Enfants placés : en foyer ou famille d'accueil, que deviennent-ils ?

Le reportage de Pièces à conviction "Enfants placés : que fait la République", diffusé ce 27 janvier dès 21h05 sur France 3, fait état du sort des enfants placés en famille d'accueil ou en foyer. Après le premier documentaire diffusé en 2019, Adrien Taquet avait reconnu des "dysfonctionnements majeurs dans certains départements". Où en sommes-nous ?

Enfants placés : en foyer ou famille d'accueil, que deviennent-ils ?
© Ruslan Tikhonov-123rf

[Mise à jour du 27 janvier à 12h06]. En 2019, Pièce à conviction diffusait sur France 3 un documentaire sur les Enfants placés qui avait fait réagir. Le documentaire "Enfants placés : les sacrifiés de la République, filmé en caméra cachée dévoilait le quotidien des enfants placés et pointait du doigt les dysfonctionnements de l'Aide sociale à l'enfance, censée protéger les jeunes en les éloignant de leurs parents et en les plaçant en "lieu sûr". Mais bien souvent, le calvaire continue. Le journaliste d'investigation, Sylvain Louvet, avait mené l'enquête durant 8 mois au sein de foyers, de familles d'accueil et rencontré d'anciens enfants placés, comme Lyès Louffok, qui avait lancé l'alerte. L'enquête montrait des éducateurs dépassés et parfois maltraitants, des enfants en pleine détresse dans des situations d'une extrême gravité : certains sont sexuellement abusés par leurs camarades. D'autres, âgés de 15 ans, sont placés dans des chambres d'hôtel, livrés à eux-mêmes. Côté familles d'accueil, les contrôles sont rares. Certaines assistantes familiales condamnées pour maltraitance continuent à accueillir des enfants. Le documentaire brise le silence et dénonce les structures qui développent leur propre violence. Le sujet avait pourtant permis une prise de conscience collective : deux missions d'information avaient été ouvertes à l'Assemblée nationale et au Sénat, un secrétaire d'Etat à la Protection de l'Enfance avait alors été nommé, il s'agit d'Adrien Taquet.

2 ans plus tard, que deviennent les 200.000 enfants placés ?

Qu'en est-il deux ans après la diffusion du premier documentaire ? Pièces à conviction a continué à suivre les enfants placés qui intervenaient dans le premier documentaire, comme Myriam, à la recherche de sa famille d'accueil dont elle a été séparée à l'âge de 7 ans ou encore Lyès Louffok, devenu depuis plusieurs années le porte-parole des enfants placés. Ce nouveau documentaire s'immisce également dans le bureau de deux juges pour enfants au tribunal de Nanterre pour mieux comprendre pourquoi un enfant est placé et comment sont prises les décisions les plus difficiles, comme retirer aux parents la garde de leur enfant pour le placer dans autre foyer d'accueil. Pour autant, l'enquête révèle que les décisions des juges ne sont pas toujours suivies d'effet.

Le placement d'adolescents dans les hôtels, un scandale

Certains adolescents sont parfois placés dans des hôtels où ils sont souvent abonnés et livrés à eux-mêmes. Un terrible drame relance le débat au sein de la protection de l'enfance : la mort d'un garçon âgé de 17 ans, Jesse, assassiné dans son hôtel.

Lyès Louffok avait déjà réclamé davantage de mesures pour mieux protéger les enfants placés : notamment "la présence d'un avocat obligatoire dans les procédures d'assistance éducative, le renforcement du statut de lanceurs d'alertes pour les éducateurs qui dénoncent les violences au sein de l'ASE, l'interdiction des prises en charges hôtelières, le renforcement de la lutte contre la pédo-criminalité, un protocole spécifique du numéro d'appel "Allô enfance en danger", en cas de violences en institution, et l'obligation de proposition de protection au-delà de 18 ans, avec les Contrats Jeunes Majeurs pour toutes et tous, sans conditions

Plus de contrôles et de signalements ?

Adrien Taquet avait alors demandé "de faire rapidement toute la lumière sur les faits et les témoignages mentionnés dans le reportage". En outre, il avait réclamé à l'ensemble des préfets de transmettre une description de la procédure de signalements mise en place par le Président du conseil départemental afin que ce dernier "informe sans délai le représentant de l'Etat dans le département de tout événement survenu dans un établissement ou service qu'il autorise, dès lors qu'il est de nature à compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies", précise-t-il. Le Secrétaire d'Etat souhaitait également améliorer les contrôles des établissements et lieux d'accueil de l'aide sociale à l'enfance afin de "vérifier qu'il permet de s'assurer que le département remplit ses obligations en matière d'inspection contrôle des établissements accueillant des mineurs dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance". Rappelons que la Haute Autorité de Santé a récemment publié un guide pour mieux repérer et prendre en charge les enfants victimes de maltraitance ou de violences.

A noter que la Suisse a reconnu sa part de responsabilité dans certaines affaires : des enfants devenus adultes, et qui ont souffert pendant leur placement ont même été dédommagés par l'Etat.

Enfin, une autre enquête diffusé en 2020 sur M6, dans Zone interdite mettait en avant, une fois de plus, la maltraitance, le manque d'accompagnement des jeunes sortis de l'ASE, les embauches d'éducateurs spécialisés sans aucune qualification, les violences physiques et sexuelles dont sont victimes ces enfants placés, et dont certains tombent dans la prostitution. En bref, cet autre documentaire, également réalisé en caméra cachée, dans six départements, avait scandalisé autant qu'il avait fait réagir. "Ces images montrent des enfants et des adolescents pris en charge dans des conditions indignes, victimes de violences de la part d'adultes qui devraient prendre soin d'eux et les protéger", avait reconnu le Secrétaire d'Etat Adrien Taquet, dans un communiqué. "Ces situations témoignent de dysfonctionnements majeurs dans certains départements auxquels sont confiés des enfants".