EXCLUSIF Mylène Demongeot sans filtre : "grand amour", "culture sexuelle", harcèlement et origines ukrainiennes, ce qu'elle nous avait confié

En 2019, la comédienne Mylène Demongeot, qui vient d'être emportée par un cancer, s'était confiée en exclusivité au Journal des Femmes. Son amour unique pour Marc Simenon malgré son alcoolisme, sa position d'enfant non désirée, sa relation franche et brutale avec elle-même, comment elle vivait le fait de n'avoir pas eu d'enfants... Retour sur ces confidences exclusives.

EXCLUSIF Mylène Demongeot sans filtre : "grand amour", "culture sexuelle", harcèlement et origines ukrainiennes, ce qu'elle nous avait confié
© Daniel Angeli

Cet article a été initialement publié le 27 août 2019, à l'occasion de la sortie de la mini-série de France 2 "À L'intérieur".

Elle a connu l'amour fou, le vrai. Mylène Demongeot a vécu 35 ans avec le réalisateur Marc Simenon, décédé en 1999 après une chute dans un escalier, celui qu'elle a aimé de toute son âme, celui pour qui elle a abandonné (un temps) sa carrière d'actrice de cinéma. Dans son livre L'Amour Fou, aux éditions Michel Lafon, elle raconte ses moments forts avec l'homme de sa vie. À ses côtés, la comédienne en a vu des vertes et des pas mûres ! Chasse au serpent à Bora Bora, réveils auprès d'une mangouste, saccage d'un hôtel avec un lion… La comédienne de 83 ans revient sur sa folle vie autour d'un café pour le Journal des Femmes. Alors que le soleil darde ses rayons sur la terrasse de l'Aéro, brasserie du 16e arrondissement de Paris, j'aperçois Mylène Demongeot. Elle marche équipée d'une canne, légèrement fatiguée, mais toujours souriante et affable. Elle attend avec impatience son rendez-vous chez l'acupuncteur pour se requinquer. La conversation pourrait se poursuivre éternellement, tant l'actrice fait preuve d'un esprit affûté et curieux. Elle commente les allées et venues des passants, me parle de passion, de films porno, d'émancipation des femmes, de maternité… Confidences d'une amoureuse de l'amour. 

Le Journal des Femmes : Pourquoi avez-vous souhaité raconter votre histoire avec Marc Simenon maintenant ?

Mylène Demongeot : En octobre de cette année, cela fera 20 ans que mon époux est mort et j'avais envie de célébrer sa mémoire. Quand on écrit sur les gens, il n'y a pas de doute : ils revivent. Afin de lui rendre hommage, je vais essayer de passer au cinéma Mac Mahon (dans le 17e arrondissement de Paris, ndlr) deux des films qu'il a fait que je préfère : Signé Furax et Le Sang des Autres.

J'imagine qu'il y avait des passages plus douloureux et éprouvants à retranscrire…

Il m'en a fait voir de toutes les couleurs, mais j'ai passé des années merveilleuses avec lui ! À cause de sa fragilité et de son caractère fantasque, il est tombé dans l'alcool. Comme beaucoup de gens extraordinaires, il avait tendance à ne pas supporter la vie telle qu'elle était, dans sa dureté, et à dégringoler… Mon livre est un roman d'amour. À une époque où, me semble-t-il, les femmes de cette génération ont tendance à coucher un peu facilement, je leur dit : et l'amour dans tout ça ?

C'est quoi l'amour fou ?

Mylène Demongeot : Rencontrer un homme pour qui il semblerait que vous êtes faite et qui est fait pour vous. Quand ça colle, physiquement et psychiquement, c'est un tel cadeau que je lui suis restée fidèle toute ma vie. J'étais tellement bien avec lui, même après avoir vécu des épreuves très dures. Je l'ai connu quand j'avais 27 ans, je suis restée avec lui 35 ans. Il est parti en 1999, mais je n'en ai pas pris un autre. De toute façon, un homme ça m'a suffi !

"De temps en temps, je me fous un coup de fourchette dans le cœur "

Vous n'aviez plus envie de vous occuper d'un homme…

(rires) Je n'ai jamais fait le ménage… La première fois que Marc m'a demandé de repasser sa chemise, j'ai pris le fer à repasser et je l'ai laissé brûler sur sa chemise en lui disant : "Ne me demande pas ce genre de choses" (rires). Je veux bien que l'on partage les tâches, mais il est hors de question que je fasse tout !

Vous aviez une volonté d'émancipation plutôt en avance sur votre époque !

Ma mère a lutté toute sa vie pour l'émancipation des femmes. Elle a vu sa propre mère, une Ukrainienne de "petites conditions" faire le ménage et souffrir de ses avortements à répétitions. Ma grand-mère se bousillait la santé, elle avait un homme qui cavalait parce qu'elle devenait moins désirable... Ma mère s'est dit qu'elle ne serait pas comme ça. Elle a quitté l'Ukraine et est partie à Shanghaï, a essayé de devenir indépendante. Malgré tout, elle est tombée enceinte à 15 ans et a donné naissance à mon demi-frère, puis elle a rencontré mon père qu'elle a aimé. Je suis née d'une femme libre. Je n'ai rien contre les femmes qui tiennent leur maison tandis que l'homme travaille, si la décision est prise d'un commun accord, mais beaucoup d'hommes ont encore tendance à considérer les femmes comme des potiches.

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Mylène Demongeot © Daniel Angeli

L'écriture de ce livre vous a permis de vous replonger dans de nombreux souvenirs. Êtes-vous nostalgique ?

Pas du tout. Je l'ai vécu ! Donc, il me suffit d'appuyer sur le bouton, cela revient comme un film et je le revis. Je sais très bien que cela ne peut plus exister. 

Ne regrettez-vous pas d'avoir relégué votre carrière au second plan lorsque vous avez rencontré Marc Simenon ?

Il ne faut rien regretter ! Quand j'ai rencontré Marc, j'ai eu envie de le soutenir dans sa carrière. La mienne était déjà faite. Après Les Sorcières de Salem, j'avais des ambitions de comédienne, pas de star de cinéma, mais mon agent et mon premier mari (Henri Coste, NDLR) préféraient le pognon. Ils m'ont poussée vers le cinéma. Je me suis laissée faire, car tout cela est très grisant. Entre 20 et 27 ans, j'ai eu tous les voyages, les honneurs, le luxe. J'étais traitée comme une reine, j'allais dans des endroits fabuleux. Au final, qu'est-ce qu'on en a à foutre d'avoir un bungalow avec piscine si l'on est seule dedans ? À moins de prendre un mec et coucher avec lui... mais ce n'est pas mon plaisir d'être avec un type juste pour qu'il me tienne compagnie. 

Quand on a eu une vie, comme vous, entourée d'êtres humains et d'animaux, craint-on la solitude ?

Pas du tout ! J'ai toujours aimé ça. J'ai de la chance. J'avais vu une interview de Pierre Bergé qui disait que le drame d'Yves Saint-Laurent était qu'il s'ennuyait avec lui-même, qu'il ne s'aimait pas. Je m'étais dit : le pauvre ! Moi, je suis ma meilleure copine. De temps en temps, je me fous un coup de fourchette dans le cœur en me disant : ne te laisse pas aller ! On discute toutes les deux, on s'engueule… 

"J'ai vu mon premier film porno à 30 ans !"

Vous avez eu une vie trépidante. Aujourd'hui, savez-vous vous ennuyer ?

L'ennui est créatif, il oblige à penser. Le drame de l'éducation des gosses d'aujourd'hui, c'est que les parents sont sans cesse sur leur dos à s'assurer qu'ils ne s'ennuient pas. Il faudrait lancer des écoles pour parents, leur apprendre à éduquer (rires) ! Avant 5 ou 6 ans, les tablettes et les iPhones embrouillent le cerveau des enfants ! Aujourd'hui, l'expérience des jeunes est calquée sur ce qu'ils voient dans les films pornos. Moi, j'ai vu mon premier film porno à 30 ans ! 

À quelle occasion ? Est-ce votre époux Marc Simenon qui vous l'a montré ?

(Rires) Non, c'était lors du festival du film fantastique. À minuit, le copain qui organisait le festival a dit qu'il allait nous montrer un film classé XXX, quelque chose que l'on n'a pas l'habitude de voir sur grand écran ! Les prudes ont été prévenus : il fallait qu'ils s'en aillent. Alice Sapritch s'est tout de suite levée, offusquée, et est partie. Le film en question, c'était Deep Throat… C'était drôle ! Aujourd'hui, les adolescents ont leur culture sexuelle avec ces films-là. Ceux où la bonne femme crie "haaaa" (elle mime un cri d'actrice porno) de façon tout sauf naturelle (rires). C'est terrifiant pour le garçon, qui est poussé à la performance et pour la fille, qui doit jouir même quand elle n'en a pas envie. L'amour, ça se cultive. Au lit, ça ne marche pas forcément bien du premier coup. Quand on se connaît, qu'on a moins peur l'un de l'autre, cela peut être le paradis ! 

Vous n'avez jamais eu envie d'avoir d'enfants ?

Non, ma mère n'était pas maternelle, elle ne m'a jamais désirée. Mon demi-frère était beaucoup plus âgé, donc j'ai grandi toute seule. Comme je louchais étant petite, les enfants me terrifiaient, j'ai été très violemment harcelée. J'ai failli avoir des enfants avec mon premier mari (Henri Coste, NDLR), mais comme il voulait que je fasse carrière, il m'a fait avorter deux fois. Si j'étais tombée enceinte avec Marc, peut-être que j'aurais aimé être mère… Mais cela ne s'est pas passé ainsi. Et puis, je me disais que si un gosse se mettait entre nous, cela m'énerverait (rires) ! Quand je l'ai connu, il avait deux enfants de 2 ans et 4 ans. Le week-end, lorsqu'il les gardait, cela m'horripilait que l'un d'eux débarque pour sauter sur le lit alors que l'on voulait faire un câlin ! J'ai donc dit à Marc que je voulais une chambre à coucher qui ferme à clé ! Il a refusé… Il pensait que cela exclurait les enfants de notre relation.

Craignez-vous le temps qui passe ?

Oui, je suis très fataliste, c'est mon côté ukrainien qui ressort. Je sais que j'ai la chance d'être là, j'ai beaucoup d'amis qui sont partis. Avoir une sciatique, des maux de dos, ce n'est pas marrant, c'est même affreux. J'avais une grand-mère très catholique, décédée lorsque j'avais dix ans. Je me souviens qu'avant de mourir, elle a dit : "Comme je souhaite quitter cette vie épouvantable et retrouver les bras de mon Seigneur…" Je me suis dit : quelle chance elle a d'avoir la foi ! Elle est morte dans la joie. 

La foi, vous l'avez ?

J'ai foi en quelque chose, mais je ne sais pas très bien en quoi, certainement pas en tous ces dieux des religions monothéistes, en tout cas. Je suis plutôt animiste. Je crois à la nature. Je crois que l'on est arrivé à la sixième extinction, les animaux n'ont plus d'espace pour vivre, les gens se reproduisent sans réfléchir, sans se dire qu'il y a du chômage et qu'ils n'auront pas de quoi bouffer. Je gueule et j'emmerde tout le monde pour que l'on fasse attention à l'eau, à ne pas gaspiller les choses… J'ai été très bouleversée par les Gilets jaunes, au début de leur mouvement, qui voulaient simplement vivre de leur travail, manger jusqu'à la fin du mois. Pourquoi les dirigeants n'ont-ils pas entendu leurs revendications si évidentes ? Je suis trop âgée, mais si j'avais 20 ans, je serai sur les barricades, une suffragette enragée (rires) ! 

Découvrez l'ouvrage L'Amour Fou de Mylène Demongeot, aux éditions Michel Lafon, en librairies et ne manquez pas la mini-série de France 2, À L'intérieur, disponible en replay.