Le Scouarnec, chirurgien pédophile, "scatophile, zoophile" : sa nièce raconte

La nièce de l'ex-chirurgien pédophile Joël Le Scouarnec a livré son témoignage bouleversant dans "Le Parisien". Egalement victime de son oncle, elle a raconté ses comportements pervers et dénoncé l'omerta dans sa famille...

Le Scouarnec, chirurgien pédophile, "scatophile, zoophile" : sa nièce raconte
© Francois Mori/AP/SIPA

[Mis à jour le vendredi 12 février à 13h59] Joël Le Scouarnec, l'ancien chirurgien pédophile, condamné à 15 ans de prison pour viols et agressions sexuelles sur quatre mineures, a exercé son emprise sur des centaines de victimes potentielles. Parmi elles, il a abusé sexuellement deux de ses nièces. L'une d'entre elles a témoigné auprès du Parisien. "Quand ma sœur, à l'âge de 9 ans, nous a dit ce qui lui était arrivé, ma mère l'a tout de suite crue. Elle en a parlé à mon oncle, qui a promis de se soigner, puis à sa femme, qui semblait déjà être au courant. En fait, ce n'était pas tabou dans la famille", s'est-elle d'abord souvenue.

Joël Le Scouarnec : sa nièce dénonce l'omerta dans la famille

Joël Le Scouarnec © Capture d'écran - France 3

Mais dans la famille, la parole de la jeune fille a été malgré tout écartée : "Mon grand-père, par exemple, a dit : 'Ce n'est pas un crime non plus'… On a compris bien plus tard que c'était de génération en génération et qu'il était comme son fils".

Il faut dire aussi que dans le clan familial, Joël Le Scouarnec était celui qui avait "le mieux réussi", presque "intouchable".

Sa mère a proposé à sa sœur de porter plainte contre le chirurgien. Mais à l'époque, elle était encore trop jeune pour comprendre. La petite fille a refusé. "Par essence, un enfant ne fera jamais de mal à un adulte, donc elle n'a pas voulu. On ne peut pas demander à un enfant de prendre une telle décision, ce sont aux parents de le faire", a-t-elle asséné.

La femme de Joël Le Scouarnec, complice ?

La nièce de l'ex-chirurgien savait que celui-ci réitèrerait ses comportements pervers. Alors, lorsque le fils de Joël Le Scouarnec a donné naissance à une petite fille, elle a tout tenté pour essayer de la protéger de l'emprise de son grand-père. "J'ai voulu parler à mon cousin mais ma tante a répondu 'Ce n'est pas ton rôle, je m'en occupe'. Elle nous a assuré l'avoir fait", s'est-elle souvenue.

Mais l'épouse de l'ex-chirurgien a gardé le silence. Pour la nièce de Joël Le Scouarnec, sa femme est tout bonnement sa complice : "Elle continue à mentir et la loi la protège puisque les faits sont prescrits pour la non-dénonciation. Pour moi, elle devrait être dans le box avec lui. Elle aurait pu protéger beaucoup, beaucoup d'enfants".

Sa nièce, victime d'amnésie traumatique

L'omerta a été brisée en 2017, lorsque la mère d'une petite fille de 6 ans, qui a raconté les horreurs du chirurgien à ses parents, a décidé de porter plainte. Un relatif soulagement pour la nièce de Joël Le Scouarnec. C'est aussi à cet instant qu'elle s'est souvenue avoir été violée par son oncle, lorsque celui-ci, entendu par la justice, a cité son nom.

"Je me suis alors rappelée des attouchements. Et puis d'une nuit, où j'avais senti une présence, des flashs d'appareil photo, sans pouvoir me réveiller. Ce n'est que plus tard que j'ai tout appris", a-t-elle raconté au Parisien.

Un "urophile, scatophile, zoophile"

Le chirurgien lui-même a évoqué des faits de viol sur sa nièce, et pourtant, il n'a été reconnu coupable que d'agressions sexuelles. Une véritable "injustice" pour la victime, qui a ajouté avec regret : "Quand on n'est pas entendu au niveau familial, on se dit qu'on le sera par la justice. Malgré les écrits, les photos, les aveux, le viol n'est pas reconnu. Parce que je dormais, parce que j'ai oublié".

Le procès a été particulièrement éprouvant pour la jeune femme. "C'était extrêmement violent, on a vu et entendu des horreurs. C'est un pédocriminel, un monstre dans toutes ses perversions, urophile, scatophile, zoophile… Après, ses aveux ont compté pour moi. Qu'il ait dit que sa femme savait, ça aussi c'était important. Elle, elle a menti effrontément, elle a tout nié, prétendue être sous médicaments. Elle a même lancé à une des victimes, une de ses nièces : 'Tu n'as eu que ce que tu méritais'", s'est-elle souvenue.

Joël Le Scouarnec, condamné

Joël Le Scouarnec avait été condamné à 15 ans de prison par la cour d'Assises de Saintes, le 3 décembre, pour viols et agressions sexuelles sur quatre mineures. Il encourait vingt ans de réclusion criminelle. Il a décidé de faire appel.

Malgré les centaines de victimes potentielles, la Cour d'Assises n'a dû prendre en considération que 4 témoignages lors de cette audience.

Joël Le Scouarnec n'a été renvoyé devant la justice que pour des agressions sexuelles et viols qui auraient été commis entre 1989 et 2017 sur quatre petite filles : deux nièces, une voisine du domicile Le Scouarnec en Indre-et-Loire et une patiente, toutes mineures au moment des faits présumés. 

343 victimes identifiées 

Si les faits sont désormais prescrits, ces femmes ont pu apporter leurs témoignages sur les viols subis, que l'accusé ne reconnait pas.

La femme et la soeur de l'accusé, qui n'ont pas réagi à ces situations incestueuses qui se déroulaient parfois sous leur toit (leurs yeux ?) étaient également à la barre.

Joël Le Scouarnec, qui admet être un "pédophile", n'a reconnu que les agressions sexuelles depuis le début de son procès en mars dernier, interrompu par la crise sanitaire.

Accusé de"viols et agressions sexuelles sur des mineurs de moins de 15 ans", "viols sur des mineurs de moins de 15 ans et par personne abusant de l'autorité de sa fonction" et "viol et agressions sexuelles commis par une personne abusant de l'autorité de sa fonction", cet ex-chirurgien de 70 ans est incarcéré depuis mai 2017 pour 312 faits d'agressions sexuelles ou viols lors de son passage à l'hôpital de Jonzac, mais aussi à Loches (Indre-et-Loire), dans les établissements de Vannes, Quimperlé, et Lorient, en Bretagne ainsi que dans son cadre familial. 

"Ce sont, au final, 343 victimes qui ont été identifiées ou se sont avérées identifiables ", a déclaré Stéphane Kellenberg en octobre 2020.

Des sordides découvertes

Après des décennies d'atrocités commises sur des enfants, âgés de 11 ans en moyenne, c'est finalement en 2017 que Joël Le Scouarnec est arrêté. Alors qu'il exerce à l'hôpital de Jonzac, en Charente-Maritime, il abuse d'une petite fille de 6 ans, qui raconte les faits à ses parents. Sa mère décide alors de porter plainte... 

Lors de l'enquête ouverte sur l'ancien chirurgien de sordides collections ont été dénichées sur son ordinateur. Le recensement fait froid dans le dos : 301 544 photos et vidéos pédopornographiques ont été trouvées et classées par thème, de "zoophilie" à "enfants nus" en passant par "scatologie", nous précise Le Monde.

Joël Le Scouarnec avait dissimulé le sombre contenu sur un ordinateur non connecté à Internet, mesure qu'il pensait préventive, puis sur des disques durs que le chirurgien a ensuite cachés sous un matelas lorsqu'il a compris qu'il se faisait arrêter par la police.

Mais l'horreur ne s'arrête pas là. L'homme, qui avait la manie de tout noter, a noirci plusieurs journaux intimes en y racontant les agressions sexuelles et viols qu'il a fait subir aux enfants qui furent ses patients, de 1989 à 2017. 

Joël Le Scouarnec : "On peut les toucher sans qu'elles se posent trop de questions"

"L'avantage des petites filles de cet âge, c'est qu'on peut les toucher sans qu'elles se posent trop de questions", lit-on dans l'un des "carnets noirs", comme le rapporte Le Monde. Joël Le Scouarnec relate les abus qu'il a fait subir aux enfants en poussant sans vergogne les portes de leur chambre d'hôpital : "14 mai, 10 h 20. Quand je suis entré dans celle de N., j'ai eu l'agréable surprise de la trouver seule (…) J'y suis donc retourné pour en profiter. J'ai découvert son bas-ventre, prétextant de savoir si elle avait toujours des brûlures en faisant pipi".

Pour les patients au-delà de 12 ans, il passe souvent à l'acte lorsqu'ils sont "endormis ou sous anesthésie" en salle de réveil ou au bloc. Si le chirurgien admet avoir réalisé des "pénétrations digitales", il semble qu'il se soit fixé une limite à ne pas franchir, "la pénétration dans le sexe d'un enfant avec son propre sexe".

Joël Le Scouarnec : "Je suis pédophile. Et j'en suis très heureux"

En avril 1996, il raconte que son épouse, (une aide-soignante rencontrée pendant son externat, la "seule femme" de sa vie), surnommée "ELLE" dans son carnet, a découvert ses travers et lui ordonne de se faire soigner. "Le cataclysme est venu s'abattre sur moi et sur mon attirance pour les petites filles et les petits garçons. ELLE sait que je suis pédophile", lit-on selon Le Monde.

Une découverte qui ne fait pas vaciller les sordides activités de ce père de trois garçons, au contraire. Toujours selon Le Monde, quatre mois plus tard, il écrit : "Mercredi 1er mai 1996, minuit, dans le salon de musique. Je me suis placé devant la caméra vidéo et je me suis déshabillé. Nu, je me suis tripoté (…) pour fêter la reprise de mes activités pédophiles".

L'homme n'éprouve aucune honte et se délecte même de ses perversités : "Le 10 avril, 8 h 15, dans les toilettes, à l'hôpital de Lorient. Tout en fumant ma cigarette du matin, j'ai réfléchi au fait que je suis un grand pervers. Je suis à la fois exhibitionniste, voyeur, sadique, masochiste, scatologique, fétichiste, pédophile. Et j'en suis très heureux." Au fil des années, ses journaux intimes sont griffonnés de récits, plus glauques les uns que les autres, dans lesquels il décrit "les odeurs corporelles, les sécrétions, les excréments", selon Le Monde.

Joël Le Scouarnec : première arrestation et séparation 

En 2004, il fait face à une première arrestation : sa carte bancaire a été enregistrée sur un site russe pédopornographique basé aux États-Unis et le FBI a repéré son identité. Le Monde précise que l'interrogatoire est bref et les conséquences ne sont pas lourdes. "9 décembre 2004. Ce qui devait arriver est arrivé. Je vais être fiché comme pédophile. Je suis donc contraint de cesser mes activités sur Internet. Quand pourrai-je reprendre ?"

L'impossibilité de visionner ces glaçantes images sur la Toile n'empêche pas le chirurgien de poursuivre ses abus à l'hôpital de Quimperlé, où il travaille depuis quelques mois : "18 h 30, J'ai trouvé le petit A. tout seul et je n'ai pas hésité à baisser son slip".

En 2008, après avoir écopé de quatre mois avec sursis pour téléchargement d'images pédopornographiques, sans obligation de soin ni restriction, le chirurgien décroche un poste à l'hôpital de Jonzac, en Charente-Maritime, malgré la sinistre réputation qu'il commence à se faire. Le médecin justifie ses activités auprès de la directrice de l'établissement.

D'après Le Monde, celle-ci s'est souvenue lors d'un procès verbal qu'à l'époque, il lui avait avoué "de la consultation Internet chez lui (…) par détresse personnelle suite à la séparation avec sa femme". 

Joël Le Scouarnec : ses perversités à domicile

Après le divorce, Joël Le Scouarnec s'installe seul. Son ex réside dans leur villa à Vannes, à 400 km de lui. Ses enfants ont déjà quitté le nid. Mais qu'importe, l'homme apprécie la solitude.

Elle lui donne l'impression de ne pas avoir de comptes à rendre. "Je ne veux aucune femme, aucune bête, aucune plante. Etre libre", déclare-t-il à son frère. Chez lui, il continue à consommer des images pédopornographiques, traîne nu, ne se lave pas, sombre dans l'alcoolisme (il vide les bouteilles de whisky), mange des conserves debout sur son évier, aime se photographier en tutu ou vêtu d'une culotte d'enfant dérobée, nous raconte Le Monde

Malgré tout, il ne peut plus faire subir ses abus à ses patientes, comme autrefois, par peur de se faire repérer, et se contente de poupées sexuelles pour assouvir ses sombres désirs.