Béatrice Dalle : "Je suis un bout de papier froissé"

Dans "l'Etoile du Jour", Béatrice Dalle fait de la magie noire et nous ensorcelle. Exubérante, terriblement drôle et attachante, l'indomptable brune nous a confié ses états d'âme.

Béatrice Dalle : "Je suis un bout de papier froissé"
© Sophie Blondy

A 50 ans passés, l'icône sulfureuse du cinéma français semble plus heureuse et apaisée que jamais. A l'affiche du nouveau film de Sophie Blondy, L'Etoile du Jour, la star intègre un cirque itinérant sans renoncer à son exubérance. Sous les yeux médusés d'Iggy Pop, et en opposition à la douceur angélique de la Ballerine (Natacha Régnier) Béatrice Dalle joue le rôle de Zohra la Gitane, éperdument amoureuse d'Elliot le Clown, incarné par Denis Lavant.

Le Journal des Femmes : Quelle a été votre première émotion au cinéma ?
Béatrice Dalle : Angélique, Marquise des Anges ou plutôt l'entrée en scène de Joffrey de Peyrac. J'ai été subjuguée par Robert Hossein, boiteux et balafré. C'est à cause de lui, que, depuis, j'aime les mecs "destroy". Il a marqué ma libido à vie.

Quel est votre talent caché ?
Je suis rigolote. Je fais des pitreries. Je peux me noyer dans le rire pour ne pas me noyer dans les larmes...

Qu'aimez-vous chez vous ?
Je me trouve belle, intelligente et excellente interprète. Le pire, c'est que je le pense (rires). Tu ne peux pas être actrice si tu n'es pas convaincue de ton talent. Je n'ai aucune richesse, pas de maison, pas de voiture, mais lorsqu'on me dit que j'ai une carrière respectable, cela me permet d'avoir un regard indulgent, bienveillant sur qui je suis et ce que je fais.

Qu'est ce qui, à l'inverse, vous agace dans votre personnalité ?
Je suis née dans la rue. Je suis facilement brutale parce que j'ai été habituée à cela. Quand tu vis dans un milieu d'hommes, pour te défendre, tu es obligée d'avoir un minimum d'agressivité. Je suis assez brute et barbare dans mes mots comme dans mes gestes. Je réagis au quart de tour et cède rapidement à la violence. Je suis consciente que c'est un peu idiot, d'autant que du coup je fais peur aux gens !

Vous pensez être "crainte" dans le métier ?
En général, plus personne ne parle quand j'arrive sur un plateau. Un technicien me disait "quand tu débarques, la savane tremble". Ça a toujours été comme ça. Les gens s'attendent au diable. Les assureurs ne veulent pas me faire signer de contrat… Alors que je suis gentille, ponctuelle, un vrai petit soldat !

Si vous êtes aussi rigoureuse dans votre travail, n'est-ce pas pour trouver une sécurité absente de votre vie personnelle ?
Certainement. Vous avez raison. J'ai besoin d'un cadre. Au quotidien, je suis un bout de papier froissé. S'il n'y a pas de femme de ménage, c'est le souk. D'ailleurs, dans le privé, j'aurais aimé avoir cette exigence et m'entourer de personnes qui ont cette qualité de rigueur, des gens légitimes qui me canalisent et font autorité. J'ai recherché cela désespérément, mais dans l'intimité, personne n'a réussi à me "driver"…

Dix ans avec le jaguar JoeyStarr et un mariage aussi turbulent que médiatisé avec un prisonnier. Vous n'avez pas cherché la facilité...
En grande romantique, j'ai cherché l'amour, la passion, le Nirvana… Je l'ai parfois trouvé, mais j'ai surtout souffert, connu des hommes infidèles, des déceptions...

Et votre vie senti­men­tale à rebon­dis­se­ments n'a pas laissé de place à la maternité…
Je suis curieuse de tout, trop égoïste aussi. Je n'avais pas envie de me consacrer à autrui et je ne le regrette pas. Il faut se sentir suffisamment responsable, savoir renoncer à profiter, se fixer des interdits pour avoir des enfants.

© Béatrice Dalle dans l'Etoile du Jour

Qu'est-ce qui peut vous énerver ?
Je n'aime pas les gens qui ne sont pas honnêtes. Je préfère tomber sur un gros enc*** qui assume. Je déteste les anguilles…

Y-a-t-il une question que vous aimeriez que je vous pose ?
"Avec qui aimeriez-vous travailler ?". Là, je répondrais  Jacques Audiard, Arnaud Desplechin, Benoît Delépine, Pier Paolo Pasolini et Ingmar Bergman. Il y en a deux pour lesquels cela risque d'être compliqué (rires)…

Que voudriez-vous vous me faire découvrir ?
Tu connais les Dead Kennedys ? C'est un groupe de musique emblématique, les pionniers du punk hardcore. Le concert qu'ils ont fait en 1979 aux Bains Douches a changé ma vie. J'étais en province, au Mans, et j'ai dit à ma mère que j'allais dormir chez une copine... Avec cette amie, on a fait le mur et pris le train pour Paris. Je ne suis jamais revenue. J'avais 14 ans.

Un souvenir de tournage à partager ?
Ma première fois devant une caméra, c'était pour 37°2 le matin. Je me refaisais une beauté et tout à coup Jean-Jacques Beineix s'est exclamé: "Elle, elle a tout compris. Toutes les grandes actrices font ça, se préoccuper de leur petite personne alors qu'autour c'est une vraie fourmilière". Nous les acteurs, on est un peu comme ça, imbus de notre personne. On ne pense qu'à notre gueule. En même temps, c'est un métier où l'on nous préserve tellement. Rien ne doit nous perturber. Si tu fais une connerie, c'est un autre que l'on va engueuler. Récemment, sur un plateau, j'ai été choquée par le fait qu'une maquilleuse se coupe et qu'elle aille se chercher elle-même un pansement. Moi, si je me fais une égratignure, tout le monde sera aux petits soins. Je ne sais rien faire toute seule...
 

© en salles le 28 septembre 2016

Un cirque itinérant est échoué sur une plage de la Mer du Nord. Les spectateurs se font rares, pourtant, chaque interprète de la troupe répète et propose de nouveaux numéros. Mais cet équilibre fragile va vite se briser pour dévoiler leur réelle nature et leurs sentiments les plus obscurs. Le cirque deviendra alors le lieu de toutes les convoitises amoureuses où chacun usera de ses pouvoirs pour satisfaire ses désirs…