Agnès Jaoui : "J'espère que je suis moins névrosée que mon personnage"

L'actrice incarne Colette, une mère de famille un brin étouffante, dans le nouveau film de Carine Tardieu, "Du Vent dans mes mollets". Rencontre.

Agnès Jaoui : "J'espère que je suis moins névrosée que mon personnage"

Votre personnage est d'origine tunisienne, engagée au niveau social, il emmène sa fille voir un psy, ce qui était le métier exercé par votre propre mère... Il vous ressemble beaucoup, non ?

Agnès Jaoui : D'abord, le personnage vient d'un roman et d'une BD de Raphaël Moussafir, donc il n'a pas été créé à mon intention, et on n'a pas tant de points communs que ça. Il y en a quelques-uns, mais la mère de Colette est catholique et ça change un peu la donne. Après, elle est plutôt classique. Vous avez raison : elle n'est pas femme au foyer, elle a un métier, elle s'engage, etc. Cependant, il y a un côté plan plan chez elle qui ne me ressemble pas vraiment. Et puis j'espère qu'elle est un peu plus névrosée que moi, mais je n'en suis pas sûre !

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Une famille anormalement normale © Gaumont Distribution

On retrouve aussi dans le film certains thèmes que vous avez abordés dans vos propres films, comme le poids des névroses que les parents transmettent à leurs enfants ("Comme une image"). Est-ce une des raisons qui vous a convaincue d'accepter le rôle ?
Peut-être, mais alors de façon inconsciente. C'est vrai que j'ai été touchée par l'écriture du film et par la justesse dans la description des personnages et des situations. En même temps, c'est surtout un film de Carine Tardieu sur l'enfance. Elle se permet beaucoup de liberté par rapport à la mise en scène et moi je me sens beaucoup plus classique que ça, mais probablement, oui. En tout cas, ça parle de la famille qui est un thème que j'aime beaucoup.

Il y a dans le film beaucoup d'humour alors qu'il aborde des sujets difficiles : le deuil, la guerre, la déportation pendant la Seconde Guerre mondiale... Est-ce que c'était un challenge d'arriver à en parler ainsi ?
Il faudrait poser la question à la scénariste et à Carine Tardieu. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que c'est une des réussites du film. On rit, on pleure. Ça marche grâce à la direction d'acteurs de Carine et à l'écriture. Il y a à la fois des thèmes graves abordés et on est aussi beaucoup dans le quotidien. C'est une espèce de mélange entre quelque chose de réaliste, de presque banal, et puis des faits plus dramatiques. En fait, les personnages sont anormalement normaux.
Carine Tardieu a montré le film à une petite fille qui a beaucoup pleuré. Moi, j'ai emmené mes enfants de 9 et 11 ans et ils étaient super contents. Evidemment, ils ont été marqués par la fin. Il y a aussi forcément des choses qu'ils ne peuvent pas comprendre. Mais justement j'ai l'impression que c'est un film qui s'adresse aux gens de 7 à 77 ans.

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La vérité sort de la bouche des enfants... © Gaumont Distribution

On croit tout de suite au couple que vous formez dans le film avec Denis Podalydès, alors que c'est la première fois que vous tourniez ensemble. Comment avez-vous travaillé pour qu'on arrive si bien à imaginer le passé qui unit vos deux personnages ?
On a discuté et surtout on a joué ensemble. C'est aussi un des grands plaisirs de ce film d'avoir joué avec ces partenaires, de Judith Magre à Isabelle Carré en passant par Denis Podalydès. Peut-être parce qu'ils viennent du théâtre, on sent qu'ils ont déjà tout un bagage et qu'ils sont en premier lieu préoccupés par le jeu et par jouer avec l'autre.
Avec Denis Podalydès, j'ai eu la sensation qu'on était sur la même longueur d'ondes. On est aussi de la même génération. Encore une fois on a fait beaucoup de théâtre, Denis et moi. On a tourné avec les mêmes réalisateurs. Je pense qu'on a des points communs qui créent aussi cette familiarité.

Vous partagez également de nombreuses scènes avec Juliette Gombert qui joue votre fille. Est-ce que cela change quelque chose de donner la réplique à une enfant ?
Normalement oui, parce que souvent les enfants ne font pas deux fois la même chose. Ils changent de place parce qu'ils n'en ont rien à faire de la caméra, etc. Il faut s'adapter, mais avec Juliette, pas du tout. C'est une enfant incroyablement adulte, incroyablement consciente de ce qu'elle fait. Elle était sur le tournage comme une actrice chevronnée. Du coup, elle avait parfois le souvenir plus précisément que moi d'où il fallait mettre son pied par rapport à la caméra et c'était tout à fait étonnant.

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Mère et fille face à face © Gaumont Distribution

Le film se passe dans les années 1980. Est-ce que cela a eu une incidence particulière sur l'ambiance de tournage ? Un petit côté nostalgique ?
C'est sympathique surtout, parce que ce n'est pas si loin et on se rend compte que ça nous paraît pourtant très éloigné. Je me rappelle d'un jour, notamment, où on est sorti et ils avaient changé toutes les voitures. J'avais l'impression que c'était des voitures des années 1940. Il y a plein de choses comme ça : le téléphone... C'est agréable parce que c'est un passé qu'on avait tous en commun, même si on n'a pas tous le même âge sur un tournage. 

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