60 % des femmes, victimes de violences sexistes ou sexuelles au travail

Tenue vestimentaire, entourage professionnel... L'Ifop dresse le bilan des violences sexistes et sexuelles au travail, à l'échelle européenne. Du geste grossier aux relations sexuelles contraintes, voici les chiffres effarants de cette étude à l'ère post-Weinstein.

60 % des femmes, victimes de violences sexistes ou sexuelles au travail
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C'est pour marquer le retentissement de l'affaire Weinstein, le 5 octobre 2017, qui a eu comme résultat la libération de la parole des femmes, grâce aux mouvements #MeToo et #TimesUp, que la Fondation Jean Jaurès et la Fondation Européenne d'études progressistes (FEPS) a commandé une étude portant sur les violences sexistes et sexuelles que pouvaient subir les femmes sur leur lieu de travail.
Se basant sur un panel de 5026 femmes âgées de 18 ans et plus résidant en Italie, Espagne, France, Allemagne et Grande-Bretagne. Cette étude, réalisée en avril dernier, nous permet de connaître le "profil-type" de la victime, les éléments qui font d'elle une proie facile et quel pays européen doit faire le plus d'efforts en matière de respect. 

  • Selon l'Ifop, 60% des femmes ont déjà été victime d'une forme de violence sexiste ou sexuelle sur leur lieu de travail. En tête des pays européens où les femmes sont les plus à plaindre, on retrouve l'Allemagne (68%), l'Espagne (66%) et l'Angleterre (57%). Les gestes et comportements déplacés (clins d'oeil, regards, sifflements) sont les cas les plus fréquents, surtout en Espagne d'après les chiffres, où 22% des femmes ont déjà fait l'objet de harcèlement visuel ou verbal.   
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En France, 12% des sondées déclarent avoir déjà essuyé des commentaires grossiers, sifflements et 10% ont déjà fait l'objet de remarques gênantes sur leur physique ou tenue vestimentaire.

  • Pour ce qui est du harcèlement physique, 12% des Allemandes sondées disent s'être vu imposer des contacts physiques légers comme un effleurement des mains, des cheveux ou des jambes contre 6% en France. Plus choquant, les Espagnoles (14%) affirment avoir déjà subi des remarques écrites ou orales à connotation sexuelle et 10% ont déjà reçu des cadeaux sans leur consentement et ont fait l'objet d'avances via des invitations dans des lieux compromettants à des horaires louches. 
  • A quoi ressemblent ces femmes ? 

L'Ifop met un point d'honneur à dire que toutes les femmes ne sont pas égales face au comportement sexiste et aux violences sexuelles. Ainsi, les femmes victimes de harcèlement au travail sont plutôt jeunes (25-30 ans à 42%). Ceci peut s'expliquer par la vulnérabilité que l'on peut attribuer à ces jeunes femmes, bien qu'elles soient plus enclines à dénoncer ce genre de comportement par rapport à des femmes plus âgées (elles sont 42% des moins de 30 ans contre 24% des quadragénaires).

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Aussi, le physique de ces jeunes femmes jouent beaucoup. D'après Maryse Jaspard, socio-démographe, ces dernières seraient "plus conformes aux stéréotypes sexuels masculins". 

Pour le reste, les données récoltées par l'IFOP nous apprennent que la plupart des victimes sont issues des classes populaires, vivent en ville et appartiennent à un minorité religieuse ou sexuelle, les femmes lesbiennes ou bis étant plus stigmatisées, de part leur genre ou préférences sexuelles. La couleur de peau, les origines et la religion supposée d'une personne peut aussi faire d'elle une proie facile.

  • On apprend également que le suivi vestimentaire obligatoire pour les femmes (talons, uniforme, tailleur), le ratio hommes/femmes (si la femme travaille au sein d'une entreprise où ses homologues féminines sont rares) dans l'entreprise et le fait d'être en contact avec le public directement ou non (contact par téléphone par exemple) participe au harcèlement. 
  • Les femmes ont toujours du mal à briser le silence

Si l'affaire Weinstein a eu une incidence positive globale, les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles sur leur lieu de travail ont toujours tendance à choisir le mutisme comme réponse (entre 33 et 47% selon les situations).

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Mais cela dépend de la nature de ce qu'elles ont subi. Lorsqu'il s'agit de contacts physique légers, de remarques gênante sur le physique ou la tenue ou gestes grossiers, elles sont une poignée (respectivement 8% et 9%) à en parler à un supérieur hiérarchique ou à un représentant du syndicat.
En revanche, lorsque les faits sont plus graves, comme des pressions psychologiques en vue d'une faveur sexuelle, elles sont 16% à en parler à l'une de ces deux autorités.   

  • Grands patrons, collègues : qui sont les auteurs de violences sexistes et sexuelles au travail ? 

Il n'y a pas que les patrons et supérieurs hiérarchiques qui sont à l'origine de violences sexistes et sexuelles. Bien que ces derniers profitent de leur supériorité pour faire pression sur une femme en vue d'avoir des relations sexuelles avec elle (34%), les collègues et personnes extérieures (fournisseurs, clients...) à l'entreprise forment également une part importante !

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Elles sont 11% en Europe à avouer avoir déjà eu des relations sexuelles de manière forcée ou "non désiré" avec quelqu'un du milieu professionnel.
C'est en Espagne que ce phénomène d'intimidation est le plus important avec 15% des femmes qui ont déjà répondu à des avances sans réellement souhaiter avoir des relations sexuelles.

En conclusion, "imposer une tenue "sexy", comme dans l'hôtellerie ou la restauration, "accentuerait les risques de violences sexuelles".

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