Enceinte, pourquoi je pleure tout le temps ?

Est-il normal de pleurer pendant la grossesse ? Au-delà des "hormones" qui prédisposent à plus de sensibilité, les futures mamans ne pleurent jamais pour rien, assure Nathalie Lancelin-Huin, psychologue et auteure du livre "Enceinte, voyage au cœur des émotions".

Enceinte, pourquoi je pleure tout le temps ?
© Katarzyna Białasiewicz-123rf

"Elle pleure pour rien, c'est à cause des hormones !", "Elle devrait être heureuse, elle est enceinte !" Ces phrases, les femmes enceintes l'entendent tout au long de leur grossesse, à chaque fois qu'elles laissent exprimer leurs émotions. Pourtant, "les femmes ne pleurent pas pour rien parce qu'elles sont enceintes. Pas plus qu'elles ne sont pénibles ou ont envie de fraises à la chantilly à minuit", explique la psychologue Nathalie Lancelin-Huin dans son livre "Enceinte, voyage au cœur des émotions", aux éditions horay. De quoi déculpabiliser et rassurer les futures mamans. Mais d'où vient cette hypersensibilité et que révèle-t-elle ? 

Pourquoi pleure-t-on enceinte ?

Le principe de la grossesse est de faire remonter les choses, de manière à ce qu'à la naissance du bébé, la maman soit suffisamment disponible pour son enfant. "C'est comme si elle permettait, via le voile hormonal, de faire remonter de vieux dossiers, en général emprunts de tristesse (souvenirs d'enfance, événements passés ou contextes présents douloureux)", précise Nathalie Lancelin-Huin. Il s'agit donc d'une psychologie naturelle proposée par la biologie dans l'intérêt du bébé. Ainsi, si on l'écoute et que la future maman essaie de recueillir ce pourquoi elle pleure, il y a toujours une raison. "Quand bien même elle pleurerait devant un film ou une chanson, ou suite à une remarque de son entourage, ce ne sera jamais anecdotique". Pour parvenir à reconnaître leurs émotions, les femmes enceintes peuvent tenir un carnet de bord à chaque fois qu'elles pleurent. "Que s'est-il passé juste avant qu'elles pleurent et qu'est-ce qui a pu suscité leur tristesse ?" Car il y a toujours une raison, explique l'auteure. Exemple : "une collègue m'a dit que j'avais une jolie coupe de cheveux, mais qu'elle préférait la précédente couleur"... En fait, cela peut paraître anecdotique, mais cela peut lui rappeler que les choix qu'elle fait ne sont jamais les bons, que son père la dévalorisait, etc. Par ailleurs, certaines femmes enceintes ont une hypersensibilité particulière par rapport au monde qui les entoure, aux injustices, ou encore aux problèmes écologiques. 

Les pleurs liés à la solitude ?

Vivre une grossesse loin de sa famille ou à l"étranger est courant chez les femmes enceintes. Mais le manque de leur mère durant cette période est souvent difficile. En outre, la relation avec ses propres parents remonte à la surface puisque "la femme enceinte passe du statut de fille de sa mère et de son père, de sœur... A mère de leur propre enfant", ajoute la psychologue. D'ailleurs, on voit souvent des femmes enceintes, qui n'étaient pourtant pas très proches de leur mère, remettre en question ce lien, et tenter de se rapprocher. Par ailleurs, la société d'aujourd'hui manque d'exemples autour de soi, estime l'auteure. "Dans le passé, à la campagne ou en ville, on voyait les autres femmes faire, on trouvait les gestes plus naturellement en devenant mère, et cet exemple est bien moins présent aujourd'hui". Il y a donc à la fois le manque de sa propre mère et le manque d'une mère, qui nous aide à trouver les gestes.

A quels mois de grossesse les femmes enceintes sont-elles plus sensibles ? 

Pendant neuf mois, l'hypersensibilité est décuplée. Le premier trimestre de la grossesse est particulier, notamment parce que la fatigue rend les femmes enceintes plus vulnérables. "Effectivement, il  y a quelque chose de très fort en début de grossesse, mais cette sensibilité continue tout au long de la grossesse. Elle sera néanmoins plus canalisée et orientée au fur et à mesure", précise Nathalie Lancelin-Huin.

- Ainsi, le premier trimestre est consacré aux souvenirs du passé (les vieux dossiers remontent). 

- Au deuxième trimestre, "il y a une sensibilité portée vers les besoins du corps. C'est ce qui aidera ensuite à la mère a décoder les pleurs du bébé", explique la spécialiste. D'ailleurs, cette hypersensibilité au monde qui l'entoure perdure près d'un an après l'accouchement, pour aider les mères à mieux comprendre leur enfant. "A mon sens, c'est la raison pour laquelle il y a tant de femmes nostalgiques du temps de leur grossesse", ajoute-t-elle. 

- Enfin, au troisième trimestre, la sensibilité des femmes enceintes est davantage tournée vers l'avenir. "On va mettre ce bébé au monde et on se demande quel est l'état du monde extérieur dans lequel va naître ce nouveau-né. En résumé, les femmes enceintes se tournent vers le passé, puis leurs besoins au présent et ensuite vers l'avenir". 

Cette hypersensibilité hormonale se retrouve à la puberté chez les jeunes filles au moment où leur cycle procréatif se met en route, mais aussi à chaque grossesse, et au début de la ménopause. A chacun de ces passages de la vie, le voile hormonal fait monter la sensibilité des femmes. "Il ne s'agit donc pas que de pleurs, mais d'une capacité à percevoir où on en est à ce moment précis", déclare Nathalie Lancelin-Huin.

Faut-il s'inquiéter si l'on pleure beaucoup ?

Certaines femmes ne s'autorisent pas à verser une larme, se cachent ou affirment qu'elles ne pleurent jamais. Par conséquent, la grossesse peut-être une occasion d'extérioriser ce qu'elles ressentent. Néanmoins, "si les pleurs s'accompagnent d'un regard noir sur sa vie, d'une dévalorisation, si rien ne va et que tout semble difficile, il peut s'agir de prémices de déprime", prévient la psychologue. Pour autant, l'entretien prénatal précoce (EPP) qui a lieu au troisième mois de la grossesse permet aux professionnels de santé de reconnaître les signes d'une éventuelle dépression. En cas de besoin, les futures mamans peuvent demander conseil auprès des sages-femmes de PMI ou de leur médecin.

Les futurs papas face aux pleurs des femmes enceintes

C'est aussi difficile pour les hommes, car on leur demande d'être sensibles et forts à la fois. Pour commencer, ils doivent sortir de la caricature avec les phrases types "elle est enceinte, elle pleure pour rien, elle est pénible". Les futurs papas sont donc censés les comprendre alors qu'elles mêmes ne savent pas toujours pourquoi elles pleurent. Ils se retrouvent alors démunis, et doivent faire avec. "Il faut leur dire qu'en effet ce n'est pas simple, que la femme est différente, mais que ce n'est pas très grave. Ils ne doivent pas se fermer ni se tendre face à certaines situations pour ne pas créer davantage de tensions. Et leur proposer d'en parler avec des amis, ou un professionnel de santé pour trouver les clés", conseille Nathalie Lancelin-Huin.

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