Emma Daumas : "Ma mort médiatique a été très positive"

Emma Daumas revient sur le devant de la scène avec un nouveau disque, "Vivante", un opus de 6 titres, disponible depuis le 27 mai 2016. Entre douceur et poésie, l'artiste nous propose d'entrer dans son univers sensible. Attachante, inspirante et créative, nous avons rencontré cette chanteuse pour une interview sans tabous.

Emma Daumas : "Ma mort médiatique a été très positive"
© Justine Emard

Emma Daumas signe un nouvel E.P intitulé Vivante. Des années ont passé depuis la Star Academy et la chanteuse n'a pas manqué de se renouveler. Du rock au folk, il semblerait qu'elle se soit trouvée grâce aux inspirations brésiliennes. Disponible depuis le 27 mai 2016, son mini-album est le fruit de sa collaboration avec Maxime Leforestier et Benjamin Constant, pianiste de Julien Clerc, qui a produit le disque. Laissez-vous tenter par cet univers sonore tel un murmure, doux et apaisant. Un environnement artistique qui colle parfaitement à la délicate personnalité d'Emma, que nous avons rencontrée.

Le Journal des Femmes : Pourquoi avoir intitulé votre album Vivante ?
Emma Daumas : C'est un titre qui s'est imposé sur la longueur. J'ai trouvé intéressant de mettre le projecteur sur une période hyper enrichissante, vitalisante et merveilleuse pour moi qu'a été les gestations multiples que j'ai menées à bien ces dernières années dans l'ombre médiatique. Pendant 5 ans, j'ai exploré de multiples horizons. Je me suis trouvée, libérée. Je savais qu'on allait me parler de traversée du désert et de mort médiatique. Je ne l'ai pas du tout vécu comme ça. C'était donc une façon d'affirmer ma vitalité.

Quelles ont été vos inspirations ?
Emma Daumas : Il est question de temps qui passe. J'ai pris conscience de ma propre finitude. Les expériences de la vie sont enrichissantes. Je voulais chercher dans le moment présent ce qui allait devenir les rêves de demain. Il n'y a pas de fin en soi, il n'y a que des étapes. L'amour m'a aussi beaucoup inspiré. Je voulais aller chercher dans mon parcours intime quelque chose de beaucoup plus universel. La psychanalyse et les mécanismes humains m'inspirent énormément également.​​​​​​

Pourriez-vous qualifier votre album en un mot ?
Emma Daumas : Il y a un terme que j'aime bien pour cet album décalé : saudade, qui signifie mélancolie en brésilien. Je suis influencée par ce pays. J'aime leur façon très positive d'aborder la mélancolie. Ce sentiment brésilien est toujours un pont vers la joie et la préciosité de la vie.

Que représente l'écriture pour vous ?
Emma Daumas : J'en avais besoin parce que j'avais une frustration de ne pas être allée au bout de cette démarche sur mes trois premiers albums. Je ne laisse pas tomber mon travail d'interprète pour autant.

Comment s'est passée la collaboration avec Maxime Leforestier ?
Emma Daumas : Il est apparu dans ma carrière à plusieurs moments clés. C'est quelqu'un dont l'aura plane au dessus de mon projet depuis longtemps - on s'était rencontrés à la Star Academy. Je l'ai appelé et il m'a dit 'Viens à la maison, on va en parler'. C'est comme ça qu'a commencé cette collaboration à cheval sur 2011-2012, durant 6 à 7 mois avec des rendez-vous mensuels. Ça a été un geste très généreux, naturel et spontané. Il n'y avait aucun calcul. Il m'a beaucoup apporté. Il est dans la transmission. Il a à la fois sa patte traditionnelle, mais intemporelle.

Quels sont vos artistes préférés ?
Emma Daumas : Ceux de grande variété française. Ce qui me plaît c'est leur côté brut, authentique, direct et simple. Barbara, Brel, Aznavour, Edith Piaf. J'écoute pas mal de musiques brésiliennes aussi. À côté de ça, il y a aussi une artiste folk, Laura Marling.

Quel était votre but avec Vivante ?
Emma Daumas : J'avais envie de choses organiques. L'influence première, c'est ce désir d'authenticité. Il y a aussi quelque chose de très visuel comme des musiques de films.

Qu'entendez-vous par "sonorités organiques" ?
Emma Daumas : 
C'est le contraire du synthétique et de la musique électronique. Dans ce disque, j'aimais l'idée d'aller à contre-courant de ça. Je voulais revenir à l'essentiel et aux bases, à la simplicité sans fioritures. Organique parce qu'essentiel, sans aller chercher de la sophistication dans les arrangements : une élégance oui, mais pas de complexité. Simple, épuré et harmonique. Organique aussi parce qu'il est beaucoup question des éléments, du sensoriel.

"Le vieux saule" évoque la contemplation de la nature. Êtes-vous sensible à la cause écologiste ?
Emma Daumas : Oui, même si j'ai cessé d'être militante en tout. Je suis clairement conditionnée par la nature qui m'entoure. Cela change beaucoup ma perception du monde, de mon corps, de mes sensations. Je suis une fille de la campagne (ndrl. elle est née à Avignon). J'y trouve une force tranquille, qui m'apaise et qui me fait du bien, que j'ai envie de transmettre. Cependant, j'ai beaucoup de mal avec les étendards. Je fuis la politique et la pensée marketing pour les choses essentielles.

© Justine Emard et Abacaba / Musicast

Le titre "Ce que veulent les princesses" ne serait-il pas un avertissement pour votre fille ?
Emma Daumas : Il n'y a pas de mise en garde à partir du moment où je pense que toute expérience est individuelle. Mon rôle de maman, c'est de faire en sorte que ma fille soit bien dans ses baskets pour qu'elle puisse tout vivre sans se perdre et sans perdre ses valeurs ; s'épanouir malgré les expériences de vie quelles qu'elles soient.

Qu'a changé la maternité pour vous ?
Emma Daumas : J'ai du mal à avoir pleinement conscience de tout ce que ça a changé, mais je crois que le principal impact, c'est l'encrage absolu. Être responsable de quelqu'un, de son bonheur, de son épanouissement, l'accompagner et en même temps continuer à vivre ce que moi j'ai à vivre : c'est beaucoup de travail, mais ça m'aide à me discipliner. C'est un amour inépuisable !

Êtes-vous plus féminine ?
Emma Daumas : Je me sens aujourd'hui plus sûre de moi. Toutes ces gestations ont contribué à ma transformation en femme. Je me ne pose pas vraiment la question du style pour ne pas trop me conditionner. Je marche à l'intuition.

Une certaine sérénité se dégage de cet album. Dans la vraie vie, êtes-vous plutôt anxieuse ou calme ?
Emma Daumas : Très anxieuse. Je suis une grande angoissée avec le souci permanent de bien faire. Je suis une ultra perfectionniste, j'ai besoin qu'on m'aime, qu'on m'entoure, que l'on me dise que 'c'est bien'. Je suis à fleur de peau et je prends tout à cœur. Quand on écrit, on tend vers l'idéal et on crée un persona artistique : c'est moi en mieux !

Un album et un roman, Supernova. Comment vivez-vous ce retour médiatique ?
Emma Daumas : Ma mort médiatique a été très positive car je me suis rendue compte que je n'étais pas dépendante de la notoriété pour créer. J'avais besoin de revenir à l'essentiel. La création artistique, c'est ce qui me plaît le plus dans mon métier. Après, je ne suis pas toujours à l'aise avec cet exercice de la médiatisation. Je ne me retrouve pas forcément dans les discours stéréotypés. C'est parfois difficile de s'y sentir libre.

Que retenez-vous de votre passage à la Star Academy ?
Emma Daumas : Des millions de choses. Grâce à cette émission, j'ai pu faire des rencontres artistiques incroyables et chanter avec Serge Lama, Ray Charles, Mariah Carey, Céline Dion… J'ai réalisé des rêves d'enfants. C'était merveilleux ! Après j'ai pu sortir trois albums chez Universal, collaborer avec de superbes auteurs-compositeurs, me faire un catalogue et des tournées en France. Pendant huit ans, j'ai vécu quelque chose de phénoménal. J'ai du mal à lire dans les médias que la Star Academy a été destructrice, violente, malsaine. J'ai lu de tout. C'est une expérience contrastée avec des choses difficiles à gérer très jeune, bien sûr, mais c'est une école de la vie incroyable.

Quel regard portez-vous sur les téléréalités contemporaines ?
Emma Daumas : Je crois que le regard critique porté par des gens qui consultent ces émissions est assez hypocrite. On s'alimente de choses de bas instincts, très portées sur le voyeurisme et l'instinct morbide : je trouve ça dommage. Dans mon roman, on me parle de la chute du personnage et non du cheminement global. J'essaye d'alimenter le moins possible ces choses là, même si j'ai cet intérêt comme tout le monde pour les choses crues. J'ai l'impression qu'on a perdu notre respect. J'ai été élevée dans un univers pacifié, je suis le fruit de ce bagage.

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