Pédophilie : comment lutter contre la pédocriminalité ?

Quelles sont les chiffres de la pédocriminalité en France ? Comment protéger son enfant des pédocriminels ? Comment aider son enfant victime d'abus sexuel ? Le Journal des Femmes répond à vos questions.

Pédophilie : comment lutter contre la pédocriminalité ?
© Katarzyna Białasiewicz/123RF

Qu'est-ce que la pédophilie ?

Selon la définition de l'OMS, la pédophilie appartient aux troubles de la préférence sexuelle, soit "une préférence sexuelle pour les enfants, qu'il s'agisse de garçons, de filles, ou de sujets de l'un ou l'autre sexe, généralement d'âge prépubère ou au début de la puberté". Dans le langage courant, la pédophilie définit également la pédopornographie, la cyber-pédocriminalité, les violences sexuelles sur mineurs, la corruption de mineurs.

Le terme de "pédophilie" est largement remis en cause, par les associations notamment qui lui préfèrent le terme de pédocriminalité, pour deux raisons explicitées dans un article publié sur le site de Franceinfo1 :

  • Dans le mot pédocriminalité, "le sens est différent car toute référence au fait d'aimer disparaît au profit du seul crime", avance le sociologue Pierre Verdrager.
  • "La grande majorité des gens qui ont des fantasmes pédophiles ne passent pas à l'acte, tandis que la majorité des gens qui passent à l'acte ne sont pas forcément pédophiles", explique à Franceinfo le psychiatre Walter Albardier, responsable du Centre ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles d'Ile-de-France (CRIAVS). "Il convient donc de distinguer des pédophiles dits 'abstinents' et les 'pédocriminels' qui ne sont pas pédophiles. Ils passent à l'acte car ils se laissent déborder par une pulsion", expose toujours pour le site d'actualité Léonor Bruny, psychologue clinicienne.

Les chiffres de la pédocriminalité

Selon l'association fondée par la psychiatre Muriel Salmona, Mémoire traumatique et victimologie2, 165 000 enfants seraient victimes de viols ou tentatives de viol chaque année.

Selon une enquête Ipsos réalisée pour cette même association en 20193, l'âge moyen des premières violences sexuelles est de 10 ans. Ces violences sont incestueuses dans 44 % des cas. 22 % de ces violences sexuelles sont des viols.

Lois contre la pédophilie et peines encourues pour un acte pédophile

La pédophilie n'est pas un terme inscrit dans la loi.

Corruption de mineur.e : que dit la loi ?

"Le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d'un mineur (abus sexuels sur mineurs, ndlr) est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Ces peines sont portées à 7 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communications électroniques ou que les faits sont commis dans les établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux.

Les mêmes peines sont notamment applicables au fait, commis par un majeur, d'organiser des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe ou d'assister en connaissance de cause à de telles réunions.
Les peines sont portées à 10 ans d'emprisonnement et 1 000 000 euros d'amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou à l'encontre d'un mineur de 15 ans
".

Lutte contre la cyber-pédocriminalité : que dit la loi ?

"Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque l'image ou la représentation concerne un mineur de 15 ans, ces faits sont punis même s'ils n'ont pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation.

Le fait d'offrir, de rendre disponible ou de diffuser une telle image ou représentation, par quelque moyen que ce soit, de l'importer ou de l'exporter, de la faire importer ou de la faire exporter, est puni des mêmes peines.

Les peines sont portées à 7 ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsqu'il a été utilisé, pour la diffusion de l'image ou de la représentation du mineur à destination d'un public non déterminé, un réseau de communications électroniques.

Le fait de consulter habituellement ou en contrepartie d'un paiement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation, d'acquérir ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende."

Viols et agressions sexuelles sur mineur.e : que dit la loi ?

Selon le Code pénal, "constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage". Concernant précisément une agression sexuelle commise sur un.e mineur.e : "lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur, la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de la différence d'âge existant entre la victime et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur".

Le viol est puni de 15 ans de prison, la peine est portée à 20 ans lorsque ce viol est commis sur un.e mineur.e de 15 ans et moins.

Pour les autres agressions sexuelles, l'âge de la victime est aussi une circonstance aggravante. "Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende lorsqu'elles sont imposées à une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse ou résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur", prévoit le Code pénal.

Comment lutter contre la pédophilie ?

Sensibiliser l'enfant à ce qu'un adulte a le droit ou non de faire semble essentiel, même s'il est parfois difficiles de trouver les mots justes et d'avoir la réaction adaptée. Le conseil de l'Europe a mis en ligne le guide de La Règle "On ne touche pas ici", conçu pour aider les parents à expliquer aux enfants quels sont les endroits où on ne doit pas essayer de les toucher, comment réagir et auprès de qui chercher de l'aide. Ce guide contient plusieurs aspects dont il faut parler avec son enfant. Parmi les plus importants, qu'on peut retrouver sur le site de la Fondation pour l'Enfance :

  1. "Ton corps est à toi" : il appartient à l'enfant, et personne ne peut le toucher sans sa permission. Apprendre à l'enfant quelles sont ses parties intimes et les nommer par leur vrai terme ("pénis" au lieu de "zizi" par exemple). L'enfant a le droit de refuser un baiser ou une caresse, même venant des personnes qu'il aime. Il est important de lui apprendre à dire "non", à s'écouter et à faire confiance à ses sentiments de bien-être ou de malaise. Si quelqu'un tente un contact physique déplacé, l'enfant doit savoir qu'il peut vous en parler, ou à un adulte de confiance.
  2. Apprendre à l'enfant la différence entre les gestes convenables et les gestes déplacés : dire aux enfants que ce n'est pas bien que quelqu'un regarde ou touche leurs parties intimes ou leur demande de regarder ou de toucher celles des autres.
  3. Il y a de bons secrets et de mauvais secrets : il est important que l'enfant sache distinguer le bon secret (par exemple, une organisation de fête surprise) du mauvais secret. Les mauvais secrets sont ceux qui rendent anxieux, tristes, qui font peur ou mettent mal à l'aise. Ils ne doivent pas être gardés pour soi.
  4. La prévention et la protection sont de la responsabilité de l'adulte : les adultes doivent éviter tout tabou autour de la sexualité et encourager leur enfant à leur faire part de ce qui les inquiète, les rend anxieux ou triste.

Il existe aussi des livres pour apprendre aux enfants à dire non, pour leur apprendre à déceler des situations anormales.

En 2019,  un numéro d'appel à destination des personnes attirées par les enfants a été mis en place, une expérimentation portée par la Fédération française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS). Le premier objectif de cette ligne unique : empêcher les pédophiles de passer à l'acte.

D'autres moyens permettraient de lutter contre la pédocriminalité comme le renforcement des contrôles préalables à l'embauche de tous publics travaillant auprès des enfants, une formation et une sensibilisation de l'ensemble des adultes en lien avec des enfants (église, fédérations sportives...).

Comment aider les jeunes victimes ?

La Fondation pour l'Enfance livre sur son site plusieurs conseils à l'attention de parents de victimes de pédocriminels :

  1. Ne pas remettre en cause les affirmations de son enfant (les fausse accusations sont très rares).
  2. Garder son sang-froid, ne pas dramatiser, ne pas minimiser, ne pas banaliser.
  3. Engager la discussion pour amener l'enfant à raconter, avec ses mots, ce qu'il s'est passé.
  4. Ne pas forcer son enfant à parler.
  5. Féliciter son enfant d'avoir révélé son secret.
  6. Rester discret quant à ce qu'il vous a raconté.
  7. Rester tendre avec son enfant.
  8. Lui promettre de l'aider.
  9. Composer le 17 pour effectuer un signalement.
  10. Pratiquer les examens  médicaux nécessaires.
  11. Pour plusieurs raisons, l'enfant peut nier après coup avoir subi des abus sexuels. "Ne laissez pas ce comportement vous faire douter de votre enfant. Cette réaction de sa part ne signifie en rien que l'agression n'a pas eu lieu", affirme la Fondation pour l'Enfance.

Associations d'aide et de lutte

Sources :
1 https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/affaire-gabriel-matzneff/pourquoi-vaut-il-mieux-parler-de-pedocriminalite-plutot-que-de-pedophilie_3778825.html
2 https://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2019-enquete-ipsos-2-violences-sexuelles-de-lenfance.html?PHPSESSID=tn5hbg2k75a2jensmtn0e77bc5
3 https://www.ipsos.com/fr-fr/10-ans-lage-moyen-des-premieres-violences-sexuelles-0