Marinette Pichon : "Quand on est une femme, il faut de l'exploit"

Marinette Pichon, championne de France et ancienne capitaine des Bleues est consultante sur l'émission "Europe 1 Club Football" pendant la Coupe du Monde. Le Journal des Femmes l'a rencontrée.

Marinette Pichon : "Quand on est une femme, il faut de l'exploit"

Marinette Pichon, figure du football féminin, nous répond avec sincérité et humour sur la place de la femme dans l'univers très masculin du football.

Le Journal des Femmes : Quelle a été votre réaction lorsque l'on vous a demandé de participer à l'émission "Europe 1 Club football" ?
Marinette Pichon : C'est une reconnaissance de la part des médias, plus encore lorsqu'on est une femme dans un milieu d'hommes. Je sais que je ne raconte pas forcément des bêtises, donc ça fait plaisir.

Est-ce difficile pour une femme d'évoluer dans un univers masculin ?
Marinette Pichon : Personnellement, je n'ai jamais eu de problème ni dans ma carrière de footballeuse professionnelle ni dans celle de consultante [pour France Télévision et la radio, ndlr.] car je ne me suis jamais laissé marcher sur les pieds. Je suis capable de me remettre en question sans que personne ne le fasse à ma place et je me suis aguerrie au contact de ces ténors du football. Je me suis imposée.

Jamais eu de petite remarques déplacées ?
Marinette Pichon : Non, mais ils ont peut-être peur que je les tacle ! [rires]

Avec la Coupe du Monde, on a eu affaire à une flopée de publicités sexistes...
M.P. : Il y a une bonne part de communication : il ne faut pas oublier que la femme est un marché de mode. Tant mieux si les femmes peuvent profiter de 30 % de réduction grâce à une offre spéciale Coupe du Monde, elles peuvent dire merci au football !

De plus en plus de femmes se mettent au foot...
M.P. : Effectivement. On se trompe sur le pourcentage de femmes qui regarde les matches et beaucoup suivent le Mondial. On observe une effervescence qui remonte à 1998 : les femmes suivaient déjà beaucoup l'équipe de France masculine et avaient même créé un comité de soutien. Cela prouve que les regards changent, que l'intérêt pour le sport et en particulier le sport masculin change aussi.

Comment expliquez-vous cet intérêt pour ce sport ?
M.P. : Je pense que l'équipe de France est une équipe sympathique, qui a envie qu'on l'apprécie. Elle est devenue attractive. Les joueurs sont devenus accessibles et ont envie de donner une bonne image d'eux, contrairement à 2010. Aujourd'hui, on rencontre au final presque des problèmes sociaux semblables à ceux que traverse le Brésil : nous aussi avons des grèves, nous aussi avons des manifestations. Nous avons toujours des problèmes d'emploi, d'hébergement. Nous traversons une crise, mais nous parvenons à polariser notre attention sur ce Mondial et cela change de nombreuses choses. On se met dans une bulle lorsque l'on regarde le football.

Comme une échappatoire ?
M.P. : Totalement. Le football permet d'oublier les journées catastrophiques au boulot et les problèmes que la France rencontre.

Marta Vieira da Silva [grande star du foot, ndlr.] réclame davantage d'arbitres femmes à la Fifa pour la prochaine Coupe du Monde. Une bonne idée ?
M.P. : Si elles ont le niveau, oui. Il ne faut toutefois pas faire de la féminisation pour faire de la féminisation : il faut être en capacité d'adapter chaque situation. Pour obtenir un poste à responsabilité, il faut en avoir les compétences. Que ce poste soit attribué à une femme ou à un homme, cela ne fait pas de différence.

Pourquoi encore si peu d'arbitres femmes ?
M.P. : En France, nous avons récemment eu le cas d'Helena Costa, qui a tenu des équipes nationales comme le Qatar et l'Iran qui a été nommée sur un club de Ligue 2, Clermont. Cette nomination est préjudiciable car si elle ne réussit pas, elle se fera tacler [depuis, Helena Costa a annoncé qu'elle renonçait à entraîner le club, ndlr.]. N'importe quelle femme, quel que soit son niveau et ses performances, aura la porte fermée si elle échoue une fois. Lorsque l'on est une femme, il faut toujours de l'exploit. En revanche les hommes peuvent avoir un parcours en dents de scies, on ne leur dira rien.

Etes-vous confiante pour cette Coupe du monde ?
M.P. : Oui ! L'équipe de France fonctionne bien et marche d'un seul corps. Une alchimie s'est créée entre les jeunes et les "tauliers". Ils n'ont peur de rien et sont bons. Cette équipe de France me plaît tant sur le plan défensif qu'offensif : elle me fait envie et j'ai confiance en eux.

marinette pichon
Marinette Pichon ©  Christophe Petit Tesson / CAPA Pictures / Europe 1.