Alba Rohrwacher : "Ce serait un miracle si j'avais confiance en moi"

Alba Rohrwacher campe une Lucia drôle et peu sûre d'elle dans "Troppa Grazia", un film qui parle de confiance en soi, en salles dès le 26 décembre. En quoi croit la touchante comédienne italienne ? Comment tourne-t-on avec la Vierge Marie ? L'actrice nous répond.

Alba Rohrwacher : "Ce serait un miracle si j'avais confiance en moi"
© Pupkinproductions

Alba Rohrwacher a beau partager l'affiche de Troppa Grazzia avec la Vierge Marie (rien que ça), c'est elle qui, incontestablement, crève l'écran. Dans le long-métrage de Gianni Zanasi, qui sort en salles obscures le 26 décembre, l'actrice italienne campe Lucia, mère célibataire qui fait la rencontre troublante de la Vierge Marie. Aussi spontanée que son personnage, la comédienne insiste pour répondre à nos questions... en français. "Il faut que je m'exerce", explique-t-elle. Talentueuse et polyglotte ! Ses débuts au théâtre, sa méthode secrète pour travailler la confiance en soi, les anecdotes loufoques de tournage : l'actrice se confie sans fard au Journal des Femmes

Comment avez-vous été amenée à travailler sur ce film ?
Alba Rohrwacher : Lorsque Gianni Zanasi, le réalisateur, m'a parlé de l'idée de son film, je me suis dit qu'il prenait un risque, que c'était même une folie. Il m'a ensuite envoyé une ébauche de scénario. J'ai tout de suite aimé cette étrangeté, cette intelligence, cette légèreté et cet humour : tout cela fait la force de Troppa Grazia.

Comment vous a-t-il dirigée ? Quelles étaient ses attentes ?
Nous avions beaucoup de liberté. Gianni avait une trame très précise, mais il nous a beaucoup laissé improviser, parfois rallonger des séquences de manière spontanée. Je me souviens d'une scène avec Elio Germano (Arturo dans Troppa Grazia, NDLR) que nous avons tournée pendant 40 minutes, alors qu'à l'écran, elle dure à peine deux minutes.

Est-ce un exercice qui vous a plu ? 
Sur le tournage, Gianni a instauré ce climat de confiance qui nous a aidés à nous dépasser. C'était, pour moi, une manière de tourner assez inhabituelle. Si j'apprécie le fait d'être guidée et encadrée, la liberté est importante, elle permet de casser avec la routine, le quotidien, la sécurité. Elle nous aide à avancer et à accomplir ce dont on se croyait incapable, un peu comme Lucia dans le film.

Comment décririez-vous votre personnage ?
C'est une jeune mère, elle a eu sa fille à 18 ans, et maintenant, celle-ci a grandi et est devenue une jeune femme. Lucia doit porter sa petite famille à bout de bras toute seule, mais son travail est assez instable et n'offre pas de réelle sécurité économique. Elle n'a pas le temps de réfléchir, elle est empêtrée dans le chaos de la vie. Par conséquent, elle s'oublie un peu elle-même.

Avez-vous des points communs avec Lucia ?
Nous avons le même visage (rires), mais l'intériorité est tout à fait différente. Elle n'arrive pas à croire en quoi que ce soit : elle ne peut pas, elle n'a pas le temps, puisqu'elle court sans cesse, surtout pour sa fille. Elle n'a pas le temps de tomber amoureuse, de se faire plaisir, de rêver. Elle a seulement le temps d'effectuer des petits boulots.

Vous, à l'inverse, aimez prendre votre temps...
Oui, mais je n'ai pas d'enfant de 18 ans à m'occuper (rires). Et puis, je suis une actrice. Un acteur ne doit jamais oublier d'avoir la foi. C'est une partie importante de notre métier : d'être capable de croire en quelque chose qui n'existe pas, pour le rendre vivant. On doit croire aux personnages, aux choses vraies, comme fausses. Or, Lucia n'arrive pas à croire. La vie est plus forte qu'elle. Dans son cas, la Vierge symbolise davantage une relation entre elle et sa conscience, quelque chose qu'elle a oublié d'elle-même. Cela n'a trait ni à la religion ni à l'Église, mais à l'enfance.

Diriez-vous que vous croyez en vous-même ?
Je crois surtout au métier que j'ai choisi de faire à 18 ans, à cette possibilité d'être dans l'univers que j'ai choisi en tant qu'artiste. J'ai commencé à faire du théâtre lorsque j'étais à l'Université. C'est à ce moment-là que j'ai compris qu'il y avait une sorte de tension en moi que je n'avais jamais su diriger. Avec la comédie, tout prenait enfin un sens. C'était comme un feeling, une sensation : je ressentais quelque chose de familier en jouant. En Italie, on dit "tout s'est mis en place parfaitement".

Comment acquérir confiance en soi ?
Avant de monter sur scène, je me rappelle d'une phrase que disait Colette : "Dès le moment où j'arrive sur scène, je ne m'appartiens plus et tout va bien." Cette simple citation m'a accompagnée à l'Ecole de Cinéma de Rome où j'ai étudié plusieurs années. Cette phrase m'a aidée à avoir confiance, pas forcément en moi, mais dans le personnage que je vais jouer. Il m'arrive de douter sur certains projets, cela fluctue. J'aimerais un miracle pour un sentiment d'estime constant !

Comment s'est passée la rencontre avec Hadas Yaron qui incarne la Vierge Marie ?
Hadas Yaron m'a conquis dès le moment où elle est arrivée pour faire les essais. Nous sommes deux êtres humains avec une sensibilité similaire, donc on s'est tout de suite bien entendues. Plus que cela, on s'est vraiment amusées ensemble. Elle devait camper une Vierge, vraiment sévère, et moi, je devais interpréter cette géomètre qui a la tête dans les nuages. Ce décalage a créé des situations loufoques.

Comme cette scène où vous vous battez... avec la Vierge Marie... 
C'était difficile, car on devait d'abord tourner toutes les séquences sans elle, puis avec elle. J'ai dû parler toute seule, me faire tomber moi-même… J'avais l'impression de jouer dans une véritable pièce de théâtre, de faire une sorte de danse abstraite. Lorsqu'on a terminé la scène, j'étais essoufflée, fatiguée, décoiffée. Toute la troupe, les figurants, les techniciens, me regardaient comme si j'étais possédée (rires) !

Que diriez-vous à nos lectrices pour leur donner envie d'aller voir Troppa Grazia ?
C'est un film plein de délicatesse, de tendresse et de légèreté qui donne à réfléchir sur des choses importantes, comme l'écologie. Il dépeint plusieurs histoires d'amour peu conventionnelles. D'abord, il y a la romance entre Alba et Arturo qui ne peuvent plus vivre ensemble et un secret dans ce couple qu'on ne parvient pas à percer immédiatement. Ensuite, on assiste à une passion entre Lucia et cette terre qu'elle doit protéger, et enfin, une conquête amoureuse entre Lucia… et elle-même ! Ce n'est que de l'amour !