Emprisonnée en Iran, Fariba Adelkhah cesse sa grève de la faim

L'anthropologue et chercheuse franco-iranienne, arrêtée à Téhéran début juin, a cessé sa grève de la faim en raison de son état de santé alarmant.

Emprisonnée en Iran, Fariba Adelkhah cesse sa grève de la faim
© IBO/SIPA

Emprisonnée depuis de longs mois, Fariba avait entamé une grève de la faim dès le 24 décembre dernier, afin de protester contre son incarcération à Téhéran, en Iran, début juin. À cause de son état de santé alarmant, la chercheuse a mis un terme le 12 février à cette grève de la faim, annonce son avocat. "Mme Adelkhah a répondu à la demande écrite de militants politiques et issus de la société civile, et mis fin à sa grève de la faim à midi aujourd'hui", a indiqué cet avocat, Said Dehghan, à l'AFP.
Ses collègues et tous ceux qui se préoccupent des droits de l'homme s'inquiètent de son arrestation par les services de renseignements des Gardiens de la RévolutionDepuis juin, Fariba Adelkhah est incarcérée à la prison d'Evin, située au nord de la capitale. Une détention annoncée par l'autorité judiciaire le 16 juillet. Elle est accusée de "menace à la sûreté nationale" et "propagande contre le régime". Le procès devrait s'ouvrir prochainement.
"La justice iranienne est une machine de répression qui suit la politique des services spéciaux. Tous les binationaux sont soupçonnés d'être des agents", souligne Karim Lahidji, président d'honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH). "Il devient de plus en plus clair qu'il s'agit d'une prise d'otage diplomatique", commente Jean-François Bayart, ami de longue date et directeur de recherche au CNRS. "L'idée même qu'elle puisse être accusée d'espionnage suscite un rire jaune de la part de ses collègues". Selon lui, "Fariba Adelkhah ne vivait pas dans la peur". En témoigne ses nombreux voyages en Iran et dans la région.

Fariba Adelkhah : Une question de modernité

Intègre et indépendante. Fariba Adelkhah a toujours mené ses recherches sans s'inquiéter des éventuelles remarques qui lui sont faites, de la diaspora iranienne à Paris, notamment. Depuis ses premiers travaux, elle avance sur ses sujets de prédilection, se rend sur le terrain, prend le temps de comprendre, d'analyser. Ce professionnalisme reconnu par ses paires – et pas seulement – impose le respect. L'anthropologue est arrivée en France en 1977 pour suivre ses études à Strasbourg, avant la révolution islamique. Son père, un fonctionnaire du régime du Shah considère l'éducation de ses enfants comme primordiale. Lorsque Fariba émet le souhait d'étudier en France, il lui paye le voyage. "Elle ne voulait pas d'un scénario conjugal classique. Le deuxième sexe, de Simone de Beauvoir, a été l'une de ses lectures fondatrices", raconte Jean-François Bayart.
Fariba Adelkhah arrive à Paris en 1986, obtient son doctorat en anthropologie en 1989 avant d'intégrer Sciences-Po Paris en 1994. Ses travaux sur les réseaux religieux et le féminisme l'amènent à voyager régulièrement en Iran. Mais en 2009, elle réagit à l'arrestation de la chercheuse française Clotilde Resse, accusée d'espionnage. L'Universitaire écrit au président Mahmoud Ahmadinejad pour dénoncer ces accusations et annoncer qu'elle ne ferait plus de recherches en Iran. 

Fariba Adelkhah commence alors à travailler en Afghanistan sur la question agraire, la minorité chiite des Hazaras. L'anthropologue s'intéresse à l'institution cléricale et la mobilité du clerc chiite dans un espace transnational Afghanistan-Iran-Irak. En Iran, sa dernière étude porte sur les élections et la question fondamentale du foncier. Un énième retour aux sources qui confirme l'utilité de ses recherches et de sa présence sur le terrain. A condition de recouvrer la liberté. "La France appelle les autorités iraniennes à faire toute la lumière sur la situation de Mme Adelkhah et leur réitère ses demandes, en particulier celle d'une autorisation sans délais pour un accès consulaire", indique une source diplomatique. Le jeu politique ne fait que commencer sur fond de tensions entre l'Iran et les Etats-Unis.