Eva Green (PROXIMA) : "Je suis née dans la Lune, le quotidien me fait peur, la routine aussi"

Dans "Proxima" d'Alice Winocour, en salles le 27 novembre, Eva Green obtient l'un des plus grands rôles de sa carrière : celui d'une astronaute qui s'apprête à quitter la planète en laissant derrière elle sa fille. Nous l'avons rencontrée, les pieds sur Terre et la tête dans les étoiles.

Eva Green (PROXIMA) : "Je suis née dans la Lune, le quotidien me fait peur, la routine aussi"
© Sean Thornton/Cover Images/SIPA

Et si c'était la prochaine lauréate du César de la Meilleure Actrice ? A l'aube de la quarantaine, Eva Green trouve un rôle en or sous les traits de Sarah dans Proxima d'Alice Winocour. Loin des personnages exubérants de Tim Burton, des accoutrements de la série "Penny Dreadful" ou de l'apparat d'une James Bond Girl, elle apparaît plus touchante que jamais. Elle incarne plus précisément une astronaute qui se prépare à une mission d'un an, partagée entre son ambition et le déchirement que lui impose sa séparation d'avec sa fille. Pour le Journal des Femmes, elle est revenue sur ce voyage du macro et du micro, de l'intime et de l'universel.    

Alice Winocour dit qu'elle a toujours été passionnée par l'espace. Et vous ?
Eva Green :
Gamine, je voyais tout ça différemment. L'univers était un truc presque surnaturel, lointain, poétique. Un endroit que visitaient uniquement des superhéros de l'espace. Avec tout ce qui s'est passé sur ce film -les recherches qu'Alice m'a demandé de mener, les rencontres avec des astronautes, les visites de centres d'entraînement…-, mon approche a changé. C'est un univers fascinant.

Quand vous regardez le ciel, à quoi pensez-vous ?
Eva Green :
Que je fais partie d'une autre planète (rires). Je suis en admiration devant cet infini, devant ce ciel qui change sans cesse, devant cette possibilité d'une autre vie, d'une autre planète… Il y a quelque chose de rassurant à regarder le ciel.

Eva Green dans "Proxima". © Pathé

La phase de préparation pour aller dans l'espace est peu exploitée au cinéma. En connaissiez-vous les rouages avant de faire ce film ?
Eva Green :
Non… Alice Winocour m'a donné plein d'ouvrages à lire. J'ai passé quelques exercices de simulation à Cologne… Les astronautes que j'ai rencontrés m'ont bien fait comprendre que c'est un métier très exigeant émotionnellement et physiquement. Ces gens sacrifient leur vie entière, c'est une vocation. Ils partagent cette soif d'aller au bout d'eux-mêmes, de surmonter les enjeux. Ils se sacrifient pour la science. Il y a quelque chose d'extrême dans leur démarche. Ils peuvent d'ailleurs mourir lors de missions. Les astronautes sont des masochistes passionnés.   

Tourner dans les vrais sites, c'est une chance inouïe…
Eva Green :
Bien sûr… C'est un luxe de tourner dans des lieux sacrés et en lien avec la conquête spatiale. Avoir de vrais entraîneurs pendant les scènes, c'était fou. C'est un privilège de pouvoir explorer des univers qu'on ne pourrait jamais tutoyer dans la vraie vie. C'est ce qu'offre ce métier.

Sentez-vous que c'est un rôle charnière ? Un des meilleurs de votre carrière, d'ailleurs…
Eva Green :
Merci… Déjà, ce qui est formidable, c'est que c'est un film français (rires). Mon personnage est dans la quotidienneté : c'est quelque chose que je n'avais pas fait auparavant. Sarah est constamment déchirée entre sa passion d'astronaute et sa fille, avec laquelle elle a une relation qui me bouleverse. Vous savez, les personnages les plus intéressants sont toujours ceux qui ont des dilemmes leur triturant les entrailles.

La conquête spatiale, c'est un environnement très masculin. On parle très peu de femmes…
Eva Green :
(elle coupe) Oui, beaucoup de femmes se retrouveront en Sarah. Elle est vulnérable mais ne veut pas le montrer : c'est son challenge. Je la vois comme une super-héroïne très humaine, qui est rongée par sa culpabilité de mère, par le fait d'arriver tard sur la mission, et par ce besoin de prouver, dans un univers masculin, qu'elle est assez forte physiquement. Dans ce domaine, les femmes doivent bosser dur, mentalement et physiquement, pour être prêtes.  

"Je suis une rêveuse, peut-être par survie."

On se plaint souvent de cette Terre, on dit dans l'agacement qu'on veut la quitter… Mais ce n'est pas si simple. Vous pourriez lui tourner le dos si facilement ?
Eva Green :
Ce film rend justement hommage à la Terre et nous dit combien elle est précieuse. Ça rejoint les photos que Thomas Pesquet prenait de la Terre depuis l'espace. Il disait que de là-haut, on se rend compte ô combien cette planète est magnifique,  fragile et que la priorité c'est de s'en occuper et de la préserver. Ça devrait être une évidence pour tout le monde.  

Qu'est-ce qui vous manquerez le plus si vous la quittiez ?
Eva Green :
(Réflexion) Je ne sais pas… Sûrement les arbres, l'eau… J'aime la nature. J'ai du mal à être en ville. Ce n'est pas normal qu'on vive dans des appartements. Il y a quelque chose de malsain et d'étouffant. C'est pour ça que beaucoup de gens sont déprimés. Ils ne s'en rendent pas compte. Je vis à Londres où il y a davantage d'espaces verts qu'à Paris… Ça manque de verdure ici. Les gens seraient plus gais avec plus d'arbres.  

Eva Green dans "Proxima". © Pathé

Quel est l'endroit inaccessible que vous rêveriez d'atteindre ?
Eva Green :
L'Antarctique… J'adore voyager et explorer. Je ne connais pas cet univers. C'est en train de fondre très vite donc il faut vraiment que je me dépêche.

Etes-vous plutôt terrienne ou la tête dans les étoiles ?
Eva Green :
Lunaire… Définitivement. Je suis née dans la Lune. Le quotidien me fait peur, la routine aussi. Je suis une rêveuse, peut-être par survie.

C'est vrai qu'enfant, vous vouliez être égyptologue ?
Eva Green :
(sourire) Oui, c'est vrai. J'étais allée au Louvre. J'avais 8 ans. La guide m'avait refilé le virus, j'étais obsédée par ça, j'avais appris les hiéroglyphes et j'étais happée par le côté aventurier et mystérieux de ce métier.

Vous avez récemment que vous avez toujours l'impression d'avoir 15 ans...
Eva Green :
Il y a plein de gens vieux qui sont jeunes dans leurs têtes. Je vais bientôt avoir 40 ans et je me dis que le temps passe tellement vite. Les adultes nous le rabâchent souvent quand on est enfants… Là, on réagit en disant : 'Oh, ils nous soûlent ceux-là'. Mais, c'est vrai, ils ont raison. Tout passe en un éclair. J'avais 15 ans hier. Je n'ai pas encore de grosses rides mais ce n'est pas facile de vieillir en tant qu'actrice.  

Bientôt 2020 ! Que peut-on vous souhaiter ?
Eva Green :
D'être heureuse ! (sourire)

"Proxima // VM"