Le saut de classe pour un enfant doué

Il est rare que cette éventualité n’apparaisse jamais durant le parcours scolaire de l’enfant doué. Mais des éléments, pas toujours et pas obligatoirement rationnels, interviennent parfois et font qu’il est plus difficile qu’il n’y paraît de s’y retrouver et de prendre la décision la plus favorable.

En Maternelle, certains enfants s’ennuient à périr, se plaignent d’être avec des « bébés » et sont surtout déçus de ne pas apprendre sur le champ à lire, écrire et compter. Cette déception est atténuée lorsque la maîtresse les comprend bien et s’adresse à eux en tenant compte de leur spécificité : pédagogue dans l’âme, elle sait intéresser les enfants et discerner les caractéristiques propres à chacun.

Dans d’autres cas, on arrive vite à la description affligeante de l’enfant « qui ne s’intègre pas, qui n’a pas de copains, qui reste dans son coin à la récréation, il faut vite consulter un psychologue parce que quelque chose ne va pas ». Comme disent alors ses parents au psychologue docilement consulté « on avait l’impression qu’elle ne parlait pas de notre enfant : à la maison il est vif, dynamique, curieux de tout et il sait déjà être drôle».

La situation est encore plus accablante quand un enfant très éveillé, très autonome, se montre tellement demandeur d’école qu’on l’admet en Toute Petite Section, si bien qu’il en arrive à faire QUATRE années de Maternelle !

L’espoir d’une amélioration de cette triste condition pointe si on pratique un test de QI : des résultats élevés, et, s’agissant d’un élève de Maternelle, quelques acquis scolaires, une maturité d’esprit certaine et surtout un langage riche et évolué aboutissent à la conclusion qui s’impose d’elle-même. Tout plaide en faveur d’un saut de classe, ce qui ne signifie pas que le combat sera aisé à remporter, un grand nombre de facteurs entrant en jeu. Le mois de naissance, le fait que dans cette école « on ne saute pas de classe », que « tous les parents voudront en faire autant », assertion complètement fausse, puisque des parents refusent parfois la proposition de la maîtresse elle-même au lieu de profiter de cette chance inespérée.

Quand une maitresse en harmonie avec ses collègues propose un saut de classe, on peut lui faire confiance et l’accepter sans hésiter, sachant que tout sera mis en œuvre pour accompagner l’enfant dans ce changement.

Il arrive que l’école feigne de céder de bonne grâce à la demande des parents, renforcée par la préconisation de la psychologue consultée, mais des pièges sournois sont tendus à l’enfant : il arrive un jour de contrôle, on ne lui donne aucune explication supplémentaire et on démontre ensuite à ses parents confus que cette idée était inappropriée. L’enfant, lui, est complètement traumatisé et se sent plus nul que jamais.

On doit toujours garder en mémoire que, pour un enfant doué, « comprendre c’est savoir ». Il suffit donc de lui expliquer clairement les données qu’il n’a pas encore apprises pour qu’elles soient intégrées sur le champ. Quelques exercices indispensables renforcent cet apprentissage et tous les obstacles sont aplanis.

Le refus de l’école est souvent argumenté sur le thème destiné à bloquer durablement les parents : « il a les compétences nécessaires certes, mais il n’a pas encore la maturité suffisante ». Pas un parent n’osera insister pour que son enfant soit ensuite plongé dans enfer peuplé de « grands »  terrorisants, ricaneurs, voire persécuteurs.

Évidemment, s’il n’a rien d’autre à faire en classe que jouer, il joue et c’est encore heureux s’il sait discerner l’aspect positif de cette situation, mais on en conclut qu’il est encore bébé puisqu’il va à l’école pour jouer. Un enfant de 140 de QI est plus mûr, plus ouvert aux données nouvelles et plus désireux de les intégrer qu’un enfant d’un an de plus dont le QI est de 100.

Un autre argument ne peut être négligé s’agissant d’un passage anticipé en CP : un graphisme calamiteux et si lent ! De multiples causes souvent évoquées : décalage entre rapidité de pensée et lenteur de la main, souci de perfection, impatience devant cette lenteur exaspérante, peuvent être atténuées par quelques séances de graphothérapie.

Entrer au CP avec un peu d’avance était autrefois une pratique courante, sans répercussions néfastes sur la suite de la scolarité et les enfants doués continuent à s’en trouver bien. Ainsi, plus tôt on apprend à lire, meilleur lecteur on est.

Une seule restriction doit être prise en compte : une faiblesse ponctuelle d’orientation dans l’espace, souvent révélée par le test, et qui pourrait annoncer une dysorthographie ou des difficultés en mathématiques, pas encore apparues dans les petites classes. Il est  préférable de s’attacher à combattre cette défaillance pour éviter les difficultés à venir : on dira  « c’est parce qu’il a sauté une classe », alors que ces difficultés seraient apparues, même s’il avait redoublé.

D’une façon générale, le Primaire est trop long pour un enfant doué, qui peut pratiquement sauter n’importe quelle classe, même s’il est admis qu’il est plus aisé de sauter le CE2.

Pour compliquer encore un peu plus la situation il faut savoir que la plupart des enfants, consultés, disent ne pas vouloir sauter de classe : ils ont tellement peur de se trouver en difficulté, ou, pire, en échec, sans savoir comment réagir qu’ils préfèrent encore se dessécher d’ennui en entendant ressasser des données qu’il leur semble connaître depuis toujours.

L’idéal, celui qui résout les éventuels conflits, reste la  classe à double niveau, mais si, par un malentendu pernicieux, l’enfant suit les deux classes successivement, il aura le sentiment décourageant de redoubler et il perdra encore un peu plus ce fameux « sens de l’effort »  qu’on s’emploie avec tant d’énergie et par les moyens les plus divers à lui faire découvrir, à l’entretenir et à l’utiliser sans hésitation pour un futur scolaire sans nuage.

Le saut de classe semble plus périlleux durant le secondaire, d’autant plus que les possibilités se multiplient : apprentissage de plusieurs langues, y compris les langues dites « mortes » que certains enfants doués  apprécient tant, ou bien classes sport études, ou musique, ou exercice d’un art quelconque : l’enseignement y est concentré uniquement dans la matinée. Dans toutes ces sortes de classes le recrutement est plus exigeant, la classe plus homogène et l’enseignement moins répétitif.

A tout prendre, mieux vaut rester dans sa classe d’âge dans une école nourrissant davantage la curiosité d’esprit des enfants que sauter une classe dans une école de niveau médiocre où un enfant doué peut difficilement se sentir heureux, à moins d’y occuper une place particulière où il lui trouvera son compte, mais le risque est grand qu’il sacrifie alors ses acquis scolaires.

On se prend à rêver d’une Ecole où les enfants iraient, joyeux et impatients, et en reviendraient encore émerveillés de toutes les connaissances passionnantes découvertes dans la journée. Plus tard, nantis d’un solide bagage, ils avanceront hardiment sur des routes fascinantes, heureux de cette aventure exaltante où ils pourront déployer tous leurs talents.