Est-ce que je peux jeûner enceinte ou si j'allaite ?

Ramadan, jeune d'Esther, Kippour... Selon les religions, les femmes enceintes ou allaitantes peuvent être confrontées à la question du jeûne. Une pratique qui n'est pas sans risque dans certains cas. Décryptage avec le Dr Isabelle Héron, gynécologue.

Est-ce que je peux jeûner enceinte ou si j'allaite ?
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Faire un jeûne enceinte ou durant un allaitement, sur plusieurs jours ou plusieurs heures, n'est pas forcément conseillé à toutes les femmes. Chez certaines futures mamans qui ont des soucis de santé (diabète, maladie chronique, etc) ou une grossesse à risque, la privation stricte de nourriture et de boisson peut causer des carences. Quels sont les risques pour la mère et l'enfant ? Peut-on jeûner enceinte pendant le Ramadan, Pourim ou Kippour ? Qu'en est-il du jeûne intermittent ? Réponses et conseils du gynécologue Isabelle Héron.

Est-ce dangereux de jeûner pendant la grossesse ?

"En dehors des patientes qui ont une maladie chronique nécessitant une alimentation équilibrée, le jeûne ne présente aucun danger, ni pour la mère ni pour le bébé. Ce qui serait dangereux, c'est un arrêt de l'alimentation durant plusieurs journées consécutives et des boissons pendant plus de 12h", nous explique la gynécologue.

En revanche, pour les femmes enceintes qui ont un diabète gestationnel, un diabète insulino-dépendant ou un diabète de type 2 insuliné, la réponse est beaucoup plus réservée. "Le jeûne est surtout compliqué pour les femmes diabétiques parce qu'on peut être amené à leur demander de contrôler leur glycémie avant et après chaque repas, parfois jusqu'à quatre à six fois par jour, ceci afin d'atteindre des objectifs glycémiques définis. Cela va nous amener à modifier les schémas insuliniques, ce qui peut avoir un impact sur l'équilibre du diabète, continue-t-elle. De manière générale, toute femme enceinte qui souhaite suivre un jeûne, qu'il soit intermittent, thérapeutique ou religieux, doit toujours prévenir son obstétricien ou son gynécologue en amont pour être sûre qu'elle ne présente pas de contre-indications au jeûne, qu'elle ne se met pas en danger ou qu'elle ne met pas en danger son bébé. 

Peut-on jeûner enceinte pendant le Ramadan ?

Le jeûne du Ramadan occupe une place importante dans l'Islam. D'un point de vue médical, "une patiente qui n'a pas d'antécédents médicaux ni de problèmes de santé particuliers peut tout à fait observer le jeûne du Ramadan sans risque. Autrement dit, il ne peut pas y avoir de carences qui soient induites par un jeûne du Ramadan" si la patiente s'alimente correctement au moment des repas, le soir ou tôt le matin, détaille l'experte.

"En revanche, en cas de températures estivales élevées, il est fortement conseillé de maintenir dans la journée des apports hydriques suffisants", commente le Dr Isabelle Héron. Dans ce cas de figure, il est primordial pour la femme enceinte de s'hydrater tout au long de la journée et de manger équilibré pendant la période de lever du jeûne. Il est important aussi de prendre un petit-déjeuner riche en sucres lents de manière à tenir toute la journée. 

Dans la religion musulmane, "les femmes enceintes qui ont une grossesse difficile ou à risque, qui viennent d'accoucher, qui allaitent leur enfant (jusqu'à deux ans)" sont exemptées de jeûner, indique le Guide pratique de la Grande Mosquée de Paris. Sont concernées aussi les personnes malades, celles qui voyagent, les enfants avant la puberté, ainsi que les femmes qui ont leurs règles pendant le Ramadan. 

Le jeûne d'Esther ou de Kippour est-il autorisé aux femmes enceintes et allaitantes ?

Dans la religion juive, plusieurs fêtes traditionnelles s'articulent autour d'un jeûne. C'est le cas lors de Pourim, avec le jeûne d'Esther, qui doit s'effectuer durant toute une journée, le premier jour des célébrations. Mais les femmes enceintes, qui sont à leur troisième mois de grossesse, ne sont pas concernées par le jeûne d'Esther. En revanche, à l'occasion du jeûne de Kippour, qui se caractérise par un jeûne de 25 heures, la femme enceinte ou qui allaite son bébé est tenue de jeûner si la grossesse se déroule bien.

Néanmoins, dans certains cas, la religion juive autorise les futures et jeunes mamans à manger. En effet, il n'est pas conseillé aux femmes qui viennent d'accoucher de jeûner durant les trois premiers jours qui suivent la naissance. Même chose pour les femmes qui auraient fait une fausse couche trois jours avant le jeûne. Celles qui allaitent et dont le bébé est malade doivent par ailleurs manger de manière normale. 

Conseils : si vous souhaitez jeûner durant cette journée, mangez des féculents, des fruits et légumes, et hydratez-vous convenablement durant les jours qui précèdent le jeûne. Toutefois, si votre médecin estime que ce jeûne représente un danger pour vous et votre bébé, vous devez alors vous abstenir de jeûner. Aussi, si vous en ressentez le besoin, il est également possible de boire et manger en plus petite quantité ce jour de jeûne.

Le jeûne intermittent est-il recommandé pendant la grossesse ?

Le jeûne intermittent consiste à ne pas s'alimenter pendant plusieurs heures pour mettre le système digestif au repos et éliminer ainsi les toxines accumulées dans le foie et les reins. Concrètement, cela signifie que l'on supprime soit le petit-déjeuner, soit le dîner afin de prolonger la période normale de jeûne qui a lieu pendant la nuit. "Si jeûner signifie s'arrêter de manger pendant plusieurs jours alors oui, c'est dangereux. En revanche, si c'est seulement pendant quelques heures, il n'y a aucun risque pour la maman ni pour le bébé", rassure la gynécologue médicale.

L'inconvénient peut être de ressentir la fatigue s'installer dans la matinée si on saute le petit-déjeuner ou d'avoir le sommeil perturbé si on supprime le dîner. Dans tous les cas, il est primordial que les deux autres repas de la journée soient équilibrés afin de combler tous les besoins en vitamines et minéraux.

Peut-on allaiter pendant un jeûne ?

"L'allaitement n'est pas contre-indiqué pendant le jeûne, mais on sait pertinemment que si la patiente ne s'hydrate pas suffisamment, elle n'aura pas une lactation adaptée. Autrement dit, elle sera fatiguée, elle produira moins de lait et ne sera pas en capacité d'allaiter son enfant", prévient la professionnelle de santé. D'où l'importance de continuer à bien s'hydrater et à avoir une alimentation variée et équilibrée au moment de la rupture du jeûne. Par ailleurs, le fait que la maman jeûne n'a aucune incidence sur la qualité de son lait. Il reste aussi nourrissant et apporte au bébé tout ce dont il a besoin. Quant au rythme des tétées, aucun changement n'est à prévoir, il faut continuer à respecter les besoins de son enfant. 

Merci à Isabelle Héron, gynécologue à Rouen.
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