Viol et meurtre d'Elodie Kulik : Willy Bardon, condamné en appel

Près de 20 ans après le meurtre d'Elodie Kulik, le présumé coupable Willy Bardon a été condamné en appel... Une "peine adaptée", selon l'avocate générale.

Viol et meurtre d'Elodie Kulik : Willy Bardon, condamné en appel
© Maria Dryfhout /123RF

[Mis à jour le jeudi 1er juillet à 17h21] Willy Bardon a été condamné à 30 ans de prison pour viol en réunion, enlèvement, séquestration et meurtre d'Elodie Kulik en 2002, devant la cour d'assises d'appel de Douai, le 30 juin. Son procès en appel s'était ouvert le 12 juin. Il avait été condamné à la même peine, en première instance, en 2019.
"Trente ans, c'est une peine adaptée. Ce n'est même pas la durée de la courte vie d'Elodie Kulik", a déclaré l'avocate générale. L'accusé, lui, a continué de clamer son innocence. 

Willy Bardon : sa tentative de suicide lors du premier procès

Willy Bardon avait été condamné à 30 ans de réclusion par la cour d'assises de la Somme, à Amiens, pour le viol puis le meurtre d'Elodie Kulik, survenus en 2002. Après que le verdict a été prononcé le 7 décembre 2019, l'homme de 45 ans avait tenté de mettre fin à ses jours en ingérant un pesticide extrêmement dangereux, le Temik, alors qu'il se trouvait dans le box des accusés du palais de justice d'Amiens. Selon LCI, il avait avalé "une gélule dans les minutes qui ont suivi le verdict". Willy Bardon a été rapidement pris en charge, mais est resté dans le coma durant trois jours. Dès son réveil, alors que son pronostic vital n'était plus engagé, l'un de ses avocats, Stéphane Daquo, avait annoncé à l'AFP que l'accusé souhaitait faire appel de la décision du tribunal. Un "dépaysement du dossier" hors de Picardie avait également été requis.

Elodie Kulik : l'intervention déchirante de son père

Quelques jours plus tôt, Jacky Kulik, père d'Elodie Kulik avait lâché, la voix pleine d'émotion : "Moi, adversaire de la peine de mort, je peux vous dire que je serai libéré quand Bardon croupira en prison". Le père de la victime, appelé à la barre le 4 décembre, reste convaincu de la culpabilité de l'homme de 45 ans.
Le principal élément d'accusation de Willy Bardon est un enregistrement sonore d'un appel passé aux pompiers par Elodie Kulik, quelques minutes avant sa mort, dans lequel deux voix masculines sont perceptibles. Pour Jacky Kulik, à n'en pas douter, c'est Willy Bardon que l'on entend parler sur cette bande sonore. "Ma conviction est faite. C'est sa voix !", avait-t-il insisté, comme nous le racontait La Voix Du Nord.

Les larmes aux yeux, le père de la victime avait ponctué son discours de longs silences poignants. Il avait exhorté l'accusé à présenter ses excuses pour avoir précipité sa descente aux enfers : "Je ne dors presque plus, je vois chaque nuit le corps martyrisé et calciné de ma fille." Il a également évoqué le drame de la mort de son épouse Rose-Marie, qui, trop éprouvée par le meurtre de sa fille, a tenté de mettre fin à ses jours en 2003, a plongé dans un long coma de 9 ans, puis a rendu l'âme.
Brisé, Jacky Kulik avait tout de même trouvé la force de souligner l'admiration qu'il éprouvait pour celle à qui il avait donné la vie : "Elodie était aimante, intelligente, elle avait tous les talents, tout ce que ceux-là n'avaient pas, c'est pour cela qu'ils l'ont tuée…" Une prise de parole déchirante.

La nuit de la mort d'Elodie Kulik

Cette terrible soirée du 11 janvier 2002, la jeune femme de 24 ans, directrice d'une agence bancaire à Péronne, dans la Somme, rentre chez elle en voiture, après avoir dîné dans un restaurant de Saint-Quentin. Elle est suivie par un autre véhicule, qui la projette sur le bas-côté de la route.
Elodie Kulik appelle les secours, mais est brusquement placée dans une autre voiture avant d'être traînée sur un chemin de terre isolé de la commune de Tertry. La jeune femme y est violée, puis tuée par strangulation. Son corps mutilé et en partie brûlé est retrouvé par un agriculteur, le lendemain. Le sperme d'un homme est ensuite prélevé sur les lieux du crime, mais l'indice ne permet pas d'identifier le suspect.

Meurtre d'Elodie Kulik : la difficile recherche des suspects

C'est dix ans plus tard et grâce à la technique de recherche de suspect par ADN apparenté que le mystère se précise… jusqu'à établir un coupable présumé : il s'agit du sperme de Grégory Wiart. Toutefois, le jeune homme est décédé en 2003 d'un accident de la route, un an après le meurtre d'Elodie Kulik.
Pour faire la lumière sur les circonstances de la mort de la jeune fille et déterminer l'identité de son ou ses complices éventuels, les enquêteurs interrogent l'entourage de Grégory Wiart, dont l'un de ses amis, Willy Bardon, patron de bar de 45 ans avec qui il partageait une passion pour les courses automobiles dans la campagne.

Sept hommes sont placés en garde à vue, en janvier 2013. Les enquêteurs leur font écouter l'effroyable enregistrement sonore de l'appel aux secours d'Elodie Kulik, qui permet d'identifier deux voix masculines, dont, probablement, celle de Grégory Wiart. Trois d'entre eux sont formels : la deuxième voix reconnaissable est celle de Willy Bardon.
Même le principal intéressé ne peut nier l'évidence. "On entend ma voix mais je n'ai pas de souvenirs… C'est possible que j'y étais, à entendre ma voix, mais je n'ai pas de souvenirs", aurait-il balbutié, selon La Voix Du Nord. L'élément de preuve est loin d'être solide, mais il suffit à inculper Willy Bardon pour le meurtre d'Elodie Kulik. Le 21 novembre 2019, son procès est ouvert.

Meurtre d'Elodie Kulik : l'écoute de l'effroyable bande-son

Le 28 novembre 2019, cet enregistrement mortifère est diffusé en présence des jurés et du public. Dans la salle, la présidente s'assure qu'il n'y a aucune "objection pour la partie civile" à ce que la bande-sonore soit diffusée deux fois. Après un lourd silence, la terreur se fait entendre.
La stupeur retentit. 
L'opératrice décroche, mais aussitôt les éclats de voix d'Elodie Kulik retentissent. Des hurlements à la mort. On entend également, plus discrètes mais tout de même perceptibles, deux voix masculines qui crachent quelques mots. L'appel dure 26 secondes. Jacky Kulik, père de la victime, reste immobile. Il avait déjà entendu l'enregistrement sonore. 

Abject. Les experts, qui ont analysé la bande-son, n'ont pu percevoir que quelques bouts de phrases comme "J'commence à kiffer", "Donne un paquet" ou encore "C'est ça qu'il faut faire", raconte 20 Minutes. Un ancien gendarme de l'IRCGN (Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale) insiste : il est difficile d'identifier avec certitude les voix des agresseurs, l'enregistrement sonore étant de trop mauvaise qualité.
Quant à l'avocat de la partie Civile, Me Didier Seban, il souhaite que le point de vue "des témoins qui ont reconnu la voix de Willy Bardon avec certitude, et qui sont ses amis, sa famille" soit pris en compte pour l'incriminer. Son souhait est entendu le 6 décembre, lorsque Willy Bardon est condamné à 30 ans de réclusion. Le même verdict est tombé, moins de deux ans plus tard, en appel.