Est-on obligé d'aimer le nouveau compagnon de ses parents ?

Votre enfant ne supporte pas la présence de votre nouveau compagnon et rivalise d'imagination pour le faire fuir de la maison. Que traduit cette hostilité ? Comment retrouver une vie de famille saine et apaisée ? Quelle attitude adopter ? Conseils de Bruno Vibert, psychothérapeute.

Est-on obligé d'aimer le nouveau compagnon de ses parents ?
© Vadim Guzhva - 123RF

Alors qu'il vivait une relation privilégiée avec vous, sa maman, votre enfant doit désormais vous partager avec un nouvel amoureux. Si, dans le meilleur des cas, il lui faudra du temps pour s'adapter à ce changement, il se peut que votre enfant refuse catégoriquement la présence de ce nouveau compagnon. Piques provocantes, insultes, menaces, désobéissance, disputes ou mensonges… Le conjoint pourra même devenir la cible de votre progéniture qui fera alors tout pour briser votre couple. Mais que cachent cette opposition et cet acharnement ? A-t-il peur d'être remplacé ? Comment apaiser la situation et comment faire pour que chacun (re)trouve son équilibre ? Bruno Vibert, psychothérapeute spécialisé dans les thérapies familiales, nous livre ses conseils.

Comprendre la cause de ses réticences

Le rejet de ce nouveau partenaire peut traduire de nombreuses choses : l'enfant peut tout simplement ne pas aimer la personnalité du compagnon, craindre que sa maman connaisse encore un échec sentimental et souffre de nouveau, ou encore appréhender l'éventualité de devoir vivre avec les enfants de celui-ci… Mais souvent, cela reflète "un désir profond de reconstruire la famille et de remettre ensemble papa et maman", constate Bruno Vibert, d'autant plus si l'enfant pense qu'il a un lien avec la séparation de ses parents, voire que c'est à cause de lui que la famille est brisée. Dans ce cas, "vouloir séparer le couple recomposé est une réaction parfaitement normale chez un enfant et il ne faut pas s'en inquiéter plus que ça", rassure l'expert. Surtout que dans presque tous les cas, l'enfant prendra naturellement parti pour le parent qui n'a pas refait sa vie : celui qu'il va considérer comme "la victime" et qu'il sera incapable de "trahir". Ainsi, rejeter le nouveau partenaire du parent qui a refait sa vie - le déstabiliser voire lui faire vivre un véritable "enfer" - va lui permettre de "venger" l'autre parent. Et cela, il le fait évidemment inconsciemment. Par ailleurs, le fait que l'enfant marque une hostilité envers le "beau-père" (par des mots désagréables, des insultes, des remarques rabaissantes…) peut traduire une peur de se sentir moins aimé : en effet, alors qu'il avait une relation exclusive avec sa maman, il doit désormais la partager avec une personne étrangère. Et "non seulement, l'enfant n'est plus le principal centre d'intérêt de sa maman, puis il peut avoir l'impression de perdre tous ses repères", précise le psychothérapeute. Fusent alors des phrases telles que "tu lui donnes toujours raison", "tu le préfères à moi" ou "tu passes plus de temps avec lui qu'avec moi" qui traduisent une certaine jalousie. Surtout, il faut savoir qu'au début de la relation, l'enfant va tester la solidité du couple ainsi que les sentiments du nouvel amoureux. A travers un comportement difficile à vivre et des piques provocantes, il déterminera si celui-ci est "suffisamment à la hauteur" pour être avec sa mère. "Il aura alors une démarche presque protectrice envers elle", explique-t-il.

Patience, investissement, écoute... Comment réagir ?

N'interprétez pas l'hostilité de l'enfant comme une attaque ou une animosité personnelle envers le nouveau conjoint.

Cette mésentente n'est évidemment pas saine pour une vie de famille. Il va alors falloir agir pour retrouver une sérénité et faire que chacun y trouve son compte. Tout d'abord, soyez patient : si vous avez décidé de présenter un nouvel amoureux à votre enfant, mieux vaut être sûre du sérieux de sa relation : ne précipitez pas les choses et demandez-vous si ce n'est pas trop tôt. "Il est d'ailleurs préférable que la première rencontre se fasse en dehors du foyer familial : un endroit neutre permettra de mieux faire connaissance et de ne pas brusquer l'enfant", conseille l'expert. De la même façon que devenir parent, devenir beau-parent demande du temps, du recul et du discernement : la place d'un beau-père est plus subtile à trouver et seul le quotidien permet de vraiment se rapprocher d'un enfant, de construire une complicité avec lui et de se faire respecter. N'interprétez pas l'hostilité de l'enfant comme une attaque ou une animosité personnelle. Car "recomposer une famille – qui induit, dans tous les cas, des souffrances, de regrets, de la culpabilité et des difficultés - impose, pour les enfants comme pour les adultes, de se donner du temps pour apprendre à s'apprivoiser et à se reconstruire", confirme Bruno Vibert. Deuxièmement, vous comme votre nouveau compagnon devez vous investir : "d'un côté la mère doit toujours consacrer des moments seuls avec son fils (sans son nouveau conjoint) et de l'autre, le beau-père doit montrer ce qu'il est prêt à offrir à la relation". Sans pour autant trop en faire et se substituer au père. En effet, les limites doivent être clairement définies à l'avance : les parents sont les seuls décisionnaires de l'éducation de l'enfant, tandis que le couple recomposé détermine les règles de la maison.

Enfin, écoutez votre enfant, faites-lui confiance et parlez-en avec lui. "Dans ce genre de situation, les parents demandent souvent à leur enfant de grandir trop vite et d'acquérir une certaine maturité qu'ils n'ont encore pas", met en garde le psychothérapeute, "or, un enfant reste un enfant et parfois, les premiers compromis et les premiers pas doivent être faits par les parents, pour que l'enfant puisse à son tour avancer vers l'adulte". Toutefois, l'enfant doit se conformer à certaines règles - comme le respect et la politesse - même si elles risquent d'être transgressées à certains moments par provocation. Ainsi, s'il dépasse les limites, il faut savoir lui dire "stop" et lui faire comprendre "qu'il n'a pas le pouvoir de décider de la vie sentimentale de ses parents et que ses techniques (de chantage affectif, de menace, d'intimidation ou d'humiliation...) ne fonctionnent pas". 

Quand consulter un spécialiste ?

Si le beau-père se montre très gentil, qu'il propose de faire des activités avec l'enfant, que la mère partage aussi des moments seule avec lui, et que malgré tout cela, il ne sort pas de sa rébellion permanente et continue de ne respecter aucune règle, il est préférable d'avoir recours à un spécialiste (psychologue, pédopsychiatre…). Dans un premier temps, "le professionnel de l'écoute verra l'enfant seul afin d'essayer d'en savoir plus sur ses peurs, ses réticences et ses appréhensions. Puis, il conviera la mère et le beau-parent pour aider l'enfant à parler de son mal-être et pour que le couple comprenne ce qui se cache vraiment derrière cette hostilité", explique Bruno Vibert.

Ce qu'il faut éviter :

  • Dénigrer l'autre parent devant son enfant, ou pire, le prendre à partie. "L'aliénation parentale" dans laquelle l'un des deux parents essaye de détruire l'image, le souvenir et la place de l'autre dans l'esprit de son enfant complique encore plus la situation. Non seulement vos différends et votre rancœur ne le regardent pas puis, cela risquerait de le déstabiliser plus qu'autre chose et de "bouleverser l'image qu'il se fait de la relation parents/enfant et ainsi sa construction identitaire", précise l'expert. 
  • Rabaisser (ou humilier) le nouveau conjoint en lui disant des phrases du type "tu n'as rien à dire, tu n'es pas son père", "le père de mon fils avait plus d'autorité que toi", "de quoi tu te mêles, tu n'as pas d'enfants" ou s'il en a, "mes enfants sont mieux élevés que les tiens". En plus de faire du mal à votre nouveau conjoint, ce genre de phrases discréditent complètement le beau-père aux yeux de l'enfant.
  • Être trop démonstratif devant votre enfant, surtout au début. Évitez les gestes trop affectueux avec votre nouveau conjoint ou les paroles trop enflammées devant l'enfant. L'idée est de mettre un peu de pudeur sans pour autant vivre comme de simples amis ou bannir tout signe de tendresse. Car oui, "le couple, qu'il soit parental ou recomposé fait partie des référentiels sains pour l'enfant !", conclut le psychothérapeute. 
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