Maman handicapée : "notre quotidien n'est pas banal, mais c'est notre force"

Sonia est atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos, une maladie génétique qui provoque des douleurs permanentes et la contraint à se déplacer en fauteuil roulant. Maman d'un petit Joshua âgé de 3 ans, elle nous raconte son quotidien, entre grands défis et petites victoires.

Maman handicapée : "notre quotidien n'est pas banal, mais c'est notre force"
© veresproduction

Sonia souffre du syndrome d'Ehlers-Danlos, une maladie génétique qui affecte la production de collagène. Cette protéine est présente dans les tissus conjonctifs que sont la peau, les tendons, mais aussi les ligaments. La maladie provoque des symptômes très variés d'un patient à l'autre, mais dans le cas de Sonia, elle se traduit surtout par une une hyperlaxité articulaire depuis l'enfance, allant des entorses à répétition à des luxations et subluxations. "Par exemple mon coude droit se déboîte une dizaine de fois par jour", explique la jeune femme. Mais le syndrome d'Ehlers-Danlos engendre aussi des problèmes d'estomac ou de vessie, une fragilité de la peau et des vaisseaux sanguins. "J'ai des problèmes de santé depuis l'enfance, j'étais connue comme la fille aux béquilles tellement j'ai eu de fractures et d'entorses", se souvient Sonia. Les symptômes se sont aggravés à l'âge de 14 ans et la jeune femme s'est alors retrouvée en fauteuil roulant pour la première fois. Mais c'est seulement lors de sa grossesse, à l'âge de 21 ans, que le diagnostic a été posé.

Une grossesse difficile marquée par les épreuves 

Car en dépit d'une santé fragile, Sonia a toujours eu envie de devenir maman. "D'aussi loin que je me souvienne, ça a toujours été dans mes projets. Même quand ma maladie s'est déclarée, c'était clair pour moi." La grossesse Sonia va alors être une suite de péripéties, et pas uniquement sur le plan médical. "Le père de mon fils, avec qui j'étais depuis deux ans, m'a quitté lorsque j'étais enceinte de 4 mois", confie-t-elle. Un véritable choc pour Sonia qui doit en plus faire face au diagnostic de sa maladie dans les semaines qui suivent. Le suivi de la future maman va alors basculer : "Le diagnostic a vraiment changé la donne. J'ai dû changer de maternité et être suivie en SIG, (suivi intensif de grossesse)"

Les contractions sont intenses tout au long de la grossesse et dès 31 semaines, Sonia est en menace d'accouchement prématuré. "J'ai eu des hémorragies cutanées et nasales. J'ai vraiment dû écouter mon corps et me mettre souvent au repos", se souvient la jeune maman. En raison du risque d'hématome, Sonia ne peut bénéficier d'une péridurale. Le travail est long et difficile. Lorsque Joshua vient au monde, Sonia ne peut le tenir dans ses bras que quelques minutes car elle doit subir une anesthésie générale en raison d'une grosse hémorragie. "Le mauvais suivi de ma grossesse et de mon accouchement vient surtout du fait que ma maladie est très peu connue du corps médical", explique-t-elle. Au moment de peser le bébé, c'est la surprise. "Mon fils faisait 4,4 kg, personne ne s'y attendait, moi la petite nana malade et en fauteuil qui fait un gros bébé !", plaisante Sonia.

Une organisation millimétrée pour faciliter le quotidien 

Commence alors pour Sonia et son fils une nouvelle vie à deux. Consciente de ses limites physiques, la  jeune femme met tout en place pour faciliter son quotidien. "J'ai pu tout gérer seule car j'avais tout prévu en amont. J'avais une organisation millimétrée. La nuit par exemple, mon fils dormait dans son berceau cododo et je préparais à l'avance les doses de lait, biberons, couches à proximité. comme ça pas besoin de sortir de mon lit.", explique-t-elle. Pour Sonia, un seul maître mot : organisation. "Il faut trouver les adaptations qui nous correspondent. Le bain par exemple était le plus compliqué, mais j'y arrivais quand même. C'était épuisant, mais mon fils m'a donné la force", confie-t-elle. 

Le quotidien de Sonia est marqué par une immense fatigue, certainement le symptôme le plus difficile à gérer. "J'ai aussi des douleurs 24h sur 24, principalement aux jambes", explique la jeune maman. Pour soulager ces douleurs, Sonia s'est fait implanter un stimulateur médullaire, une électrode placée sur sa colonne vertébrale pour couper l'information de douleur qui va des jambes vers le cerveau. Un système qui lui permet de se déplacer plus facilement, alors qu'elle ne pouvait jusque là faire que quelques pas. "Mais ma marche est encore très limitée en raison de l'immense fatigabilité articulaire. Je suis obligée d'utiliser mon fauteuil pour faire les courses ou les sorties plus longues.", précise-t-elle.

Des infrastructures peu ou pas adaptées aux personnes handicapées

Si le manque de mobilité de Sonia est un vrai challenge au quotidien, la jeune maman trouve des parades : "Chaque geste est adapté à mes possibilités et ce sont de vraies habitudes à prendre. Me mettre au sol pour lui mettre ses chaussures par exemple." En revanche, la situation se complique lorsqu'elle souhaite sortir avec son fils. L'espace public étant loin d'être adapté aux personnes en situation de handicap. "Le plus compliqué reste par exemple de l'emmener au parc, ou tout autre sortie banale pour les autres parents. Très peu de parcs sont accessibles en fauteuil roulant, les tables à langer dans les lieux publics sont toujours trop hautes.", observe Sonia. "Beaucoup d'endroits pour enfants ne sont pas adaptés aux personnes en situation de handicap et c'est clairement révoltant.", ajoute la jeune femme.

"Joshua et Maman contre le reste du monde"

Sonia n'a jamais caché sa maladie à son fils et choisi d'échanger librement avec lui sur le sujet. "Je lui ai toujours parlé de ma maladie, avec des mots simples bien sur. Il sait qu'il a une maman différente. Je crois même qu'il en fier !", analyse Sonia. Le petit garçon de 3 ans, seul élève de son école à avoir une maman en fauteuil, est très autonome et aux petits soins avec Sonia. "Il veut toujours m'aider. Je ne le pousse pas à le faire, j'essaie même de le refréner parfois. Mais il adore ça. Depuis qu'il sait marcher il pousse mon fauteuil, et c'est la crise si on lui dit non !", s'amuse-t-elle. Même lorsque la situation devient  plus difficile, le duo garde le sourire. "Pour lui c'est normal, il ne connaît que ça. Maman avec des lunettes à oxygène, une hémorragie qui se déclenche c'est banal. On rigole même de ma maladresse ensemble." Une belle complicité qui résiste à tout, du départ du papa de Joshua aux difficultés financières. Heureusement, Sonia bénéficie de l'aide de ses parents, très présents pour la jeune femme et son petit garçon. Finalement, Sonia et son fils sont parvenus à braver tous les obstacles. "Le seul frein pourrait être le regard et les jugements des autres. Mais clairement, j'en ai fait une force. Ceux qui ne me croyaient pas capable ou me jugeaient. Je leur ai montré que c'était possible d'être une maman en fauteuil, malade et solo. Aujourd'hui mon fils, Joshua et moi, sommes très heureux. Parfois notre quotidien n'est pas banal, mais c'est notre force. Joshua et Maman contre le reste du monde !", conclut la jeune maman.