Sabine Azéma et André Dussollier révèlent leurs secrets et les dessous de TANGUY

Amis à la ville, en couple à l'écran, Sabine Azéma et André Dussollier sont les parents terribles de Tanguy, éternel adulescent. Ces deux acteurs attachants font notre bonheur dans le deuxième volet du film d'Etienne Chatiliez, un opus devenu phénomène de société. Confidences d'un tandem débordant d'humour, d'énergie et de générosité.

Sabine Azéma et André Dussollier révèlent leurs secrets et les dessous de TANGUY
© "Tanguy, le Retour", en salles le 10 avril

Tanguy revient seize ans après. Qu'est-ce qui a changé chez vous ?
André Dussollier :
Pas grand chose, j'ai continué à fréquenter Sabine…
Sabine Azéma : Je dirais au contraire que beaucoup de choses ont changé grâce à des films, des rencontres, des expériences… Nous sommes arrivés dans ce second Tanguy enrichis de ce que nous avons vécu. Nos vies personnelles communiquent avec notre métier.

Est-ce que depuis la sortie du phénomène Tanguy, en 2001, vous vous-êtes assagis ?
André Dussollier : J'ai encore des batailles à mener, à vaincre, mais je me connais mieux, je me sens plus proche de ce qui m'apaise. J'ai gagné de façon pacifique sur moi-même.
Sabine Azéma : Cela dépend avec qui je me trouve, dans quel contexte. Je suis plus tolérante qu'avant… certainement plus douloureuse aussi.

Une révolution technique s'est opérée : Internet nous dit quoi penser, comment manger, qui aimer… Comment avez-vous domestiqué cette nouvelle compagnie ?
André Dussollier : Sans vouloir passer pour un vieillard, j'ai beaucoup de retard ! Je suis même complètement largué. Rien qu'avec mon portable, j'ai du mal, imaginez avec les réseaux sociaux ! Pendant mes nuits d'insomnies, je fais des recherches sur Google, ce qui embêtant avec cet accès à l'information, c'est que je n'achète plus la presse !
Sabine Azéma : Je me sers d'Internet comme d'un dictionnaire, une source de précision sur un sens, un mot… mais je reste accro aux journaux ! J'aime cette sensualité: toucher, sentir le papier...

Paul et Edith Guetz, les parents de Tanguy, se sont embourgeoisés. Si ce n'est le golf comme eux, quel est votre luxe ?
Sabine Azéma : Mon luxe, c'est la liberté, avoir le droit de me sentir comme un oiseau qu'on ne peut pas mettre en cage. J'aime brouiller les pistes, apparaître sous des jours différents, alterner comédie et mélodrame, des personnages très différents. Je m'épanouis aussi en dehors des caméras. Je garde les pieds sur terre, savoure la réalité et y insuffle du cinéma. Fiction et vérité se mélangent pour faire de la vie une fête. Je suis une saltimbanque, sans cesse à la recherche du changement ! J'aime bouger, voyager, prendre le train est un bonheur incroyable pour moi !
André Dussollier : J'ai peur de donner l'impression de copier la réponse, mais le luxe, c'est selon moi l'évasion, les voyages, qui donnent l'occasion de se renouveler, d'être ailleurs.
Par moments, je peux être dans l'ivresse du théâtre, de l'interprétation, mais j'ai vite peur de tourner en rond. Pour éviter de devenir une machine à jouer, il faut enrichir ses émotions. Je suis né à Annecy, les montagnes y côtoient les lacs. Avoir grandi dans une région aux paysages multiples donne forcément envie de les retrouver. Respirer l'air tout en haut, admirer la vue…

Traversez-vous des périodes sans désir de tourner ?
Sabine Azéma :
Lorsqu'on est actrice, on a envie d'être désirée, qu'un metteur en scène nous choisisse, on est en attente comme au bal. Il me faut toujours un projet à l'horizon. C'est alors un soulagement. Après vient la préparation où tout est possible. J'adore ces parenthèses créatives d'avant-tournage. Pendant la réalisation, le concret me terrasse…
André Dussollier : Le pouvoir d'exercer notre activité d'artiste ne dépend pas de nous. Cette incertitude est notre moteur : Le plus agréable est de savoir que l'on va tourner et qu'il y a une période privilégiée où l'on peut souffler avant.

Les parents de Tanguy ont ritualisé leur quotidien: petit-déjeuner, balades en vélos, soirées télé… Les habitudes vous sécurisent ou vous angoissent ?
André Dussollier :
J'apprécie l'imprévu, mais j'ai besoin de repères. J'étais un enfant solitaire. Il m'est nécessaire d'avoir un endroit où me retrouver, m'isoler. J'aime échapper au monde, être tranquille, ne rien faire... Rêver en regardant le plafond, c'est essentiel, vital. C'est la base de la construction car on puise dans l'inaction la source d'inspiration des entreprises futures.
Sabine Azéma : Je déteste la routine, mais j'adore paresser comme un tigre, un félin qui reste calme et peut bondir à tout instant. J'adore traîner dans les cafés. Je me pose sur une chaise tel un écrivain. Je commence les premiers chapitres, mais ça ne va pas plus loin. Je ne m'ennuie jamais, le simple fait de descendre dans la rue, regarder autour de moi, croiser des visages me comble.

© SND

Dans ce film, Sabine Azéma, vous faites des crises de panique. Quelle est votre technique pour être en accord avec vous-même et votre corps ?
Sabine Azéma :
Je marche énormément, que ce soit en ville, dans la nature ou pour me ressourcer en bord de la mer.

Dans Tanguy, le Retour, vous avez un coach à domicile qui vous impose des exercices. Est-ce que la femme que vous êtes à l'extérieur ressemble à celle que vous êtes à l'intérieur ?
Sabine Azéma : En tout cas, je ne suis surtout pas Edith. Il y a ce que nous sommes à l'intérieur, ce que nous ressentons et ce que nous donnons à voir aux autres. Cette réflexion est primordiale pour les comédiens. Quand je joue un rôle, je livre un peu de moi et je vais à la rencontre d'autres femmes comme si j'ouvrais des armoires. Nous sommes tous des boîtes secrètes.

Quelle importance accordez-vous à votre apparence ?
Sabine Azéma : C'est primordial de faire attention à la manière dont on s'habille. Prendre soin de sa présentation, choisir des couleurs, une coiffure, un maquillage révèle beaucoup de choses. C'est un moyen de se sentir vivant. Ma grand-mère archi-coquette a vécu jusqu'à 93 ans. Un jour, elle n'a plus acheté de vêtements, c'était son renoncement.
André Dussollier : Personnellement, je ressens une nécessité de dépasser mes limites physiques, en faisant du sport, un effort violent.

André Dussollier, vous êtes très grossier dans ce film. Est-ce le propre de l'âge de lever les inhibitions ?
André Dussollier : Sans doute, avec le temps on a plus rien à foutre du regard de l'autre et l'on essaye simplement d'être fidèle à soi-même. Sachez que si c'est jouissif de se lâcher et de dire des noms d'oiseaux, je me malmène en prononçant ces répliques insolentes. Je n'ai rien de goujat ou d'ordurier, c'est contraire mon éducation.
Sabine Azéma : Tu es trop gentil pour balancer des obscénités, insulter, te disputer...
André Dussollier : Je déteste la violence, la colère. J'ai arrêté ce qui me mettait en danger : la voiture, par exemple. Conduire à Paris me rend fou, je sors de mes gonds et je deviens un autre, sanguin, prêt à casser. Je pourrais frôler l'agression.

Votre maîtrise du langage reste-t-elle un rempart contre ces rapports de force ?
André Dussollier : Le pouvoir de l'expression, c'est la grande différence entre ceux qui nous gouvernent et ceux qui subissent. Les mots sont une arme considérable, un moyen de se raconter, la possibilité d'exister au maximum.
Sabine Azéma : C'est très important de trouver le mot juste pour éviter les malentendus qui peuvent blesser, dégénérer.

© SND

Quel est mots que vous préférez prononcer ?
Sabine Azéma : "Coquelicot".
André Dussollier : "Amour"