Mummyrexie : l'anorexie des femmes enceintes

Pendant leur grossesse, certaines femmes surveillent à l'extrême leur prise de poids. On parle alors de mummyrexie, un phénomène qui n'est pas sans danger pour la femme enceinte et le fœtus. Décryptage avec Caroline Séguy, diététicienne-nutritionniste.

Mummyrexie : l'anorexie des femmes enceintes
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Le terme mummyrexie vient de la contraction des mots "mummy" ("maman" en anglais) et "anorexie". On parle aussi parfois de pregorexia (contraction de "pregnant" et "anorexia", respectivement "enceinte" et "anorexie" en anglais). Ce phénomène désigne les femmes enceintes qui montrent des signes d'anorexie mentale et ont une peur pathologique de prendre du poids. Il tend malheureusement à devenir plus fréquent, alors qu'il présente des risques graves pour la santé de la mère et celle du fœtus. Caroline Séguy, diététicienne-nutritionniste et autrice de l'ouvrage auto-édité Légumes dans l'assiette - 320 recettes pour trouver son équilibre, nous explique tout sur cette pathologie, ses dangers et les bons gestes à avoir pour l'éviter pendant la grossesse.

Qu'est-ce que la mummyrexie ?

"La mummyrexie est le fait d'avoir un comportement anorexique pendant sa grossesse, c'est-à-dire de restreindre ses apports alimentaires dans le but de prendre le moins de poids possible. Les patientes qui en souffrent n'ont pas un manque d'appétit mais vont refuser de s'alimenter. Comme dans l'anorexie mentale, ces femmes présentent un trouble de la perception de soi, une dysmorphophobie, une peur de grossir", explique Caroline Séguy. Ce trouble du comportement alimentaire (TCA) peut prendre plusieurs formes chez les femmes enceintes. La première est de "juste" surveiller à l'extrême ce qu'elles mangent. Si cela devient obsessionnel, alors cela peut entraîner une anorexie mentale. Chez d'autres futures mamans, le phénomène sera plus grave dès son déclenchement : "Elles peuvent refuser de s'alimenter, avoir des phases boulimiques, prendre des laxatifs, se faire vomir, ou avoir une activité physique extrême".

La mummyrexie est-elle un phénomène courant ?

Il n'y a pas d'études permettant d'estimer le nombre de femmes enceintes souffrant de mummyrexie. Cependant, comme le souligne notre spécialiste, ce phénomène "n'est pas encore fréquent mais son incidence tend malheureusement à augmenter".

Quelles sont les causes de l'anorexie pendant la grossesse ?

Comme pour les femmes qui ne sont pas enceintes, ce trouble du comportement alimentaire peut avoir de nombreuses origines. Celles qui ont déjà souffert d'anorexie peuvent rechuter pendant leur grossesse. "Ce trouble alimentaire peut exister si la femme enceinte a des antécédents d'anorexie mentale, ou présentait déjà un contrôle du poids et de son alimentation avant sa grossesse et pour qui les changements physiques prévisibles sont une source d'angoisse, de peur, qui lui font renforcer ce contrôle, cette vigilance accrue", nous dit Caroline Séguy. Mais le fait d'avoir déjà été atteinte de ce TCA n'est pas le seul facteur. On trouve aussi "des troubles psychologiques, des facteurs hormonaux, familiaux, génétiques et socio-culturels, comme le culte de la minceur véhiculé par les médias".

La mummyrexie chez les stars : un facteur déclencheur ?

Les célébrités sont déjà très médiatisées en règle générale, et elles le sont souvent encore plus pendant leur grossesse. Ainsi, alors que leur silhouette était déjà observée et commentée de près d'une façon très malsaine, les commentaires fusent dans la presse people, pointant souvent du doigt la petite ou grande taille du baby bump. Pour les stars, la pression est donc telle que certaines prennent très peu de poids pendant leur grossesse. Le problème de la mummyrexie se pose alors chez elles, mais aussi chez leur public. "La mummyrexie est aussi souvent liée à une surmédiatisation de la minceur de jeunes mamans connues, qui mettent en avant leur grossesse sans changements physiques (prise de ventre, de poitrine, …) pourtant physiologiques, et qui deviennent donc un modèle, un exemple pour les futures mamans car il y a un phénomène d'identification très fort, comme c'est le cas pour les jeunes filles et les femmes hors grossesse", décrypte Caroline Séguy. Heureusement, avec la levée progressive des diktats de la minceur, les célébrités sont de plus en plus nombreuses à ne pas hésiter à partager leurs changements physiques (complètement normaux) pendant leur grossesse et à montrer qu'elles aussi, elles prennent du poids (ce qui, encore une fois, complètement normal). Espérons que cela perdurera !

Quels sont les risques de la mummyrexie pour la mère et le bébé ?

La mummyrexie est un phénomène problématique car il a des conséquences sur la santé de la mère, mais aussi celle de son futur bébé.

► Chez la femme enceinte, cela peut entraîner "des carences liées à un apport énergétique trop faible, à un manque de protéines, d'oméga 3, de vitamines, de minéraux et d'oligo-éléments. Elles entraîneront de la fatigue, une déminéralisation osseuse et augmenteront le risque de faire une dépression post-partum".

Quant au fœtus, "il peut présenter un poids de naissance plus, voire trop, faible, un retard de croissance intra-utérin, de malformations sévères. Après la naissance et en grandissant, l'enfant pourra souffrir d'un retard intellectuel et aura un risque plus important de souffrir de maladies métaboliques à l'âge adulte". Ce n'est malheureusement pas tout : les problèmes de santé de la mère et de son futur enfant peuvent augmenter le risque de fausse couche et de naissance prématurée. Pour résumer, "il y a globalement une augmentation du risque de morbidité et de mortalité pour les deux".

Comment éviter d'avoir un poids plume pendant la grossesse ?

Pendant la grossesse, les médecins indiquent généralement aux futures mamans quel est le poids idéal qu'elles doivent prendre. Cela veut dire qu'il ne faut pas prendre trop de kilos pour rester (tout comme le bébé) en bonne santé, mais aussi qu'il faut éviter de ne pas en prendre assez ! "Il faut prendre 7 kg au minimum, qui correspondent au poids du fœtus (environ 3 kg à terme), du placenta, du liquide amniotique et de l'utérus", nous indique Caroline Séguy. Notre diététicienne-nutritionniste nous indique donc les bons réflexes à adopter "pour éviter de prendre peu ou trop de poids" :

  • Manger équilibré et varié
  • Ne pas sauter ni le petit-déjeuner ni les autres repas
  • 1-2 portions de protéines par jour (viande, poisson, œufs, légumineuses)
  • Ne pas fuir les "bonnes matières grasses" (huile de colza, noix, olive : 1 cuillère à soupe à chaque repas) ou les "bons aliments gras" tels que les amandes, noix (1 petite poignée par jour) et autres oléagineux comme les avocats, ou les petits poissons gras comme les sardines et les maquereaux, à consommer 1 à 2 fois par semaine
  • Des légumes à chaque repas (du cru et/ou du cuit, et variés)
  • Des féculents complets (légumineuses, céréales complètes) à chaque repas
  • 2 à 3 portions de fruit par jour
  • 3 produits laitiers par jour
  • Une bonne hydratation
  • Être à l'écoute de ses sensations de faim, de satiété

En cas de survenue de troubles du comportement alimentaire avant ou après la grossesse, que ce soit la mummyrexie, la boulimie ou encore l'hyperphagie, il est conseillé d'avoir un suivi médical effectué par différents spécialistes. Le médecin généraliste pour le suivi régulier, la sage-femme ou le gynécologue-obstétricien pour s'assurer que la grossesse n'est pas impactée, mais aussi un psychologue ou un psychiatre pour identifier et lutter contre les origines de la maladie, ainsi qu'un diététicien-nutritionniste pour "réapprendre" à manger et y reprendre du plaisir.