Que penser de la méthode 5-10-15 pour endormir bébé ?

"Alors, il fait ses nuits ?" Voilà la question récurrente à laquelle sont confrontés les jeunes parents ! Si vous êtes en quête de solutions pour aider votre bébé à dormir, vous avez certainement entendu parler de la méthode 5-10-15. En quoi consiste-t-elle et que faut-il en penser ? Décryptage avec le Dr Frédérique Aussert.

Que penser de la méthode 5-10-15 pour endormir bébé ?
© Jozef Polc-123rf

La méthode 5-10-15 a été décrite et popularisée en 1985 par le Docteur Richard Ferber, fondateur du Centre pédiatrique pour les troubles du sommeil à l'Hôpital pour enfants de Boston. Elle est apparue à l'époque comme une méthode "révolutionnaire", susceptible de permettre à n'importe quel bébé de faire des nuits complètes rapidement, après quelques jours ou quelques semaines seulement. Pour autant, cette méthode est de plus en plus controversée. On fait le point avec le Dr Frédérique Aussert, spécialiste du sommeil et médecin coordonnateur du réseau Morphée.

La méthode 5-10-15, qu'est-ce que c'est ?

Lorsque bébé se réveille ou se met à pleurer, cette méthode d'attente progressive consiste à attendre 5 minutes avant d'entrer dans sa chambre pour le rassurer. Il ne s'agira pas ici de prendre son bébé dans les bras ou de le sortir de son lit, mais bien de l'apaiser avec la parole ou un geste neutre. Le parent ressort ensuite de la chambre puis attend 10 minutes avant de revenir voir l'enfant. Dernière étape, si l'enfant continue ou se remet à pleurer, il faudra alors attendre 15 minutes.

Qu'en pensent les spécialistes ?

Le Docteur Aussert, qui définit cette méthode comme "une thérapie comportementale d'extinction", met en garde contre son utilisation abusive, en dehors de toute réflexion plus approfondie sur l'environnement familial de l'enfant, et surtout si les besoins du bébé ne sont pas pris en compte : " Il n'existe pas de technique miracle. Il faut avant tout comprendre les besoins de l'enfant et lui donner le sentiment de sécurité qui lui permettra de s'endormir seul ". Si la spécialiste ne remet pas en cause l'utilité et l'efficacité des thérapies comportementales pour accompagner l'enfant vers un endormissement autonome, elle rappelle toutefois qu'elles ne peuvent être menées que si certaines conditions sont réunies : "Cette méthode peut être utilisée si l'enfant éprouve des difficultés au coucher ou pour se rendormir après un réveil nocturne. Mais uniquement en l'absence de problèmes dans l'environnement familial, de conflits familiaux, d'une dépression chez l'un des deux parents". Dans ces contextes particuliers, l'idéal est de prendre conseil en première intention auprès du pédiatre qui suit l'enfant, puis de contacter un psychologue ou un spécialiste du sommeil le cas échéant.

Une méthode de plus en plus controversée

Alors que les neurosciences nous apprennent que  laisser pleurer un bébé est non seulement mauvais pour son développement cérébral, mais est aussi dommageable à long terme, l'utilisation de la méthode 5-10-15 est de plus en plus remise en question. Faire attendre bébé et le laisser pleurer n'aurait aucune vertu pédagogique et provoquerait surtout chez lui un stress intense ! Le Docteur Aussert précise : "il faut savoir quelles compétences on peut exiger d'un bébé. Avant l'âge de 6 mois, l'enfant a besoin du contact physique de ses parents pour être rassuré, il sera donc important de garder ce contact pour le sécuriser. C'est la mission des parents d'accompagner l'enfant pour qu'il soit à l'aise dans son cercle de sécurité". 

La théorie de l'attachement. Développée par le pédiatre anglais John Bowlby après la deuxième guerre mondiale, la "théorie de l'attachement" se fonde sur l'idée que le petit humain, pour s'épanouir pleinement, a besoin d'être sécurisé et mis en confiance par ses parents, appelés "figures d'attachement". "Si ces figures d'attachement sont présentes et répondent aux besoins de réassurance de l'enfant, celui-ci pourra alors explorer sereinement son environnement : "je peux partir explorer le monde de la nuit parce que je sais que ma figure d'attachement est présente, et m'apportera le soutien dont j'ai besoin si je suis en difficulté". En grandissant l'enfant prendra progressivement conscience que ses parents sont disponibles, même s'il n'a pas de contact physique avec eux ou s'ils ne sont pas visibles", explique le docteur Frédérique Aussert.

Comment aider bébé à trouver un sommeil paisible ?

Avant de penser à la nuit, le Docteur Aussert recommande en premier lieu de faire en sorte que la journée de bébé soit bien structurée : "Il est important de renforcer ce qu'on appelle les donneurs de temps, qui vont aider le rythme veille/sommeil de bébé à se mettre en place". Il faut donc accentuer le contraste jour/nuit mais aussi alterner clairement les phases d'activité et de repos. Dès 3 ou 4 mois, les horaires de repas, de levers, de couchers et de siestes doivent être réguliers. Autre élément primordial : bébé doit pouvoir jouir de l'affection de ses parents pendant la journée, au moins un peu le matin et un peu en fin de journée. Autrement, il risque de vouloir rattraper le temps perdu pendant la nuit : "Un enfant qui n'a pas pu profiter de ses parents en journée sera très tenté de le faire tard le soir ou en milieu de nuit quand il ouvre un œil entre deux cycles de sommeil", précise la spécialiste. Par ailleurs, plus un enfant saura gérer les séparations et les moments loin de ses parents en journée, plus il sera armé pour gérer la séparation la nuit, rappelle-t-elle.

Le soir venu, les parents peuvent mettre en place des routines : "Il faut que, petit à petit, les activités soient de moins en moins éveillantes et stimulantes. Au moment du rituel du coucher,"il est important que le biberon ou la tétée du soir soient dissociés de ce rituel qui va servir à préparer la séparation. Il s'agit d'un moment d'intimité entre l'enfant et son parent. Chaque famille va avoir son propre rituel : une histoire, un câlin, un bisou au grand-frère. Le plus important est que ce rituel soit toujours le même, afin que l'enfant comprenne qu'il est l'heure d'aller au lit et qu'il soit limité dans le temps (une dizaine de minutes environ)". Enfin, si l'enfant peine à s'endormir, le parent peut rester à côté de lui, mais sans le prendre dans ses bras, ou par exemple derrière la porte.

Le Docteur Aussert ne recommande pas d'attendre aussi longtemps que le préconise la méthode 5-10-15. En revanche, elle conseille de donner quelques minutes à l'enfant pour qu'il apprenne progressivement à se sécuriser seul. Le parent peut alors rentrer dans la chambre, rassurer l'enfant en posant par exemple une main sur son torse et en lui expliquant calmement que le lit est le bon endroit pour lui, que tout va bien. Il s'agit donc d'induire un changement de comportement tout en apportant une réponse aux besoins de l'enfant. La spécialiste conclut : "il faut donner un cadre sécurisant à son enfant, en lui montrant que son lit est bien l'endroit où il peut se sentir en sécurité pour la nuit. Accepter qu'il puisse pleurer quelques minutes  c'est aussi lui offrir l'opportunité de développer d'autres options pour se sécuriser que la présence des parents, tout en restant à son écoute ".

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