Balenciaga : défilés 2023, histoire, créateurs, collections

Créée il y a plus de 100 ans par Cristóbal Balenciaga, la maison de luxe Balenciaga mixe habilement héritage et modernité. Retour sur l'histoire d'une marque souvent acclamée, parfois controversée.

Balenciaga : défilés 2023, histoire, créateurs, collections
© Niviere David/ABACAPRESS.COM

De Cristóbal Balenciaga à Demna Gvasalia, la maison Balenciaga écrit l'histoire de la mode avec ses collections spectaculaires et architecturales. Découvrez tout l'univers de la griffe parisienne.

Quelle est la polémique à l'origine des appels au boycott de Balenciaga ?

Nouvelle polémique pour Balenciaga. Après les chaussures abîmées vendues des milliers d'euros, le défilé printemps-été 2023 dans la boue et la fin du partenariat de la maison avec Kanye West après ses sorties antisémites, cette fois-ci, la griffe parisienne a été épinglée pour des publicités qui ont choqué les internautes. En cause, une campagne pour les fêtes réalisée par Gabriele Galimberti, dévoilée en novembre 2022, où apparaissaient des enfants photographiés sur leur lit ou sur le canapé du salon. Vêtus comme des adultes de Balenciaga des pieds à la tête, ils tenaient dans leurs mains des doudous sanglés dans des harnais reprenant, selon certains observateurs, l'esthétique BDSM

Des clichés qui promouvaient, pour les internautes, la pédophilie, et s'inscrivaient dans une longue habitude de la mode à placer les enfants dans des situations inconvenantes à des fins publicitaires ou artistiques. Mais cela n'a pas été la seule raison de la colère des consommateurs, qui ont appelé au boycott de la marque lorsqu'ils ne publiaient pas des vidéos d'eux en train de brûler leurs vêtements siglés Balenciaga sur les réseaux sociaux. Une deuxième campagne de la griffe, créée pour promouvoir la collaboration Adidas x Balenciaga a été mise en cause. Y figuraient, dans un décor de bureau où trônait Isabelle Huppert, égérie de la marque, des documents reprenant une décision de justice sur la promotion et la publicité de photographies pédopornographiques. Un autre cliché de l'actrice française dans un bureau en désordre, a dérangé. Outre la comédienne et ses vêtements Balenciaga, on distinguait en fond un livre de Michaël Borremans, un photographe connu pour immortaliser "des enfants nus et des adultes en train de commettre des actes de violences, dont du canibalisme", dixit le compte Instagram @dietprada.  

Face au tollé provoqué par ces deux campagnes, que certains ont estimé liées, Balenciaga a présenté ses excuses : "Nous condamnons fermement les abus sur les enfants; cela n'a jamais été notre intention d'inclure ceci dans notre narration. Les deux campagnes publicitaires en question sont distinctes et reflètent une série de graves erreurs pour lesquelles Balenciaga prend ses responsabilités". La marque a affirmé dans son communiqué de presse diffusé sur Instagram, qu'elle était seule responsable des publicités où apparaissaient les enfants, mais a déclaré que les clichés pour la collection Adidas x Balenciaga n'étaient pas censés inclure les fameux documents polémiques, seulement de "faux documents de travail". Balenciaga, qui assure réviser son organisation et ses process internes, a également porté plainte contre Nicholas Des Jardins, le set designer et North Six, la société de production de la campagne Adidas x Balenciaga, réclamant 25 millions de dollars, avant de se rétracter et d'abandonner les charges. De son côté, Kim Kardashian, l'entrepreneure et égérie de la marque a réagi dans une série de tweets postés le 28 novembre 2022 : "J'ai été silencieuse ces derniers jours, pas parce que je n'ai pas été dégoutée et outrée par les récentes campagnes Balenciaga, mais parce que je voulais avoir l'opportunité de discuter avec leurs équipes pour comprendre par moi-même comment cela a pu arriver (...) Je suis en train de réévaluer ma relation avec la marque, basée sur leur envie de prendre leurs responsabilités pour quelque chose qui n'aurait jamais dû arriver, pour commencer, et les actions que j'espère les voir mener pour protéger les enfants".

Balenciaga a entendu les demandes de l'influenceuse, qui cumule 74,2 millions d'abonnés sur Twitter et 334 millions sur Instagram. La maison de luxe affirme être en train de "poser les bases [de partenariats] avec des associations spécialisées en protection de l'enfance et ayant pour but de mettre fin aux abus sur les mineurs et à leur exploitation". Des mesures satisfaisantes pour le grand public ? Affaire à suivre.

Quelle est l'histoire de la maison Balenciaga ?

C'est le 21 janvier 1895 que naît Cristóbal Balenciaga à Getaria dans le pays basque espagnol. Il a 10 ans quand son père, capitaine de bateau, meurt. Sa mère commence alors à travailler comme couturière et Cristóbal Balenciaga apprend à ses côtés les bases du métier. Un voyage à Paris, la capitale de la mode, à l'âge de 15 ans le décide à devenir couturier. Quelques années plus tard, en 1917, il lance sa propre enseigne, Eisa (le nom de jeune fille de sa mère) dans la station balnéaire de San Sebastian. En un peu plus d'une décennie, Cristóbal Balenciaga devient le créateur le plus en vue dans son pays natal et ouvre des boutiques à Madrid et Barcelone. Mais la grande histoire se mêle à sa biographie et tandis que la guerre d'Espagne met à l'arrêt son activité, il décide de déménager à Paris où il installe sa maison de couture au 10, avenue George V.

Le créateur Cristóbal Balenciaga © Efe Agencia/Sipa

Dès sa première collection dans la capitale française, il fait l'unanimité et les critiques saluent son habileté à construire des vêtements comme s'il s'agissait de pièces architecturales. Une façon de travailler qui ne concerne pas que la coupe et le montage des habits. Les matières aussi, ont de l'importance : les tissus cloqués, le velours ou encore le gazar, une étoffe créée à sa demande, habillent ses créations… Autre caractéristique de la haute couture signée Balenciaga : elle est le plus épurée possible. Les pièces présentent un minimum de coutures, le noir est la couleur reine et la culture hispanique du créateur n'est jamais bien loin. En fait, sa couture est infusée par ses origines ibériques. Avec sa robe Infanta aux hanches hautes et marquées, inspirée par un tableau du peintre Velasquez, le designer revisite par exemple les tenues de la cour d'Espagne. Il inclut également dans ses collections des références aux costumes des danseuses de flamenco, des galons de matadors sur les vestes ou encore de la dentelle noire qui évoque les mantilles des femmes pieuses…

Des pièces cultes

Au cours de sa carrière, Cristóbal Balenciaga a imaginé de nombreux hits mode. En 1947 sort ainsi la ligne Tonneau, où l'on aperçoit les premiers jeux sur les volumes au niveau de la taille et du dos. Les années 50 sont celles des créations novatrices : le tailleur boxy, mais aussi la robe chemise, les tailleurs semi ajustés, cintrés devant et fluide à l'arrière, les manches ballons XXL, la robe Baby Doll en 1958... Et surtout, la robe sac, qui ne marque aucune partie du corps et va à rebours des tendances de l'époque; à cette même époque, Christian Dior popularise le New Look qui insiste au contraire sur les courbes du corps. Le Daily Mirror commente d'ailleurs "Difficile d'être sexy dans un sac" puisque derrière cette pièce, le corps disparaît totalement. Une abstraction que réussit une nouvelle fois Balenciaga avec la robe Enveloppe et ses quatre angles droits.

Un alchimiste de la couture acclamé

Distingué par la Légion d'honneur en 1958, Cristóbal Balenciaga compte parmi ses fans l'actrice hollywoodienne Ava Gardner, la socialite Gloria Guinness ou encore la richissime Mona von Bismarck, adepte de ses robes de bal et de ses shorts de jardinage. Cette dernière aimait d'ailleurs tellement la marque que quand Balenciaga mit fin à sa maison de couture en 1968, elle se serait enfermée pendant trois jours dans sa chambre sans en sortir. Egalement révéré par ses pairs, le couturier, qui n'a donné qu'une seule interview à la presse de toute sa carrière, a même fait dire à Coco Chanel : "Balenciaga est l'unique véritable couturier. Seulement lui peut couper le tissu, assembler une création et la coudre à la main. Les autres sont simplement des designers de mode". Emanuel Ungaro, qui comme André Courrèges a fait ses armes aux côtés de Cristóbal Balenciaga, disait quant à lui du créateur qu'il avait posé les bases de la couture moderne.

La fin d'une ère

Alors que la mode se démocratise à la fin des années 60, qu'Yves Saint Laurent fait du prêt-à-porter pour habiller toutes les femmes et que Saint-Germain-des-Prés vit au rythme de mai 68, Cristóbal Balenciaga ferme sa maison de couture. Pour lui, qui vient de signer les uniformes des hôtesses de l'air d'Air France, la couture n'est plus compatible avec ce "nouveau monde". Il meurt quatre ans plus tard, le 24 mars 1972 à Jaeva en Espagne.

Quels créateurs ont succédé à Cristóbal Balenciaga ?

En 1986, le groupe Jacques Bogart acquiert la marque et Michel Goma, un créateur toulousain, est nommé à sa tête. Il est ensuite remplacé en 1991 par le néerlandais Josephus Thimister, qui lance la ligne de prêt-à-porter Le Dix en hommage au parfum du même nom sorti en 1947. En 1997, c'est au tour de Nicolas Ghesquière d'occuper le poste de directeur artistique de Balenciaga. Quatre ans plus tard, le groupe Gucci, qui appartient alors à 42% à PPR (Pinault-Printemps-Redoute) rachète la marque à Jacques Bogart. La maison française intègre alors l'entreprise de luxe qui est aujourd'hui devenue Kering. Sous le règne de Nicolas Ghesquière, Balenciaga revit et atteint des sommets de popularité : it bags en série (le Classic), ligne masculine en 2004, égéries d'exception (comme son amie Charlotte Gainsbourg)… En novembre 2012, son départ de la maison est néanmoins annoncé et Nicolas Ghesquière est remplacé par Alexander Wang. L'Américain reste trois ans à la tête de la maison de couture. Jusqu'en 2015, année au cours de laquelle le Géorgien über cool Demna est choisi pour insuffler une nouvelle énergie à la maison Balenciaga. Connu pour son label pointu Vetements, le créateur va repousser les limites de la marque et, selon ses dires lors du Vogue Paris Fashion Festival de 2018 : "[transposer] les archives Balenciaga des années 50 à aujourd'hui, [pour les adapter] à 2018, 2019, au futur...". La maison Balenciaga, présidée par Cédric Charbit depuis 2016, ne cesse de créer l'événement lors de ses défilés qui se déroulent en petit comité. Derniers coups d'éclat en date : après avoir organisé le premier défilé masculin de la marque en 2016, Demna a réinitialisé la couture avec une collection honorant plus que jamais l'héritage de Cristóbal Balenciaga pour l'automne-hiver 2021-2022.

Quelles sont les créations iconiques de la marque ?

Ces dernières années, Demna a développé toute une gamme de produits incontournables. Parmi ceux-ci, on dénombre les baskets Triple S, dotées d'une épaisse semelle graphique, mais aussi les sneakers Track, archétypes de la dad shoes dans toute sa splendeur. Les baskets sans lacets Speed, qui s'enfilent et remontent sur la cheville comme des chaussettes, ont également ravi les fans de sportswear. Rayon sac à main, la marque a fait du Barbès, ce cabas en cuir qui ressemble à s'y méprendre aux grands sacs en plastique rayés de Tati, un hit de la maison. Le Néo Classic, lui, réactualise le design du it bag des années 2010 de Nicolas Ghesquière tandis que Le Cagole le décline en version sac baguette.

Dans ses collections pour Balenciaga, Demna présente des vêtements de tous les jours qu'il twiste façon couture. Le trench se pare d'une encolure qui se porte sur les épaules, les doudounes sont extra extra larges, les robes chemises sont littérales, une moitié robe une moitié chemise… Bref, la mode de Demna est audacieuse mais portable, intellectuelle mais abordable. 

À quoi ressemble le logo de la marque ?

En septembre 2017, le logo Balenciaga change. Introduit pour la collection printemps-été 2018, il correspond au nom de la marque en toutes lettres et en majuscules. Il a pour inspiration majeure : "la clarté des supports de signalisation installés dans les transports publics" dixit un communiqué de la marque. Il s'imprime désormais sur les sweatshirts ou encore les écharpes monogrammées de la griffe. En plus, un logo aux B entrelacés rehausse de nombreuses créations de la maison. Des ceintures, des boucles d'oreilles, des lunettes de soleil et même des casquettes arborent ce monogramme nommé "Interlocked BB".

Quelles sont les dernières collaborations de Balenciaga ?

Depuis que Demna est le directeur artistique de la marque, les collaborations se multiplient. Le créateur a à deux reprises travaillé avec Crocs à l'occasion de défilés (en 2018 et 2021), mais aussi avec la drag-queen américaine RuPaul, la Nasa ou encore le groupe de métal Rammstein. Sans oublier la collaboration qui a le plus fait parler d'elle en 2021 : "The Hacker Project" qui lie Balenciaga à Gucci. Surnommée Gucciaga, cette collaboration mixe les codes et les logos des deux marques comme pour dénoncer avec humour l'uniformisation des créations dans le monde de la mode et interroger la notion de vrai ou de faux dans le luxe. En 2022, c'est avec Adidas que Balenciaga a imaginé une collection, mêlant plus que jamais couture et streetwear. Des vêtements sold out dans le monde entier.