Premier chagrin d'amour : comment rassurer nos ados ?

Les premières ruptures sont des moments douloureux pour les adolescents, mais également essentiels pour mûrir. Sauf qu'il n'est pas toujours simple de trouver les mots pour les aider à remonter la pente. Les conseils de Virginie Bapt, psychothérapeute et psychanalyste spécialisée dans l'adolescence.

Premier chagrin d'amour : comment rassurer nos ados ?
© Vadim Guzhva - 123RF

Votre ado s'enferme dans sa chambre et ne veut plus en sortir, il sanglote au téléphone, culpabilise, se sent nul ou abandonné, refuse de parler, perd l'appétit et trouve du plaisir dans rien ? Il est certainement en train de vivre son premier chagrin d'amour… ou l'un des suivants ! Cette étape presque obligatoire de la vie humaine, douloureuse et cruelle, laisse souvent les parents dans un sentiment d'impuissance face à leur enfant éploré. Comment le consoler ? Quels mots lui dire pour lui remonter le moral ? Quand lui proposer d'aller voir un psychologue ? On fait le point avec Virginie Bapt, psychothérapeute et auteure du livre Parents à l'écoute pour des enfants épanouis, aux Editions Leduc.

Respecter sa peine

Prendre trop à la légère ou au contraire dramatiser la situation ? Rien n'est évident lorsqu'il s'agit de consoler son enfant suite à une rupture amoureuse. Si spontanément, le parent pourrait avoir envie de relater sa propre expérience pour relativiser la peine, Virginie Bapt conseille au contraire "de ne pas projeter ses souvenirs de chagrin d'amour sur ce qu'est en train de vivre son enfant". Certes, ce qu'il vit peut nous renvoyer, en tant que parent, à toutes les sensations déchirantes que l'on a pu éprouver auparavant, mais il faut essayer de "rester concentré sur la peine de son enfant en étant attentif, sans y mettre quoi que ce soit qui appartienne à notre propre histoire", précise l'experte. En revanche, si l'enfant est demandeur, parlez-lui de votre expérience, toujours en lui faisant comprendre que "chaque rupture est différente et douloureuse à sa façon, et que sa peine n'est ni minimisée, ni jugée". En revanche, respecter et prendre au sérieux sa peine, son silence et son mal-être, oui. Même si, cela ne signifie pas que "l'adolescent doit imposer ses règles et que toute la maison doit vivre à l'heure de son chagrin amoureux", précise Virginie Bapt avant d'ajouter que "la famille continue à fonctionner avec les mêmes règles qu'auparavant, tout en étant à l'écoute de ce que vit l'adolescent". Cet équilibre constitue d'ailleurs un repère pour le jeune qui va prendre conscience qu'autour de lui, tout reste stable.

Être disponible sans être envahissant

Les premières ruptures sont des moments où les parents doivent accepter de ne pas être tout-puissant. Ils peuvent alors se sentir "démunis et désemparés face à une telle peine". Qu'ils se rassurent, "le chagrin d'amour est un rite de passage dans l'âge adulte", précise la spécialiste. Et trop consoler son enfant, parce qu'on ne souhaite plus qu'il souffre, est une façon de lui montrer qu'on ne le sent pas prêt ou pas assez mûr pour affronter cela. Au contraire, faites-lui comprendre qu'il en est capable même si cette période sera certainement très douloureuse, que vous serez là pour lui et surtout, montrez-lui que vous avez "pleinement confiance dans les ressources qu'il va mettre en place pour surmonter sa douleur.". Enfin, être à l'écoute sans l'obliger à vous raconter est l'attitude la plus bénéfique pour votre enfant qui se sentira compris : s'il ressent l'envie de vous en parler, il le fera de lui-même. Par ailleurs, un chagrin d'amour est le résultat d'une "confrontation au social" : on a été séduit par quelqu'un qui fait partie de son cercle d'amis, qu'on a rencontré à l'école ou lors d'une activité extra-scolaire par exemple. Et l'adolescent n'a pas forcément besoin de se confier à ses parents, au contraire "c'est son environnement amical ou social (éducateurs, professeurs, grands-frères ou sœurs, etc) qui va l'aider à récupérer de l'estime ou de l'espoir". Dans ce cadre là, la parole d'une figure parentale n'aura pas le même poids que celle d'un ami. C'est même dans ces moments qu'il pourra construire et consolider des amitiés, prendre confiance en lui et développer son autonomie. En somme, le premier chagrin d'amour est douloureux, mais "utile car il aide à mûrir et permet d'apprendre de ses erreurs."

L'emmener voir un psy, à quel moment ?

Parfois, les mots de l'entourage ne suffisent pas à consoler l'enfant. Pour Virginie Bapt, "c'est toujours bien qu'il sache qu'il peut aller voir quelqu'un dont c'est le métier et qui pourra lui apporter une réponse professionnelle et objective". Aller voir un spécialiste est libérateur et permet à l'ado de travailler sur ses vraies envies, s'il en exprime le souhait ou s'il est bien entendu d'accord. "Il ne faut pas le forcer, car le travail psychique n'aura aucun intérêt s'il ne désire pas se faire aider", ajoute-t-elle. En général, sa déprime et sa mine anéantie sont passagères. En revanche, s'il présente des signes qui peuvent alerter (troubles de l'alimentation, attitudes dépressives, décrochage scolaire, marques de scarification, etc), le recours à un psy semble indispensable. "Tout ce qui vire à l'obsession n'est pas à prendre à la légère et nécessite une intervention psychologique ou médicale", conclut la spécialiste.

Il multiplie les relations, qu'en penser ? Alors que les schémas des relations amoureuses ont complètement été bouleversés par les sites et applis de rencontres du type Tinder, Happn ou Adopte un mec, l'une des meilleure protection pour un ado lors d'une rupture douloureuse est de "se dire qu'il est dans un grand supermarché et qu'il va pouvoir multiplier les conquêtes", conquêtes qui peuvent se succéder à la maison. Toutefois, "les parents ont aussi le droit de soutenir leurs valeurs et ce, même s'ils passent pour des ringards aux yeux de leurs enfants", estime la psychanalyste qui suppose que "l'être humain est certainement plus heureux dans une relation sincère, profonde et durable que dans un zapping sentimental". Si les parents ne sont pas porteurs de ce message, qui le sera ?
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