Quelles sont les conséquences de la maltraitance pendant l'enfance ?

Physique, psychologique ou sexuelle, la maltraitance infantile a des effets dévastateurs à court et à long terme sur le développement de l'enfant. Pour Santé publique France, qui détaille les conséquences dans son Bulletin épidémiologique hebdomadaire, il s'agit d'un "enjeu de santé publique".

Quelles sont les conséquences de la maltraitance pendant l'enfance ?
© 123RF / Nadezhda Prokudina

Des milliers d'enfants sont victimes de maltraitance infantile : "chaque année, environ 50 000 plaintes pour violences physiques sur enfant sont déposées et 20 000 pour agressions sexuelles", précise le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France publié ce mardi 15 octobre 2019. Pour la communauté scientifique et l'OMS, il s'agit "d'un enjeu de santé publique" quand on connaît les conséquences dramatiques de la maltraitance sur le développement de l'enfant. Le rapport englobe dans ces comportements maltraitants la négligence parentale, la violence physique, psychologique ou conjugale, les abus... En somme, tout ce qui est susceptible "de nuire à la sécurité, au développement et à l'intégrité physique et psychologique de l'enfant". En outre, comme le rappelle Adrien Taquet, Secrétaire d'Etat auprès de la Ministre des Solidarités et de la Santé, "un enfant maltraité est un enfant dont on bafoue les droits, la santé et le développement".

La maltraitance a des effets dévastateurs sur le développement de l'enfant

Des conséquences socio-affectives et comportementales

Quelle que soit la nature de la maltraitance dont ils ont fait l'objet, ces enfants se montrent davantage en retrait et dans l'évitement, sur le plan socio-affectif. Ils sont parallèlement sujets à l'anxiété, à la dépression (idées suicidaires, décrochage scolaire, etc.) et ont une faible estime d'eux-mêmes. Un sentiment de mal-être qu'ils peuvent manifester par de l'agressivité, de l'impulsivité ou en tombant dans la délinquance, la drogue ou l'alcoolisme. En grandissant, ils risquent davantage d'éprouver des difficultés à identifier ou comprendre les émotions des autres, ont du mal à s'attacher et à réguler leurs propres émotions, voire également devenir violents dans leurs relations intimes. Par ailleurs, les jeunes victimes de maltraitance, surtout dans les formes physiques, ont un risque de développer des troubles alimentaires.

Des conséquences physiques et cognitives, dès le plus jeune âge

Une maltraitance infantile précoce peut aussi avoir des répercussions néfastes au niveau physique. A court et long terme,"le fait de secouer un bébé, par exemple, peut modifier la structure de son cerveau et engendrer des dommages permanents causant des retards et des déficits psychomoteurs, des difficultés d'apprentissages, des problèmes visuels ou auditifs, de l'épilepsie, de la paralysie et, dans certains cas plus rares, le décès" précise le rapport. D'autre part, sur le plan neurologique, les abus et négligences peuvent générer des problèmes d'attention et une capacité cognitive amoindrie se manifestant dès l'âge de 3 ans et notamment par un retard du langage et des performances scolaires. En outre, plus la maltraitance se manifeste tôt et de manière récurrente dans la vie de l'enfant, "plus les impacts à court et à long termes sont importants et irréversibles au plan neurobiologique" précise les auteurs de l'étude. D'abord, parce que les bébés, entre 0 et 36 mois, sont plus vulnérables du fait de la grande plasticité de leur cerveau. Mais aussi parce que c'est lors des premiers mois de vie que se créent les liens entre l'enfant et les adultes censés répondre aux besoins physiologiques, sanitaires et affectifs de ce petit être totalement dépendant. En outre, comme le soulignent les chercheurs, plus la maltraitance démarre précocement, plus elle risque de perdurer tout au long de l'enfance.

Enfin, l'étude émet un triste constat : entre 2007 et 2014, chez les enfants âgés entre 1 mois et 1 an et hospitalisés pour maltraitance physique, le taux de mortalité hospitalière s'avère 10 fois plus élevé que chez les autres enfants hospitalisés du même âge. Un résultat obtenu par le biais d'un recensement de tous les enfants âgés de 1 mois à 1 an hospitalisés en France durant cette période. Au total, cela concernait 933 323 enfants répartis en 3 groupes (des enfants maltraités physiquement, d'autres susceptibles d'être victimes de violences physiques et enfin, un groupe témoin). "À notre connaissance, il s'agit de la première étude qui fournit de telles estimations nationales à partir de données hospitalières" précisent les chercheurs. Ces derniers espèrent que ces résultats permettent la mise en oeuvre de "stratégies de prévention plus efficaces" afin d'aider les professionnels de la santé à identifier et à protéger ces enfants.

Les conséquences des violences sexuelles à l'âge adulte

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé qu'en 2012, 1 adulte sur 4 aurait été victime de violence sexuelle durant son enfance, dont une majorité de femmes. Or, ces abus sexuels "représentent un facteur de risque important dans l'apparition de problèmes de santé mentale et d'adaptation psychologique et sociale, qui peuvent perdurer jusqu'à l'âge adulte" précise l'étude. Ainsi, comparativement aux autres femmes, celles ayant été victimes de violences sexuelles auraient 7 fois plus de risques d'avoir vécu un état de stress post-traumatique, 9 fois plus de risques de tomber dans l'accoutumance (alcool et drogues) et près de 8,5 fois plus de risque d'être sujettes à un trouble de la personnalité. D'autre part, le pourcentage d'hommes et de femmes souffrant de problèmes de santé et de conduites suicidaires est plus important chez ceux ayant déclaré des antécédents de violences sexuelles survenus avant l'âge de 15 ans. Les études révèlent également une forte proportion de personnes divorcées ou au chômage parmi les victimes, ce qui met en corrélation le fait d'avoir subi des violences sexuelles durant l'enfance à l'atteinte d'un plus faible statut socio-économique à l'âge adulte.

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