Comment annoncer une maladie à son enfant ?

Vous venez d'apprendre que vous, ou l'un des membres de la famille, souffrez d'une maladie grave. S'il est très important d'en informer les enfants, il n'est pas toujours facile de savoir comment s'y prendre. Céline Masmonteil, psychologue, nous donne les clés pour y parvenir.

Comment annoncer une maladie à son enfant ?
© Aleksandr Davydov-123rf

C'est une discussion que les parents aimeraient ne jamais avoir avec leur enfant. Pourtant, il arrive que la maladie s'invite dans le quotidien, avec son cortège d'angoisses et de questions. Un parent, un grand-parent, un frère ou une soeur tombe malade, et c'est tout l'équilibre de la famille qui s'en trouve bouleversé. La question se pose alors d'annoncer ou non la nouvelle aux enfants. Pour la psychologue, aucun doute, il faut absolument le faire. "Il est très important d'en parler aux enfants, quel que soit leur âge. Les enfants sont très sensibles et réceptifs à ce qui se passe autour d'eux. Lorsqu'ils sont très jeunes et ne sont pas en capacité de comprendre, ils vont tout de même percevoir une tristesse, une émotion, même le tout petit bébé dans les bras de ses parents". Si on ne s'adressera évidemment pas de la même manière à l'enfant en fonction de son âge, il est toutefois important de prendre le temps de lui parler.

L'annonce : quand, comment et par qui ?

Le moment de l'annonce doit être bien choisi. Il faut prendre le temps et ne pas laisser ensuite l'enfant seul face à ses questions ou son angoisse. On évitera donc d'avoir une discussion aussi importante avant la sieste, le coucher ou le matin au petit-déjeuner avant d'aller à l'école. S'il y a plusieurs enfants, l'idéal est de s'adresser à l'ensemble de la fratrie en même temps, quel que soit l'âge des enfants et quitte à en reparler individuellement ensuite. Le bon moment, précise Céline Masmonteil, est celui où le parent se sentira prêt. "Il faut non seulement être prêt à parler de la maladie, mais aussi à supporter les éventuelles questions des enfants et leurs réactions parfois surprenantes", précise la spécialiste. Inutile aussi de vouloir tout dire en une fois, il est parfaitement possible de fractionner l'information en fonction de ce que l'enfant a besoin de savoir. Si les parents ne sont pas à l'aise, ils peuvent demander de l'aide, par exemple auprès du psychologue de l'hôpital. Il arrive également qu'ils ne parviennent pas à parler eux-mêmes à l'enfant, faire appel à un tiers est alors possible : "Il est important que cette personne soit proche de l'enfant et connaisse sa sensibilité. Il peut s'agir d'une tante ou d'un parrain qui dira à l'enfant : papa ou maman ne peut pas t'en parler pour l'instant, mais le fera ensuite". Cette personne, quelle qu'elle soit, doit aussi laisser parler son émotion, cela autorisera l'enfant à s'exprimer.

  • Annoncer la maladie à un bébé

Certains parents pourraient penser qu'il n'est pas utile de parler de la situation à un bébé car il n'est pas capable de comprendre les enjeux liés à la maladie. En réalité, dès son plus jeune âge, un enfant va parfaitement percevoir un changement chez ses parents, une émotion inhabituelle. "Il faudra alors s'adresser à lui avec sincérité", assure Céline Masmonteil avant d'ajouter que "si le bébé ne comprend pas forcément le sens des mots, il va en percevoir la tonalité, mais aussi le langage corporel de celui qui s'adresse à lui". La psychologue recommande alors de parler de ses propres émotions et d'expliquer au bébé que l'on est triste et inquiet parce que tel membre de la famille est malade, en le rassurant toutefois, afin qu'il comprenne bien qu'il n'est en aucun cas lié à ce changement d'état. 

  • Annoncer la maladie à un enfant plus grand

Le risque de ne rien dire est que l'enfant échafaude lui-même des théories, construise ses propres réponses. Il peut également avoir des difficultés à poser des questions, même s'il sent que quelque chose ne va pas. Il faut donc absolument contrer ses hypothèses et éviter à tout prix qu'ils se sentent exclu. "Les enfants vont mieux supporter la réalité des choses que si on les laisse imaginer dans leur coin", rappelle la psychologue. Le petit enfant, encore très égocentré, risque de bâtir des scénarios tournant autour de lui : "Qu'est-ce que j'ai fait de mal ?". Il est donc important de lui expliquer qu'il n'y est pour rien et de le rassurer. Les mots employés doivent être simples et directs, mais adaptés à l'âge de l'enfant. Céline Masmonteil recommande de ne pas utiliser de métaphore : "Tout comme on ne dira pas à un enfant que quelqu'un est "monté au ciel" lorsqu'il meurt, on ne dira pas non plus qu'un cancer est un gros bobo. Ce serait alors très anxyogène pour lui"

Annoncer la maladie : faut-il tout dire ?

A la question de savoir s'il faut tout dire, Céline Masmonteil se montre plus mesurée : "L'enfant n'a pas à connaître tous les détails liés à la maladie, mais il est important de toujours répondre honnêtement à ses questions, même si c'est pour lui dire qu'on n'a pas la réponse". Tout ce qui est dit à l'enfant doit être vrai, y compris les incertitudes et les doutes, dire à l'enfant : "Quand je le saurai, je te le dirai" ou "Je vais me renseigner et je te donnerai la réponse" est rassurant. Rien ne sert en revanche de rentrer dans le lexique médical et d'employer des termes trop compliqués. En revanche, il ne faut pas minimiser les transformations physiques potentielles dont l'enfant va de toute manière se rendre compte, par exemple si la personne malade va perdre ses cheveux ou être particulièrement fatiguée. L'enfant doit savoir que ces étapes font partie de la maladie.

Il peut évidemment arriver que l'enfant pose la question tant redoutée : "Est-ce que tu vas mourir ?". Si l'enjeu est vital, il faut en parler, même si cela angoisse aussi terriblement les adultes. L'enfant doit sentir que le parent est pris en charge par des gens qui savent comment soigner sa maladie et qui vont tout faire pour le guérir. Céline Masmonteil rappelle que la mort n'est pas forcément comprise par les enfants : "Jusqu'à l'âge de 6 ou 7 ans, ils ne perçoivent pas l'irréversibilité de la mort. Il faudra donc expliquer clairement ce que ça signifie, avec des mots simples et sans employer d'images. Les enfants comprennent mieux ce qui est concret". On pourra par exemple dire : "On meurt quand on finit de vivre. On ne respire plus, on ne souffre plus, on ne mange plus, le coeur s'arrête" au lieu de dire par exemple "on s'endort pour toujours". 

Maladie d'un proche : comment gérer l'après ?

Les enfants ne réagissent pas tous de la même manière, en fonction de leur âge, leur personnalité, mais aussi de la nature du lien qui les unit à la personne malade. La spécialiste précise qu'il faudra rester à l'écoute de l'enfant : "Il est important que les parents demeurent vigilants et soient attentifs à ses réactions, notamment s'il semble triste, abattu ou au contraire agressif. Il peut tout à coup moins bien dormir ou avoir des troubles alimentaires. Il faudra alors se montrer disponible et se saisir des occasions pour l'inviter à poser des questions et à s'exprimer". L'enfant doit se sentir entouré d'un lien protecteur sans changer ses habitudes, ses rituels ou trop modifier son rythme de vie. Dans le cas d'un ado, il est possible qu'il préfère chercher du réconfort auprès de ses copains et copines plutôt qu'à la maison, c'est tout à fait normal. Enfin, dans ce processus d'annonce d'une maladie grave à un enfant, il ne faut pas hésiter à se faire aider ou accompagner par ses proches ou un psychologue. Pour soi bien entendu, mais aussi pour l'enfant si cela s'avère nécessaire.

Autour du même sujet