Gabriel Matzneff : un appel à temoins pour retrouver des victimes

Après que Vanessa Springora a accusé Gabriel Matzneff d'avoir exercé une emprise sur elle, étant plus jeune, un appel a témoins a été lancé pour identifier d'autres éventuelles victimes de l'écrivain.

Gabriel Matzneff : un appel à temoins pour retrouver des victimes
© ANDERSEN ULF/SIPA

L'ouvrage de Vanessa Springora aura secoué bien des esprits. L'éditrice, qui accusait l'écrivain Gabriel Matzneff d'avoir exercé une emprise sexuelle sur elle étant adolescente, a mis en lumière les travers de l'homme de lettres grâce à son livre Le Consentement... à tel point qu'un appel à témoins a été lancé le 11 février afin de retrouver des victimes présumées. C'est le service de police missionné par l'Office central de répression des violences faites aux personnes (OCRVP) qui est en charge de mener les enquêtes, comme l'a indiqué Rémy Heitz, procureur de la République de Paris. "Au-delà des faits décrits par Vanessa Springora, l'enquête identifiera toute autre victime éventuelle ayant pu subir des infractions de même nature sur le territoire national ou à l'étranger", a-t-il détaillé. 

Gabriel Matzneff "regrette" ses relations sexuelles avec des mineurs

Gabriel Matzneff s'est réfugié en Italie depuis la publication de l'ouvrage de Vanessa Springora, Le Consentement. Il réside dans un hôtel italien, seul, nous apprend BFM TV, qui s'est rendu sur place pour interroger l'écrivain, qui avait raconté ses relations sexuelles avec de jeunes filles et garçons en Asie, dans ses essais.

"On peut parfois faire des choses sans y penser. Je dois dire qu'à l'époque, personne ne pensait à la loi. Il n'y avait pas de loi. Vous étiez là comme voyageur et vous aviez des garçons et des filles jeunes qui vous draguaient et vous sautaient dessus, sous l'œil bienveillant de la police", s'est-il justifié auprès de la chaîne d'information avant d'ajouter : "C'était tout à fait regrettable. Un touriste, un étranger, ne doit pas se comporter comme ça. On doit, adulte, détourner la tête, résister à la tentation. Naturellement je regrette, de même que si je fais quelque chose qui n'est pas bien, je le regrette."

Toutefois, celui-ci n'a pas l'impression d'avoir commis de crime : "À l'époque, on parlait de détournement de mineur, d'incitation du mineur à la débauche, d'atteinte à la pudeur... Mais jamais personne ne parlait de crime !"

Gabriel Matzneff : pédophilie ou relation consentie ?

C'est une affaire qui relance la question de la notion de consentementGabriel Matzneff n'a jamais caché son attirance pour les très jeunes garçons et filles, mais cette fois, l'auteur est au pied du mur. Vanessa Springora, fraîchement nommée directrice des éditions Julliard, dénonce l'emprise que l'écrivain a eu sur elle alors qu'elle était encore adolescente, dans son ouvrage, Le Consentement.
Vanessa Springora rencontre Gabriel Matzneff en 1986 lorsqu'elle accompagne sa mère à un dîner professionnel. L'écrivain s'éprend alors de l'adolescente, qui n'a que 14 ans, et sa fascination tourne à l'obsession. Il commence à écrire à la jeune fille et l'attend à la sortie de son école. "Comme je n'avais lu aucun de ses livres, je ne savais pas que c'était un procédé qu'il mettait systématiquement en œuvre", s'est souvenue Vanessa Springora auprès de Bibliobs. L'adolescente, en proie aux doutes et aux insécurités de l'âge, devient l'amante de l'écrivain, malgré leurs 36 ans d'écart. Elle finit par le quitter lorsqu'elle découvre que celui-ci entretient d'autres relations en parallèle.

"Sa verge dans la bouche, à l'heure du goûter" : le récit sordide de Vanessa Springora

Dans son ouvrage et avec le recul des années, la directrice des éditions Julliard décrit l'emprise de l'adulte face à la fragilité de l'adolescence et pose l'épineuse question de l'âge de consentement : "Comment admettre qu'on a été abusée quand on ne peut nier avoir été consentante ? Quand, en l'occurrence, on a ressenti du désir pour cet adulte qui s'est empressé d'en profiter". Car Vanessa Springora n'est pas sortie indemne de cet épisode, loin de là. Longtemps traumatisée et encore relativement affectée, elle est parvenue à aller de l'avant grâce à une psychanalyse.

"A 14 ans, on n'est pas censée être attendue par un homme de 50 ans à la sortie de son collège, on n'est pas supposée vivre à l'hôtel avec lui, ni se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche, à l'heure du goûter", écrit-elle. De surcroît, elle a dû supporter l'hallucinante désinvolture de Gabriel Matzneff, qui se plaît à transposer sur le papier les histoires de ses jeunes conquêtes. "Lorsque vous avez tenu dans vos bras, baisé, caressé, possédé un garçon de 13 ans, une fille de 15 ans, tout le reste vous paraît fade, lourd, insipide", a-t-il notamment écrit dans son essai Les Moins de seize ans, en 1974. Des récits qui ont d'autant plus troublé Vanessa Springora : "Comme si son passage dans mon existence ne m'avait pas suffisamment dévastée, il faut maintenant qu'il documente, qu'il falsifie, qu'il enregistre et qu'il grave pour toujours ses méfaits".

Pédophilie ou relation consentie ? Gabriel Matzaneff prend la parole

Quant au principal intéressé, il s'est dit outré par l'ouvrage, auprès de l'Obs, qu'il a décrit comme : "hostile, méchant, dénigrant, destiné à [lui] nuire, un triste mixte de réquisitoire de procureur et de diagnostic concocté dans le cabinet d'un psychanalyste".

Il  a ajouté au Parisien : "Plus tard peut-être, lirai-je son livre, mais pas maintenant, ce qu'on m'en a dit me fait tant de peine, je n'en ai pas la force", avant d'évoquer "la beauté de l'amour" qu'il a "vécu avec Vanessa".

Le ministre de la Culture Franck Riester a également réagi à l'affaire, sur Twitter : "L'aura littéraire n'est pas une garantie d'impunité. J'apporte mon entier soutien à toutes les victimes qui ont le courage de briser le silence (...) Je les invite, ainsi que tout témoin de violences commises sur des enfants, à contacter le 119."

Gabriel Matzaneff dévoile une supposée lettre de rupture

Un mois plus tôt, Gabriel Matzaneff avait dévoilé le contenu d'une lettre de rupture qui aurait été écrite par Vanessa Springora, selon l'écrivain, dans un entretien sur la chaîne YouTube de Simon Collin. Voici une partie du contenu de la missive : "Je t'en prie, laisse-moi partir, et faire de nous deux mes plus beaux souvenirs. Je suis heureuse que les dernières heures que j'ai vécues avec toi aient été des heures de félicité, de plaisir, de tendresse. Ces ultimes étreintes feront s'atténuer dans ma mémoire les instants douloureux pour laisser place aux moments d'intense bonheur (...) Surtout, je t'en supplie, ne crois jamais que j'ai "tourné la page", que je "renie mon passé", ou quoi que ce soit de ce genre. Tu es et resteras jusqu'à ma mort mon premier amour et jamais je n'oublierai tout ce que nous avons vécu et combien nous nous sommes aimés. Ce que nous avons vécu de bonheur, de plaisir, d'amour fou, cette communion parfaite de nos coeurs et de nos corps qui nous unissait si fort, rien ni personne ne pourra jamais me les enlever, cela est mon trésor... et ma croix, pour l'éternité. Ton amour, Gabriel, est un soleil qui brillera en moi pour toujours. Jamais de la vie l'idée de regretter de t'avoir connu et aimé ne me viendra, je le jure devant Dieu. "