Témoignage enceinte de jumeaux : "les gens s'écartaient pour me laisser passer"

Emma apprend par hasard quelle attend des jumeaux. Elle vit une grossesse normale et plutôt paisible, mais franchement pas de tout repos !

Témoignage enceinte de jumeaux : "les gens s'écartaient pour me laisser passer"
© NejroN

J'avais 40 ans et déjà un enfant. Je me suis réveillée un jour et je me suis dit que je voulais un deuxième enfant. J'avais déjà un garçon, et je me suis mis en tête que j'allais cette fois donner naissance à une fille. Mais rien ne s'est passé comme je l'avais imaginé. J'apprends que je suis enceinte, je me rends chez un gynécologue à côté de mon travail parce que celle qui me suit d'ordinaire n'est pas disponible. Le médecin en face de moi voit le bébé, tout va bien a priori, mais il ne parvient pas dater exactement, on m'envoie donc faire une échographie de grossesse plus précise pour pouvoir savoir quand elle à débuté. Je me rends seule chez une échographe, qui affiche un air blasé, elle m'ausculte et me dit, de façon totalement naturelle : "Oui effectivement, vous êtes bien enceinte, il y en a bien deux". Je suis sous le choc d'entendre ça, je lui demande de répéter. Elle me confirme que j'attends des jumeaux, ce à quoi je ne me suis pas préparée une seule seconde.

Sans jumeaux, je n'aurais peut-être pas pu avoir 3 enfants

Tout à coup, je bascule dans un autre monde, ce n'est pas du tout dans mes perspectives. en sortant du cabinet, j'essaie de comprendre d'où ça vient, parce que pour les grossesses gémellaires, il peut s'agir d'un facteur héréditaire, ce qui n'est pas vraiment mon cas. Ou d'autre chose : une FIV par exemple. Ça non plus, ce n'est pas mon cas. Alors, pourquoi ? En faisant des recherches, je découvre que passé 40 ans, on a davantage de chances de tomber enceinte de jumeaux car on ovule différemment. La gémellité est liée à l'ovulation de la mère. Je suis tellement abasourdie que je mets 3 jours à en parler à mon conjoint... Sa première réaction ? "Mais qu'est-ce que tu as fabriqué ?", et puis il m'a dit : "Il faut qu'on achète un sèche-linge". Lui était dans la logistique, moi j'étais encore choquée. Puis je me suis fait la remarque que j'avais déjà 40 ans, et que sans jumeaux, je n'aurais peut-être pas pu avoir trois enfants, alors je l'ai pris comme une chance ! 

Mais je ne suis pas détendue pour autant... J'ai besoin de réponses : comment ça va se passer ? Je connais la grossesse, la première s'est passée comme une lettre à la poste, mais... deux bébés ? Je commence à lire des choses sur le sujet, ce qui me panique totalement : prématurité quasi systématique, syndrome transfuseur-transfusé... Et mon gynécologue n'a pas l'air tellement plus au fait que moi. Il me conseille une amniocentèse pour écarter le risque de trisomie. Puis on me dit que ça ne sert à rien sur une grossesse gémellaire, le résultat peut être faussé par le fait qu'il y ait deux bébés. Alors je me décide à changer de suivi et (par hasard) je rencontre une médecin spécialiste de la question à l'hôpital Trousseau. Elle est plutôt rassurante, me dit que tout va bien. Me donne quelques conseils, comme m'inscrire dans une association de parents de jumeaux... Je ne me presse pas, il faut savoir que je ne suis pas la reine de l'organisation. 

Une grossesse gémellaire ultra médicalisée

Comme j'attends deux bébés, je suis ultra suivie, j'ai une écho tous les mois. Au 5ème mois, ma gynéco me dit : "alors ça y est, tout est prêt ? La chambre les attend ? Vous êtes bien inscrite à l'asso ?", et moi je me dit que j'ai bien le temps de gérer tout ça... Jusqu'au 7ème mois, où elle panique complètement de savoir que je n'ai rien fait. "Il faut y aller maintenant, ils peuvent arriver d'une minute à l'autre !" De manière générale, cette grossesse gémellaire est beaucoup plus stressante et médicalisée que ma première expérience, alors même qu'elle se passe très bien. 

Je suis arrêtée très tôt, je ne peux plus faire de sport depuis le tout début (j'ai pris 21 kilos), j'ai sans cesse peur pour mon ventre qui est vraiment énorme, je ressens comme une espèce de masse dans le ventre et c'est épuisant. Ma responsable à l'époque avait eu la bonne idée de nous montrer une femme enceinte qui tombait à la renverse, emportée par le poids de son ventre, ce qui m'avait traumatisée. Contrairement à ma première fois, j'avais peur pour mon ventre. Je prenais énormément de précautions : en marchant dans la rue, je mettais les mains devant moi. Quelques jours avant de leur donner naissance, j'ai marché de Nation à République, ça m'a pris deux heures ! Les gens s'écartaient pour me laisser passer. Quand je revois des photos, sur lesquelles je pose un mug ou une assiette sur mon ventre, je me demande comment un corps peut contenir tout ça, c'est fascinant ! 

Ce qui était très étrange pour moi, c'est que d'un côté je n'avais plus peur de ce qui se passe après, quand l'enfant naît. Je savais changer une couche, donner un bain, j'avais déjà vécu le post-partum. Mais d'un autre côté, je ne pouvais pas profiter de cette grossesse comme pour mon fils aîné. Je trouvais que ce qu'il se passait dans mon ventre, avec ces deux petits êtres, était très mystérieux. Je me demandais si l'un ne volait pas la nourriture de l'autre, par exemple. Je me sentais dépossédée de ce moment. N'ayant jamais vécu ça, je me demandais aussi si j'arriverais à les aimer autant l'un que l'autre ? Je crois que du coup, une partie de moi est restée dans le déni... J'ai fait en sorte de profiter jusqu'au bout, tout en priant pour que l'accouchement se fasse le plus tard possible. 

"En regardant mon ventre, je savais reconnaître mes bébés"

Si le médical est très présent, et que mes inquiétudes sur le fait de retrouver mon corps d'avant me préoccupaient, j'ai pu observer des choses étonnantes. J'avais deux bébés qui ne faisaient pas du tout le même poids. L'un était de 3,2 kilos et l'autre de 2,8 kilos, à la fin. Du coup, je pouvais savoir qui était où, en fonction de la forme de mon ventre. Bref, cette grossesse a été un mélange d'angoisses, d'inconnu et de désir de continuer à vivre, à voir mes amis, à évoluer en dehors de la maison. Car tout le monde me disait qu'après, ce ne serait plus possible. Ils avaient raison, d'ailleurs !

Un accouchement par césarienne, à 8 mois et demi

Je ne pouvais pas accoucher naturellement car la première fois, mon déclenchement avait échoué et la césarienne d'urgence n'avait pas pu être évitée. Là, les médecins craignaient qu'un accouchement par voie basse ne fragilise ma cicatrice. On m'avait aussi expliqué qu'on ne laissait pas les grossesses gémellaires aller jusqu'à 9 mois, car au-delà de huit mois, les bébés perdent du poids et manquent de place pour évoluer. La fin de la grossesse s'est très bien passée. J'ai eu la chance d'aller jusqu'à la date de césarienne prévue, à huit mois et demi. Mes deux fils sont nés en parfaite santé !