai pensé pendant tout le tournage. Je n'avais pas à la mimer ou autre. Avec de tels rôles, vous prenez conscience que des personnes vous regarderont avec attention et cela vous donne une raison supplémentaire de faire du bon boulot.

A l'inverse, qu'avez-vous ajouté de votre personnalité à Ava ?
Claire Rushbrook
: Je n'ai pas du tout contribué au script, mais j'ai l'impression qu'ils m'ont choisie parce que j'ai eu une empathie très forte pour les sentiments ressentis par le personnage. Je suppose avoir une franchise, une transparence, que Clio a appréciée pour le personnage d'Ava. C'est difficile de savoir ce que j'y ai apporté parce que ce sont des choses que l'on se contente de ressentir.

"La ligne est si mince entre le fait de faire avec ses traumatismes et celui de réellement guérir"

Vous avez passé un "test d'alchimie" avec Adeel Akhtar. Pouvez-vous nous en parler ?
Claire Rushbrook
: C'est assez marrant qu'ils m'aient proposé de passer un test, parce que ce n'est pas le genre de choses que je réussis habituellement. C'était un exercice étrange alors je l'ai vu comme une audition. J'ai rencontré la directrice de casting, Clio et Adeel pour jouer 2 ou 3 scènes très bien choisies, assez intimes. Il y avait la scène où l'on danse sur le canapé en écoutant chacun notre musique. Je crois que le véritable test d'alchimie, c'était d'avoir foi en l'autre, de plonger. L'autre scène était assez silencieuse, elle arrive plus tard dans le film et je crois que pour celle-ci, on attendait de nous d'être ouverts et réceptifs à l'autre et de ne pas arriver avec des actions préméditées. C'est difficile d'analyser cette alchimie, elle était juste là et c'était superbe.

On ressent cette attirance chez vos personnages. Qu'est-ce qui les séduit l'un chez l'autre ?
Claire Rushbrook
: Je suis d'accord, j'aime la connexion graduelle qu'il y a entre eux, le fait que ça ne démarre pas par une explosion de sentiments. Ava ne réalise pas vraiment à quel point elle est seule. Elle est pragmatique, comme beaucoup d'entre nous, elle se débrouille pour que la famille s'en sorte, pour travailler, entretenir la maison. Le charme inattendu de cet homme attire son attention parce qu'elle le voit joyeux et joueur avec une petite fille dont elle s'occupe à l'école. C'est un sentiment grandissant qu'elle ne peut ignorer. Comme ils sont tous les deux timides, la connexion se fait en douceur et je crois que cette lente progression lui plaît suite au traumatisme de ses expériences passées. Et puis, il y a la personne qu'il est évidemment. Ali est drôle, elle adore son côté un peu fou. La musique les rapproche. C'est un raccourci vers l'intimité, non ? Partager la musique que l'on aime avec quelqu'un est un acte généreux, c'est comme laisser son cœur chanter.

Claire Rushbrook et Adeel Akhtar dans "Ali & Ava" © Rezo Films

Ava s'émancipe au contact d'Ali. Que signifie cette libération à vos yeux ?
Claire Rushbrook
: C'est un personnage remarquable. On sent qu'elle avait déjà amorcé un changement et qu'à ce niveau, elle a l'ambition et le désir nécessaires pour avancer. Cela lui semble être le bon moment pour décider de s'ouvrir au monde. Sa force de caractère, au vu de son histoire sentimentale, est remarquable. La ligne est si mince entre le fait de faire avec ses traumatismes et celui de réellement guérir. Ava parvient à avancer sans mettre de côté ce qui lui est arrivé. Elle est très forte, comme beaucoup de femmes que l'on connaît tous.

Comment était-ce de jouer en musique ?
Claire Rushbrook
: C'était une aide stimulante. La musique, mais aussi les lieux où nous avons tourné ont retranscrit la réalité et la joie de la situation. On tournait loin de chez nous, je n'avais pas mes enfants près de moi. Le soir, hors-plateau, j'écoutais beaucoup de musique, cela m'a aidée à rester ouverte au jeu, à mieux ressentir les sentiments. J'ai beaucoup écouté une artiste conseillée par Clio, Janis Ian, une magnifique chanteuse américaine, mais aussi Gillian Welch et pas mal de chansons aléatoires !

C'est une histoire très optimiste malgré les sujets abordés et le contexte social… Pourquoi c'est important d'avoir de tels récits de vie ?
Claire Rushbrook
: C'est important d'avoir des films comme ça parce qu'ils portent une part de réalité, de vérité. La vie est ainsi faite. Des choses affreuse arrivent tous les jours et Clio a la capacité d'aborder ces sujets sans prêcher pour autant.