Valéry Giscard d'Estaing est mort du Covid à 94 ans [PHOTOS]

Vingtième président de la République française, homme politique d'une modernité inédite, Valéry Giscard d'Estaing est décédé des "suites du Covid", mercredi soir, dans sa propriété d'Authon dans le Loir-et-Cher. Hommage en images.

Plus jeune président de la Ve République lorsqu'il est élu à 48 ans, chef de l'État de 1974 à 1981, VGE, victime du Covid-19, s'est éteint ce 2 décembre, a annoncé son entourage..
Valéry Giscard d'Estaing avait été hospitalisé du 15 au 20 novembre au CHU Trousseau de Tours pour "une insuffisance cardiaque", après un séjour en septembre à l'hôpital parisien Georges Pompidou, à Paris, à la suite d'une "légère infection aux poumons".
Evacué en hélicoptère par le Samu dans son château d'Authon dans le Loir-et-Cher, il a succombé à une infection au coronavirus dans la soirée, "entouré de sa famille".
Valéry Giscard d'Estaing avait fait l'une de ses dernières apparitions publiques le 30 septembre 2019 lors des obsèques à Paris d'un autre président de la République, Jacques Chirac, qui fut son Premier ministre. 

C'est à Coblence en Allemagne, dans une zone occupée par la France, que naît Valéry Giscard d'Estaing le 2 février 1926 dans un milieu aristocratique, particulièrement investi en politique : son père, Edmond Giscard est un haut fonctionnaire et un homme d'affaires ; sa mère, Mary Bardoux, est la fille du député Jacques Bardoux.

L'animal politique

Le jeune Valéry décroche un double BAC à l'âge de 16 ans, en philosophie et mathématiques, avant de s'engager à sa majorité dans la Première Armée du Général de Lattre de Tassigny, où il reçoit la Croix de Guerre. Giscard dit admirer deux hommes, De Gaulle et Jean Monnet, père de l'Europe.

Diplômé de l'Ecole polytechnique en 1944, puis de l'ENA en 1951, il intègre un an plus tard l'Inspection générale des finances, tout comme son père, autrefois.

En 1956, il se voit élu député à l'Assemblée nationale, avant d'être nommé secrétaire d'Etat aux Finances en 1959 et ministre des Finances en 1962.

Après le décès de Georges Pompidou, la campagne est éclair. Elle dure un peu plus d'un mois. "Heureusement", glisse d'ailleurs Giscard dans le documentaire que lui consacre Raymond Depardon. Humainement, "on ne s'est jamais lâché", renchérit l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui loue l'"intelligence" et la "vivacité d'esprit" de VGE. 

Sur l'affiche, Valery Giscard d'Estaing pose avec sa fille Jacinte, dans le jardin des Tuileries.  Son slogan ? "Giscard à la barre. Le président de tous les Français".

La petite phrase est reprise sur des T-shirts portés par Brigitte Bardot, scandée par ses soutiens Alain Delon et Johnny Hallyday.

Sa famille est impliquée dans la campagne. Le 19 mai 1974, un président centriste réformateur d'une modernité inédite prend le pouvoir.

"Il faisait beau, il y avait un vent de changement qui soufflait sur la France six ans après 1968", raconte Dominique Bussereau, député et ministre, au sujet de la campagne de 1974 qui reste "son plus beau souvenir politique".

Libéralisation de la société française

"C'est le passage d'une République en noir et blanc à une République en couleurs", résume Marielle de Sarnez. "Il a été élu de justesse, c'est l'époque où on se dit la gauche n'est pas loin", rappelle la présidente de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale avant d'énumérer les réformes du début du septennat : majorité à 18 ans, dépénalisation de l'adultère, réforme du divorce (par consentement mutuel), légalisation de l'avortement... 

VGE, catholique "social", conscient des attentes des baby-boomers, fait beaucoup pour la cause des femmes, notamment en soutenant sa ministre de la Santé Simone Veil dans son combat pour le Droit à l'IVG.

Un "féminisme" souligné devant le Sénat par Roselyne Bachelot, émue aux larmes par la disparition de ce grand homme "novateur". 

La ministre de la Culture a "salué sa mémoire", hier, devant le Sénat et rappelé également ses actions :"abaissement de la majorité civile, élargissement du droit de saisie du Conseil constitutionnel, mais aussi fin de la tutelle sur la télévision publique et donc de l'ORTF...",

Certains auraient aimé qu'il abolisse la peine de mort et autorise les radios libres, ce qui attendra la victoire socialiste en 1981. 

L'Auvergnat qui joue de l'accordéon à la télévision, pose en maillot de bain au Fort de Brégançon, fait du sport, s'invite à dîner chez les Français, oeuvre pour les foyers chez qui il démocratise téléphone et Minitel, révolutionnant notre quotidien. Il augmente les impôts et les contributions obligatoires et étend la Sécurité sociale aux non salariés.

Valéry Giscard d'Estaing, footballeur et skieur à ses heures, ouvre le Palais à des éboueurs maliens pour un petit-déjeuner de Noël, invite Claude François au piano pour le Réveillon 1975, et visite les prisons où il serre la main aux détenus (ce qui scandalise la Droite), renouvelant radicalement le genre d'une communication très cadenassée. 

La crise consécutive au choc pétrolier, sa politique d'austérité, ses choix plus conservateurs, ainsi que le chômage de masse et de sombres affaires (suicide suspect de son ministre Robert Boulin, diamants offerts par le président centrafricain Bokassa) pèsent ensuite sur sa popularité. Jusqu'à son échec, le 10 mai 1981, face à François Mitterrand qui le qualifie, 7 ans après le tacle du "monopole du coeur" de "président du passif".

Après son départ des ors de l'exécutif assorti d'un "au revoir" face caméra resté dans les mémoires, Valéry Giscard d'Estaing, alors seul ex-président en vie, traverse une profonde dépression.

Confinement actif

En mars 2020, le troisième président de la Ve République déserte l'hôtel particulier parisien qu'il habite pour se confiner dans son château d'Authon, dans le Loir-et-Cher avec son épouse Anne-Aymone.

L'ex-locataire de l'Elysée continue à s'affairer et ne cède pas à la panique. VGE ne se rend évidemment plus (par respect du confinement) au siège du Conseil Constitutionnel ni à l'Académie Française. Ses employés continuent de s'occuper de son cabinet en télétravail... 

Hommes de Lettres, auteur de nombreux livres dont 5 romans, l'Immortel (titulaire du fauteuil 16 de l'Académie) écrit encore en avril dernier une tribune pour l'Opinion, dans laquelle il aborde la question de la stabilité de l'Europe en ces temps de pandémie et s'interroge sur la reprise économique... 

Valéry Giscard d'Estaing, surnommé le "Kennedy français", avait côtoyé JFK, rencontré à la Maison-Blanche en 1962, dans le cadre de ses fonctions ministérielles. Un personnage qui l'avait grandement inspiré et dont l'assassinat, survenu le 22 octobre 1963, l'avait profondément marqué. "Parce que dans l'assassinat de Kennedy, il y a quelque part la notion de l'assassinat d'un rêve, confiait-il au micro de RTL il y a quelques mois. Quand on assassine un rêve, il n'y a pas que la personne qui est assassinée, le rêve est assassiné avec."

L'adieu malgré tout

Selon l'Express, Valéry Giscard d'Estaing avait refusé comme tous ses prédécesseurs de la Ve République (à l'exception de Chirac), l'organisation d'obsèques nationales. Il avait exprimé ce souhait en 2015, auprès du président de l'époque, François Hollande, précisant "aucune cérémonie officielle, aucun hommage de l'État". 

Conformément à ses volontés, les obsèques de VGE seront célébrées "dans la plus stricte intimité familiale". 

LFigaro évoquait le souhait de Giscard d'être enterré dans un jardin privé, comme sa fille Jacinte, inhumée en 2018 sur le terrain familial.