Julie Delpy : "J'aime voir évoluer mes personnages dans le temps."

A l'occasion de la sortie de son nouveau film "2 Days in New York" qui fait suite à "2 Days in Paris", Julie Delpy a répondu aux questions de L'Internaute Magazine.

Julie Delpy : "J'aime voir évoluer mes personnages dans le temps."
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Julie Delpy met en scène Marion (elle-même) et Mingus (Chris Rock), un couple moderne et attachant © REZO Films

L'Internaute Magazine : Vous jouiez le rôle principal dans "Before Sunrise", puis dans "Before Sunset" et aujourd'hui vous reprenez le rôle de Marion créé dans "2 Days in Paris". Auriez-vous du mal à lâcher vos personnages ?

Julie Delpy : Je ne ferai pas une suite à La Comtesse, ça c'est sûr ! En fait, ce n'est pas que j'ai du mal à lâcher mes personnages, mais j'aime l'idée de les voir évoluer dans le temps. Je n'ai pas inventé l'idée ceci dit...

Le jeu des acteurs fait très spontané. Les acteurs ont-ils improvisé certaines séquences ou le scénario était-il très écrit ?

Le scénario est très écrit mais j'essaie d'écrire d'une manière "parlée" car ce n'est pas évident d'improviser dans une comédie. Les acteurs peuvent ajouter un mot par-ci, un mot par-là, mais en général, je suis plutôt pointilleuse sur le dialogue. Je demande aux acteurs de le dire. S'ils rajoutent une phrase et qu'elle me plaît, je la garde, mais je soigne le langage dès l'écriture pour qu'il fasse réel.

J'ai écrit le scénario avec Alexia Landeau (ndrl : qui joue Rose dans la film) et Alex Nahon (ndrl : Manu). Lorsqu'on écrit à plusieurs, le stress est moins intense. Ça reste stressant, mais tout le travail est réparti sur plusieurs personnes.

Vous mettez en scène une famille très envahissante dans "Le Skylab", "2 Days in Paris" et sa suite. Pourtant vous n'avez pas l'air de subir la vôtre puisque vous faites vous-même appel à votre père pour jouer dans vos films ?

Dans la vie, je suis plutôt éloignée de ma famille (ndrl : elle vit à Los Angeles), peut-être que ça me manque en fait ! (Rires) Mais le portrait de cette famille n'est pas basé sur le réel, c'est de la pure fiction. Par exemple, j'ai essayé de développer le personnage de Rose, alors que je n'ai pas de soeur. Dans "2 Days in Paris" on sentait qu'elle n'était pas très nette, je voulais creuser cela... J'aime beaucoup décrire les personnages un peu insupportables comme Rose qui est très conflictuelle et très jalouse.

Vous vivez aux Etats-Unis depuis plusieurs années, est-ce que vous vivez vraiment au quotidien le choc des cultures que vous décrivez dans vos films...

Je le ressens oui. C'est moins évident parce que je vis à Los Angeles depuis longtemps mais c'est sûr que ce sont deux mondes très différents, notamment la vie quotidienne. Chris Rock me disait l'autre jour : "si j'avais tourné avec des personnes venues d'une autre planète, je n'aurais pas ressenti une telle différence." Il était plutôt perdu pendant le tournage, notamment à cause de la manière de travailler des Français. On va très vite, on a l'habitude de tourner avec des équipes légères donc on bouge très vite. Lui a plutôt l'habitude de jouer sur de grosses productions où tout est plus lent.

Dans le film, vous faites intervenir Barack Obama, Vincent Gallo... C'est l'Amérique que vous aimez ?

J'aime clairement mieux l'Amérique d'Obama que celle de Bush, mais je n'ai pas à me forcer énormément. Ça me faisait marrer d'inclure Obama dans le film, d'abord parce que c'est quelqu'un que j'admire, mais aussi parce que c'est une vraie figure de l'histoire des Etats-Unis. Pour les Afro-américains, c'est quelque chose d'important, Martin Luther King n'en avait pas rêvé. J'avais fait une référence à Bush dans "2 Days in Paris" et je trouvais ça intéressant de dater le film, de montrer que dans "2 Days in New York", les personnages évoluaient dans une nouvelle ère.

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Mingus (Chris Rock) et le père de Marion (Albert Delpy) © REZO Films

Le personnage de Mingus s'adresse à une représentation de Barack Obama en carton...

Oui absolument, pour lui parler de ses problèmes de coeur. Je trouvais l'idée très drôle car Barack Obama est l'inverse d'une midinette. Or Mingus se comporte en midinette lorsqu'il raconte ses histoires au président des Etats-Unis. C'est le côté caché et tordu de Mingus. Il est très droit face à Marion mais il se cache dans le bureau pour parler en secret à Obama. Marion elle, expose sa folie alors que Mingus parvient à la dissimuler.

Dans le film, Marion qui est photographe, décide de vendre symboliquement son âme...

C'est une déclaration conceptuelle, Marion porte l'idée qu'aujourd'hui tout se vend, donc pourquoi ne pas vendre son âme au plus offrant. Aujourd'hui, pour se faire remarquer lorsqu'on est artiste, il faut aller très loin. Au début du film, elle ne croit pas à l'âme donc elle ne voit que le côté conceptuel de son projet. Après, elle commence à se sentir différente, à se demander qui à acheté son âme et la possède... On peut prendre l'idée comme une simple farce ou à d'autres niveaux....

Mingus et Marion forment un couple attachant, très moderne, ils ont beaucoup de recul et d'autodérision...

Oui, c'est un couple moderne. Ils ont eu beaucoup d'expériences, ils ont des métiers qui les passionnent, ils travaillent beaucoup, ils ont des enfants, des ex plutôt difficiles mais ils ont cette chance d'avoir de l'humour. L'arrivée de la famille de Marion, ces éléments perturbateurs, révèlent certaines choses qui ne marchent pas dans leur couple... Mais c'est un couple assez parfait dans ses imperfections.