Chez Off-White, Virgil Abloh écrit l'histoire de la femme d'aujourd'hui

Narrateur omniscient, Virgil Abloh dicte les tendances, enchaîne les chapitres chez Nike comme au Bon Marché. Mais il trouve aussi le temps de nous raconter la femme de l'automne-hiver 2018-2019 qui sait piocher intelligemment dans les références pour se forger une personnalité de choc. Décryptage.

Chez Off-White, Virgil Abloh écrit l'histoire de la femme d'aujourd'hui
© Imaxtree.com

La fashion week de Virgil Abloh est chargée. Lundi 26 février, il inaugure un café et une eau "Blue Magic" en collaboration avec Dubaï Wild & The Moon au Bon Marché. Mercredi 28, il déchaîne les foules de sneakers addicts en annonçant la sortie d'une nouvelle paire de Nike Air Jordan 1. Samedi 3 mars, il lance une capsule "Elevator music" avec le parfumeur Byredo. Non content de monopoliser l'actualité branchée parisienne, le 1er mars, il livre une collection automne-hiver 2017-2018 dont il a le secret : qui satisfait notre appétit de tendances tout en nous guidant vers de nouvelles envies.

Car, bien que tout attelé à créer l'émulation autour de ses projets iconoclastes, le directeur artistique de Off-White n'a pas mis de côté sa réflexion. Des paroles de l'essayiste américaine Susan Sontag introduisent le défilé automne-hiver 2018-2019. Extraites d'une conversation avec son homologue John Berger en 1983, elles sont une réflexion sur le storytelling et ses formes, que l'on retrouve dans toute la société, et s'achèvent sur une problématique : on se concentre sur leurs origines, mais une fois dites, que deviennent-elles ? Une allure, répond Off-White. On comprends alors que le défilé baptisé "West village" explore l'histoire de ce quartier de New-York historiquement bohème devenu bourgeois. Mi-arty, mi-BCBG, puisant à la fois dans la working girl, la belle de nuit et la pilote effrontée, la garde-robe imaginée par Virgil Abloh est un syncrétisme d'histoires qui trouvent leur happy end dans des silhouettes composites dosées avec tact. Les stigmates de chaque genre se retrouvent détournés ou apposés à d'autres. Le jacquard équestre devient un micro combi-short veste, les bottes cavalières des cuissardes badass, la robe tapis rouge est coupée en deux, dépareillée, puis recomposée. La féminité codée dans le tailoring comme le flou est réveillée par des lignes contrastées et des logos qui viennent choquer l'œil sur les robes à paillettes, sous les robes en soie. Un cadavre très exquis. 

Entre un Martin Margiela et son amour pour les vêtements faits par d'autres et un Karl Lagerfeld inarrêtable touche-à-tout, Virgil Abloh trouve sa place en tressant les différents storytellings qui infusent notre culture contemporaine. Une façon d'enchevêtrer les destins et d'entrechoquer les références qui, de toute évidence, tient de la formule magique.