Zazie l'enchanteuse

Rencontre lumineuse avec la chanteuse Zazie, dans le cadre de la sortie de son nouvel album "Encore heureux". Un disque optimiste, mais teinté de mélancolie. Le bonheur, l'amour, les maux de la société, Zazie, sans tabou, ne s'interdit aucun thème...

Zazie l'enchanteuse
© Romain Laurent

Zazie, c'est 24 ans de carrière, plus de deux millions de disques vendus et des titres emblématiques comme Zen ou Rue de la Paix. C'est donc avec un vrai bonheur que nous sommes allées à la rencontre de l'artiste. Et quelle rencontre ! Solaire et d'une simplicité à toute épreuve, Zazie ne laisse pas indifférent. La femme comme la chanteuse sont bien ancrées dans le réel et tout à fait conscientes des bonheurs comme des maux qui peuvent survenir. Interview.

Le Journal des Femmes : Vous êtes de retour avec l'album Encore heureux, deux ans après Cyclo, salué par la critique, mais discret dans les charts. Vous appréhendez l'accueil du public ?
Zazie : Quand on travaille sur un disque, on a forcément envie de savoir s'il y aura un récepteur. Maintenant on sait que les grands succès commerciaux sont devenus très improbables. J'attends donc les tournées pour me rendre compte de l'accueil du public. C'est un vrai rendez-vous qui permet de prolonger la vie d'un album et de faire découvrir les chansons sous un angle différent.

Cyclo, était un album plus introspectif, plus sombre aussi, vous évoquiez la mort, la vieillesse. Encore heureux est plus lumineux…
C'est ce qu'on dit. Sur l'album Cyclo, je posais beaucoup de questions, mais je voyais ça comme quelque chose de réjouissant même si moins fédérateur. Les gens ont envie de danser sur du Zazie, de se réjouir, de se divertir. Je leur suis extrêmement reconnaissante de me suivre d'un disque à l'autre, mais je me dois de garder cette liberté de ne pas forcément faire l'album attendu par le public mais celui que j'attends, moi.

L'album s'ouvre avec le titre Encore heureux où vous évoquez la relation amoureuse. La dimension éphémère d'une relation, c'est quelque chose qui vous angoisse ?
Je suis passée par des phases de ma vie où j'ai eu des relations éphémères et d'autres où j'étais seule. Le fait est que j'aime l'idée du compagnonnage que ce soit en amour, en famille ou en amitié. Regarder un coucher de soleil et envoyer un selfie au monde pour dire "j'y étais", c'est sympa mais ça ne vaut pas le fait d'avoir quelqu'un avec qui partager cet instant.

L'amour en général, mais aussi force que l'on peut en tirer, sont des thèmes qui reviennent souvent dans cet album...
C'est une source d'inspiration car c'est une énigme totale et que personne n'en détient la règle. On parle très souvent d'amour dans les chansons, mais selon l'âge que l'on a et ce que l'on a traversé, on essaie de le faire d'une manière différente.

Le paradoxe, c'est que vous vous êtes séparée de votre compagnon Philippe Paradis pendant la création de cet opus...
On a la chance d'avoir mêlé la musique et l'amour pendant plusieurs années. Tout le monde sait que beaucoup de rencontres amoureuses se font dans le milieu professionnel. Le mien, c'est la musique. On s'est séparés, mais ce sont des choses qui arrivent. L'album, lui, ne s'inscrit pas du tout dans une rupture. On a fait les chansons ensemble et on aura toujours une tendresse musicale l'un pour l'autre.

Dans la chanson I love you all, vous exprimez un peu avec la naïveté d'une enfant votre souhait que nous nous aimions les uns les autres…
C'est une chanson que j'ai écrite après les attentats de Charlie Hebdo, mais je ne voulais pas en parler de manière nominative. Après les rassemblements et les manifestations, je me demandais ce que l'on garderait de tout ça et ce qu'est réellement le vivre ensemble. Je me sers dans cette chanson d'une naïveté qui n'est pas la mienne pour dire aux politiques qui sont censés nous mettre sur une espèce de voie qu'il serait bien de commencer par dire "Je t'aime". Ce n'est pas un discours que l'on entend tellement. 

© Eric Guillemain

Dans Oui-filles, vous parlez de notre capacité à endosser plusieurs rôles, celui de fille, de mère, mais aussi de femme...
La femme a gagné son indépendance et il ne faut surtout pas que l'on revienne en arrière. Mais cette liberté est complexe. Dans cette chanson je me moque un peu de ça. Nous sommes les premières à reconnaître que porter toutes ces casquettes, c'est compliqué. Et c'était aussi une manière de dire à nos partenaires de nous prendre telles que nous sommes, dans le désordre. Je voulais les éclairer car ils peuvent parfois être paumés. Leur dire que s'ils aiment toutes les parties de nous qui se côtoient, elles ne cohabiteront que mieux.

C'est important pour vous de conserver cette dimension féministe dans votre art ?
Je ne dirais pas féministe, mais humaniste. Je mesure ma chance d'être une femme en France. Et encore plus avec toute cette surexposition médiatique me donne droit à la parole pour exprimer un avis sur tout. C'est une chance que beaucoup de femmes n'ont pas ailleurs. Donc ce propos, j'y tiens. C'est d'ailleurs pour cela que je m'engage souvent dans des causes qui concernent la femme ou la famille. Je me dis que c'est important quand on a cette liberté de s'exprimer, de le faire pour celles qui ne le peuvent pas.

Vous avez déclaré que vous préfériez vous engager à travers votre musique plutôt que de faire le tour des plateaux télé ou de signer une pétition, par peur des récupérations politiques...
Oui, c'est vrai. Plus le temps passe et moins j'ai confiance en la politique telle qu'elle est pratiquée actuellement. Quand ceux qui nous dirigent ne connaissent plus le prix d'une baguette de pain je me dis que c'est tout de même bizarre... Un artiste peut simplement être dans le divertissement, parler du couple ou d'autre chose, mais moi, dans ma musique,  j'aime m'interroger sur le rôle que l'on peut avoir dans la société et me questionner sur le sens, sur le chemin que l'on prend.

Est-ce que vous avez déjà eu le sentiment que certains artistes se servaient d'une cause pour asseoir leur visibilité ?
Prenons l'exemple des Enfoirés : il peut évidemment y avoir des artistes qui sont moins vendeurs, mais ces derniers se rendaient déjà disponibles pour ce spectacle quand ils avaient beaucoup de succès. Contrairement à ce que certains pensent, y participer ne sert pas la carrière.

Pour cet album, vous avez fait appel à votre frère, Phil Baron, pour les arrangements de cordes. Ce n'est pas la première fois puisqu'il avait déjà composé pour vous J'envoie valser, Chanson d'ami ou Qui m'aime me fuit..
Il compose très bien mon frère (rires). Ce qui nous lie, c'est le fait d'avoir connu nos premier émois musicaux, nos premiers choix ensemble quand on écoutait Dark Side of the Moon des Pink Floyd à 11 ans pour moi et 12 ans et demi pour lui, tout en fumant nos premières cigarettes en cachette.

Est-ce qu'en plus de son talent vous recherchez une présence qui vous rassure ?
Pas forcément car on ne s'oblige à rien. Il mène sa vie de son côté, dans l'ombre. Il n'a pas l'ambition d'être connu ce qui ne l'empêche pas d'être très doué et pas qu'en musique, en photo aussi. J'ai beaucoup de respect pour ça. Il y a une évidence concernant le fait de travailler tous les deux car on a connu la musique ensemble et qu'on a le même vécu.

Ce n'est pas compliqué de travailler en famille ?
Pas vraiment, parce que l'on travaille à distance. C'est comme une correspondance. On communique beaucoup par mail.

Vous avez signé pour une nouvelle saison de The Voice après quelques hésitations, pas de regrets ?
Aucun. J'ai du mal à accepter une émission que sur un protocole. Le fait de connaître les coachs et que ça se passe bien entre nous a pesé dans la balance. Mais ensuite, si on ne trouve pas LA personne qui nous fera vibrer,  qui nous procurera ce petit truc singulier, ça n'a aucun intérêt. L'émission deviendrait alors une coquille vide.

Les auditions à l'aveugle viennent de débuter. Vous avez déjà un coup de cœur pour un(e)candidat(e) en particulier ?
Oui ! Mais je n'ai pas le droit d'en parler.

On sait tous à quel point le poids des années qui passent est toujours plus compliqué pour une femme qui passe à la télévision que pour un homme. Comment appréhendez-vous cela ? 
Je suis quelqu'un d'assez naturel. Au cours de ma vie, je me suis très vite aperçue que quand j'essayais d'être quelqu'un d'autre ça ne fonctionnait pas. Alors oui j'ai des rides, oui ça pendouille un peu parfois (rires). Je ne vous dirai pas que ça me réjouit, mais ce n'est pas dû au regard des autres car aujourd'hui je suis débarrassée d'une forme de séduction un peu plus formatée. D'ailleurs, c'est super réjouissant. Alors je ne vais pas plaire à un jeune homme de 12 ans, mais où est le problème ? Quand on a mon âge, ce n'est pas celui-ci qu'on vise ou alors il y a un vrai problème (rires).

Beaucoup de femmes qui ont atteint la cinquantaine disent se sentir mieux dans leurs corps qu'à 20 ans...
Oui, sans aucun doute. A  20 ans, on a des principes établis, on est dans une soif de l'autre. Je ne dis pas qu'à 50 ans on a juste envie de caresser son chat en regardant la télé, loin de là (rires) ! Mais on est moins dans ce que nous dicte la société. On a eu le temps de se rendre compte de nos récurrences, de là où on a des grains de sable et de regarder tout ça avec une certaine tendresse. On sait que le bonheur, ce sont des moments, de la poésie. Si ces instants peuvent être plus rares à un certain âge on ne peut que mieux les apprécier, les célébrer…

© Mercury Records

Zazie, je vais maintenant vous poser une série questions "petites manies"  et vous me dîtes si c'est "Zazie" ou "Pas Zazie"

Traîner au lit jusqu'à midi ? Zazie ou pas Zazie ?
Zazie !

Manger un hamburger/frites sans une once de culpabilité?
Zazie !

Ecouter du Joe Dassin ?
Chanter du Joe Dassin, plutôt !

Prendre une journée pour ranger la maison et 5 min pour mettre la pagaille ?
Zazie !

Ne pas refermer le tube de dentifrice ?
Plus Zazie. J'en ai marre ! C'est du gâchis (rires) !

Se faire un plateau télé devant Miss France en maudissant les candidates et leur plastique irréprochable ?
Pas Zazie ! Je suis plus du genre à regarder des séries débiles (rires).

Ecouter du Maître Gims? Ou du Kendji ?
J'ai une ado à la maison, donc  Zazie non mais "maman Zazie" oui !

Décommander un dîner une heure avant ?
Pas Zazie.

Oublier ses clés à l'intérieur de la maison et se retrouver en jogging/baskets sur le paillasson ?
Zazie ! Et particulièrement le jogging/baskets !

Oublier l'anniversaire d'un proche ?
Oulaaah Zazie !!!  (rires)

Jurer au volant ?
Ooooh Zazie !!!

Arriver systématiquement en retard ?
Pas Zazie du tout !

Tomber amoureuse d'un garçon de 20 ans ?
Plus Zazie.