Laetitia Casta : "Je suis en quête de l'amour absolu"

Il est des rencontres fascinantes par la qualité de ce qu'elles révèlent, chez vous, chez l'autre. Croiser le chemin de Laetitia Casta relève de cette expérience. Sublime, éloquente et mutine à la fois, l'actrice plante ses yeux dans les vôtres et se livre avec intelligence, répartie et une franchise, désarmante…

Laetitia Casta : "Je suis en quête de l'amour absolu"
© Luca Bruno/AP/SIPA

A l'affiche de L'Incroyable histoire du Facteur Cheval de Nils Tavernier, Laetitia Casta joue avec talent l'épouse de cet employé des postes qui a bâti, 33 ans durant, son Palais idéal... Une femme soumise ? Pas un instant !
Féministe engagée, amoureuse passionnée, mère attentionnée, la divine Laetitia Casta nous parle aussi égoïsme, nonchalance et extravagance. Cette beauté nous bluffe et son esprit nous ravit. Confidences bien senties.

Le Journal des Femmes : Qui est cette héroïne que vous interprétez dans "L'Incroyable histoire du Facteur Cheval" de Nils Tavernier 
Laetitia Casta :
Philomène est une jeune veuve, sage, forte, visionnaire. Elle va draguer le Facteur Cheval, un homme austère, bougon, taiseux, et l'aimer de façon inconditionnelle, en se fichant des médisances des villageois. 

Comment avez-vous abordé ce personnage ?
Laetitia Casta : 
Les producteurs se sont demandés, inquiets, si je pouvais incarner une paysanne. Mes grands-parents ont toujours vécu au rythme des saisons. La campagne, la terre, me sont familières. Je n'avais pas l'impression de jouer un rôle de composition en dehors des costumes d'époque.

C'est un amour solide qui unit le couple Cheval, mais cela ne passe ni par les mots ni par les gestes d'affection ou les rapprochements charnels…
Laetitia Casta : Je ne voulais pas montrer une femme faible ou revancharde qui reproche à son mari son manque d'attention. Philomène est équilibrée, humble et apaisée. La sincérité de ses sentiments la rend libre et puissante. Elle n'est pas soumise. Elle a choisi sa place et l'assume : elle gère la maison, le potager, élève son enfant… Elle m'a rappelé les femmes de ma famille.

Philomène n'est pas dans l'expression des émotions, elle intériorise la souffrance, les blessures, les épreuves que son couple traverse…
Laetitia Casta :
C'est une femme de tête, intelligente, moderne, curieuse, mais surtout patiente et très discrète.

Laetitia Casta, novembre 2018 © Jacques BENAROCH/SIPA

Architectes de leur vie, Joseph et Philomène construisent avec acharnement. Lui : son palais. Elle : son foyer. Vous reconnaissez-vous dans cette persévérance ?
Laetitia Casta : 
J'ai des valeurs très fortes auxquelles je m'accroche, mais j'ai conscience d'avoir beaucoup de chance. Je n'ai pas leur ténacité, leur courage. J'ai besoin de nonchalance. Je me laisse porter par la mer... Si l'on s'impose avec brutalité, le monde nous écrase. Il faut avoir suffisamment confiance en soi pour arriver à traverser les mauvais temps, puis se détacher de l'idée du résultat.
Croire en son rêve, ne pas prêter attention aux critiques et aller jusqu'au bout. Ne jamais se laisser définir par les autres, mais se soucier des autres sans cesse ! La passion, la curiosité, l'empathie nous nourrissent.

La sincérité est-elle votre pilier ?
Laetitia Casta : L'honnêteté est fondamentale, mais elle doit être assortie de folie. La folie de soi, une capacité à se détacher des regards obliques.

Comment avez-vous trouvé l'équilibre entre cette fantaisie nécessaire et votre vie de mère ?Laetitia Casta : J'ai été maman très tôt, à 23 ans et je pense que le fait d'avoir un petit être à protéger ne m'a pas donné le goût de la destruction… Excessive, je le suis aussi. J'ai toujours couru à m'en péter la gueule après une idée de l'amour absolu. C'est très complexe de se réaliser, de s'épanouir…

Diriez-vous que cela nécessite une forme d'égoïsme ?
Laetitia Casta : Absolument. J'aime ce mot. Aimer les autres, c'est d'abord s'aimer soi. C'est plus difficile de s'apprécier quand on est médiatisé, jugé, évalué, mais cela permet de passer des messages et d'avoir des responsabilités. Mon expérience me sert à soutenir les femmes. Elles en ont besoin car les temps sont durs.

Cette sororité est précieuse et rare, les femmes semblent réticentes à s'entraider…
Laetitia Casta : Elles peuvent être dangereuses pour elles-mêmes. Être femme n'est pas simple : on a la sensation d'arriver au monde avec un combat pour l'égalité à mener. Certaines se piègent entre elles, alors qu'il faut être soudées. Cela commence par l'éducation. Il faut nous penser assez fortes pour revendiquer notre place. Puis travailler, créer ensemble.

Laetitia Casta, septembre 2018 © REX/Shutterstock/SIPA

La logique du "buzz", la frénésie du Web, la publicisation de votre intimité, cela vous angoisse-t-il ?
Laetitia Casta : Sur Internet, c'est un peu la jungle, mais je ne m'affole pas. Déjà, je peux m'y exprimer directement sur des sujets comme #MeToo. Je suis habituée depuis mes 14 ans au culte de l'image, aux photos volées… Être en représentation, c'est un jeu, une lumière qu'on allume ou qu'on éteint. On a toujours le choix d'enlever le masque ou de le garder. Ce qui me fait exister, c'est la quête de sens. Ce qui m'intéresse, c'est la justesse des scènes et non l'apparence.

Vous semblez invincible…
Laetitia Casta : J'ai l'air solide, mais il y a toujours quelque chose de tremblant… J'ai des angoisses, des peurs, le trac, évidemment. Cette remise en question permanente me définit.

Votre cocon familial est-il votre refuge ?
Laetitia Casta : Oui et non. Je n'aime pas me forcer à assister aux repas de famille, aux réunions imposées, aux fêtes organisées. Je n'aime pas les mœurs bourgeoises, convenues. J'adore les gens qui débordent, qui sortent du cadre mondain ou scolaire avec leurs manières extravagantes comme Gérard Depardieu.
Quand j'ai envie de voir mes proches, je vais les voir et quand je suis présente, je le suis entièrement. Avoir les gens que j'apprécie autour de moi comme une équipe de foot, mélanger famille et amis, être dans un joyeux bordel… Voilà ce qui me plaît !