Dessins antisémites : Yann Moix dans la tourmente, mais secouru par son ex-compagne

Un père outragé ! Un fils brisé ! Un frère martyrisé ! Une ex-compagne choquée ! Mais une parole libérée... La famille Moix lave son linge sale en public à grand renfort de coups médiatiques. Qui est victime, qui est bourreau ? Grand déballage alors que des proches du polémiste montent au créneau et que des dessins antisémites de l'étudiant Yann Moix remontent à la surface...

Dessins antisémites : Yann Moix dans la tourmente, mais secouru par son ex-compagne
© Sarah ALCALAY/SIPA

Sale temps sur la planète "Moix". Alors que la famille lave son linge sale en public, des dessins antisémites réalisés par Yann Moix lorsqu'il était étudiant ont été publiés sur le site de l'Express. Une publication qui intervient au moment où la rumeur d'Orléans continue de courir... La tête dans les excréments, les coups de rallonges électriques, les menaces au couteau de cuisine : Yann Moix détaille les sévices qu'il aurait subis dans son enfance dans son nouvel ouvrage "Orléans". Autant d'allégations que son père José réfute ardemment et que son frère, Alexandre, dit avoir enduré... de la main de son aîné. Les proches du polémiste et son ex-compagne livrent leur version des faits. 

Yann Moix, dans la tourmente : dessins antisémites et regrets

L'illustration d'un homme en tenue de déporté de camp de concentration, une fausse publicité pour une marque de soda bien connue, agrémentée du slogan : "Coca-Crema, you can beat the Jew!" ("Coca-Crema, vous pouvez frapper le Juif", soit un détournement de la formule "Coca-Cola you can't beat the feeling"). Voici l'un des dessins que L'Express a publiés. Leur auteur est aujourd'hui un écrivain reconnu, Yann Moix. À l'époque, en 1989, celui-ci était un étudiant de 21 ans à Sup Co de Reims et illustrait pour le petit journal négationniste Ushoahia, le magazine de l'extrême. "Je reconnais en être l'auteur. Je refuse de jouer la carte du On pouvait rire de tout à l'époque de Desproges, il y a trente ans, et aujourd'hui ce genre d'humour n'est plus possible. Car, à dire vrai, ces dessins étaient déjà choquants, gratuits et dégradants pour l'époque. […] Et l'homme de cinquante ans que je suis est littéralement épouvanté de ce qu'il a pu produire, en l'espèce, à 21 ans. Je devais être bien mal dans ma peau, alors, pour me vouer à une telle débauche de mauvais goût", a déploré le principal intéressé, persuadé que son frère Alexandre Moix, est à l'origine de la publication de ces dessins dans la presse. Après tout, leur querelle remonte à l'enfance...

Yann Moix, la tête dans ses excréments 

Simple fiction ou sordide réalité ? Yann Moix accuse ses parents de l'avoir violenté lorsqu'il était enfant, dans son nouveau roman autobiographique, Orléans, disponible en librairies aux éditions Grasset. Le titre du livre résonne comme un refrain angoissant dans la tête de l'écrivain, qui a grandi sur les rives de la Loire, et où, soutient-il, il a souffert de nombreux tourments. Dans son ouvrage Panthéon, publié en 2006, Yann Moix décrivait déjà une éducation violente, mais son nouveau roman achève de peindre l'angoissant tableau d'une enfance humiliante et traumatisante. Punitions scatologiques, abandon en forêt, lacérations : ce n'est qu'une partie des sévices que le chroniqueur de 51 ans assure avoir subi des mains de ses parents. "Ce que j'ai le plus reçu, ce sont des coups de rallonges électriques. J'étais en pyjama en général lorsque je les recevais. Au moment où vous recevez le coup, vous ne ressentez strictement rien. Rien du tout. Pendant deux secondes. Et ensuite il y a comme une sorte de fraîcheur intense. Comme si vous étiez recouvert de menthe. Et ensuite ça brûle. Ça brûle très longtemps. Ça reste", a-t-il confié dans une récente interview à Sept à Huit, avant de s'épancher davantage : "Ma mère me poursuivait dans la cuisine avec des couteaux de boucher. Elle disait : 'Je vais te tuer, mon plus beau jour sera quand je serai devant ta tombe' (…) Chez mon père, il y avait une punition par l'excrément. Jusqu'à l'âge de 15-16 ans, il me débarbouillait avec mes excréments, mes caleçons. Un soir, une jeune fille qui me plaisait était invitée avec ses parents, j'ai retrouvé mes excréments dans mon assiette."

Dans son ouvrage, l'écrivain raconte également sa passion pour les livres, notamment pour ceux d'André Gide… que son paternel brûlaît en blâmant l'homosexualité de leur auteur. 

Yann Moix : son père s'étrangle

Yann Moix, enfant fouetté, tartiné et nourri de merde et menacé de mort ? Son père, José Moix, est stupéfait par ces détails glaçants : il réfute vigoureusement les allégations portées par son fils. "Notre fils n'a jamais été battu", assène-t-il à la République du centre. Des gifles ? Il admet en avoir donné à son rejeton : "Comme cette fois où Yann a tenté de défenestrer son frère du premier étage. Ce jour-là, oui, il a eu la correction qu'il méritait, comme le jour où il a mis la tête d'Alexandre (son frère) dans les WC et a tiré la chasse d'eau. Je ne le nie pas, il a alors ramassé une bonne paire de claques. Mais il était un ado dur."

Toutefois, selon José Moix, les punitions qu'il a infligées à son fils s'arrêtent là. "Je n'ai jamais frappé mon fils à coups de câbles électriques, ou avec quoi que ce soit (...) J'ai des origines catalanes et ai été strict, j'en conviens, mais jamais je n'aurais été capable de faire manger ses excréments à mon fils. Prétendre cela relève de la psychiatrie, ce n'est pas possible."

Il révèle également avoir aidé financièrement l'écrivain pendant de longues années : "S'il avait vraiment été un enfant battu, qu'on ne l'avait jamais aimé sa mère et moi, croyez-vous qu'on lui aurait payé ses études jusqu'à Sciences Po ? Car Yann a un peu joué les Tanguy... On a acheté un appartement à Paris pour qu'il loge le temps de ses études, on a payé son loyer et ses charges jusqu'à au moins ses 30 ans."

José Moix n'a pas encore lu le roman de son écrivain de fils, mais il n'est pas complètement opposé à cette idée. Il conclut : "Ce que j'aimerais, déjà, c'est avoir un jour une conversation, d'homme à homme, avec Yann. Il a toujours fui. Mais notre porte reste ouverte, Yann revient quand il veut." Le polémiste acceptera-t-il cette invitation... autour de la table ?

Yann Moix serait le tortionnaire : le réquisitoire de son frère

Jusqu'à présent, un personnage essentiel du récit ne s'était pas encore exprimé : Alexandre Moix, le frère de Yann Moix, écrivain, journaliste et réalisateur. Le 24 août, la pièce manquante du puzzle a pris la parole via une lettre ouverte publiée dans Le Parisien et intitulée "Mon frère, mon bourreau". "Aujourd'hui, je ne peux plus le plaindre, le couvrir ni me taire. Il sacrifie la réalité sur l'autel de ses ambitions littéraires. C'en est trop", a-t-il asséné.

Selon lui, les sévices qu'auraient subi Yann Moix dans le roman seraient en réalité ceux que l'auteur avait lui-même infligés à son frère dans leur jeunesse, par jalousie. "J'ai subi 20 ans durant, des sévices et des humiliations d'une rare violence de sa part. Ceux-là mêmes qu'il décrit dans son roman, en les prêtant à nos parents. Les corrections qu'il écopait de mon père, mais qui, pourtant, faisaient suite aux sévices, eux bien réels, qu'il m'infligeait. Ma naissance, quatre ans après la sienne, aura donc été son chaos. La fin de son monde."

Il raconte que son frère aurait tenté de le défenestrer et de plonger sa tête dans la cuvette des toilettes. "Face à l'ampleur des immondices qu'il déverse dans son roman et dans les interviews qu'il donne, j'avais préféré imaginer un instant que mon frère avait pu y croire lui-même, explique Alexandre. Or j'ai appris que Yann se vantait en privé d'avoir tout exagéré, à l'excès, à dessein", lit-on. Et de conclure : "Dans sa vie, mon frère n'a que deux obsessions : obtenir le Prix Goncourt et m'annihiler. Me nier, m'éliminer, me rayer de la carte."

Yann Moix, enfant battu : le témoignage de ses amis d'enfance

Sont appelés à la barre, deux amis d'enfance de Yann Moix, qui tiennent à conserver leur anonymat, mais tentent de redorer le blason de l'écrivain dans Paris Match. Selon S., la haine entre les deux frères ne date pas d'hier, mais en aucun cas, Yann Moix n'aurait été le bourreau. "Il y a dix ans, Alexandre avait déjà monté un site Internet contre Yann. Cela fait longtemps qu'il utilise ces canaux pour lui nuire (...) Alexandre éprouve, je pense, un véritable ressentiment envers Yann. Que ce dernier n'ait pas été tendre avec lui, je peux le croire. Leur père ne battait que Yann, et peut-être qu'en retour, lui se vengeait. Mais je n'ai jamais assisté chez eux à pareille scène. (...) La fureur de son père dont j'ai été parfois témoin n'avait rien à voir avec les colères et les gentilles remontrances du mien : elle se lisait sur son visage. On sentait que dès qu'on aurait tourné le dos, ça barderait pour lui."

L'ami de Yann Moix se souvient avoir souvent couvert pour lui, afin d'empêcher que la colère de son père ne s'abatte contre lui : "Dénoncés tous deux un jour alors que nous avions fait des graffitis sur les murs du lycée, j'avais été voir le proviseur, endossant toute la responsabilité, afin que Yann soit épargné. En vain. Il avait pris sa rouste… Je me souviens d'une photo de Yann enfant avec un œil au beurre noir."

Un autre de ses proches, Cyril, a également tenu à défendre l'écrivain, qui est par ailleurs, le parrain de son fils. "Après l'école, nous jouions avec Yann en bas de chez lui. Puis je guettais le retour de son père qui rentrait tard, souvent après 22 heures, parfois même à minuit. Yann l'ignorait, mais inquiet pour lui, je collais l'oreille à leur porte et j'entendais ses cris, ses hurlements déchirants, les coups et les insultes de son père qui pleuvaient… Le lendemain immanquablement je repérais les marques violacées sur ses bras, ses cuisses, son dos, des traces de lacération, parfois des bleus sur son visage. Ou des résidus de sang séchés, mal nettoyés."

Il poursuit : "Alexandre, son véritable frère, je le connais, mais on ne se parle pas. Yann et lui se sont toujours détestés. Je n'ai jamais eu vent que Yann l'ait maltraité. Je crois qu'Alexandre cherche surtout à défendre ses parents. Je crois qu'il en veut à Yann de l'avoir éclipsé. Et que Yann lui en veut de l'avoir souvent dénoncé à son père, provoquant sa colère et les coups. Vers l'âge de 30 ans, un jour, Yann m'a tout raconté de ses supplices. Et cela ressemblait à 'Orléans'."

Yann Moix, enfant battu : son ex-compagne à la rescousse

Un autre témoin, en faveur de celui qui est à la fois accusé et accusateur, fait son entrée. Son ex-compagne, Marie-Pierre Lamouroux, a pris la défense de Yann Moix, dans une tribune au Point : "Je connais Yann depuis sept ans, je sais qu'il est incapable de la moindre violence. Nous avons vécu ensemble une relation qui a duré trois ans et s'est terminée il y a quatre ans. Depuis, c'est un ami proche. Il n'y a pas une once de méchanceté en lui". Celle qui a partagé la vie de l'écrivain entre 2012 et 2015 a détaillé : "Je n'ai jamais rencontré sa famille. Déjà à l'époque où nous étions ensemble, il avait coupé les ponts et ne voulait absolument pas que ses parents se mêlent en quoi que ce soit à sa vie. En revanche, il connaît très bien mes deux enfants. Il a eu beaucoup de mal à se construire avec le poids de ce qu'il a souffert. Mais avec les enfants, et en particulier les miens, il était adorable, et d'une patience d'ange. Je le sais incapable de faire du mal à un enfant. Il est d'une douceur immense. Quand vous faites partie de son cercle proche, il est toujours là pour vous, toujours soucieux de savoir si vous allez bien. C'est quelqu'un qui prend fait et cause pour l'enfance maltraitée. Ayant moi-même été victime de violences durant mon enfance, je sais qu'il m'a écoutée d'une façon qui n'était possible qu'à une autre victime. "

Yann Moix, enfant battu, répond et tacle son frère

Yann Moix a finalement lui-même répondu aux attaques de son frère dans une interview à L'Express. "Mon frère a toujours été une balance. Mon père me frappait à coups de poing et de fil électrique sur une seule remarque, un seul caprice, une seule plainte émanant de lui." Et d'ajouter : "Il a toujours tout raté, a toujours souhaité être moi. Il recopiait mes dissertations, tapissait sa chambre des mêmes affiches que moi, a fait un film intitulé Ultimatum sur les sosies après que j'ai fait Podium, a créé des sites Internet pour me nuire, s'est fait passer pour des femmes pour me parler sur Internet. Aujourd'hui, il tente même de me voler mes raclées ! Il n'a jamais réussi à trouver sa voie.  Ce qui le rend aigri et méchant. Avec ces dessins qui sortent aujourd'hui, il tire son ultime cartouche. Cet aveu d'échec est d'une grande tristesse."

Finalement, qui croire ? Que penser ? Pour Nicole Prieur, thérapeute et autrice de Petits règlements de comptes en famille, il n'y a pas de vérité unique dans ce genre d'affaire familiale. Elle explique au Parisien : "Dans une famille, ce n'est jamais le vécu objectif qui est mémorisé (...) On ne peut pas dire que Moix a menti. Le piège ici serait de chercher qui a tort et qui a raison. La seule vérité, c'est la souffrance que tous crient."