Pourquoi tant de mères abandonnent l'allaitement ?

Douleurs, crevasses, manque d'accompagnement... Même si l'envie de nourrir son bébé au sein est bien présente, de nombreuses mères hésitent encore ou abandonnent rapidement. Les conseils du Dr Catherine Salinier, pédiatre.

Pourquoi tant de mères abandonnent l'allaitement ?
© Oksana Kuzmina

Souvent par manque d'information, de temps et d'accompagnement de la part des professionnels de santé, les mères sont parfois livrées à elles-mêmes lorsqu'elles souhaitent allaiter leur nouveau-né. Résultat : elles sont nombreuses à passer du sein au biberon. Selon une récente étude de la Drees, deux nouveau-nés sur trois sont allaités à la naissance, ce n'est donc pas la volonté qui manque. En 2013, ils étaient en effet 66 % à être nourris au sein, mais leur proportion tombe à 40 % à 11 semaines, à 30 % à 4 mois et à 18 % à 6 mois. "Trop dur, trop mal, trop de doutes… la pression et l'angoisse les font souvent abandonner. Pourtant, beaucoup avouent "qu'elles auraient continué si on leur avait tout dit", explique Caroline Guillot, auteure du blog tetees-entetees.fr et illustratrice. Elle-même confrontée à un personnel médical ayant un avis différent sur l'allaitement et parfois décourageant, elle décide de répondre avec humour aux remarques "aberrantes" du type : "vos seins ne sont pas à la bonne taille", ou "vous n'avez pas de téton, vous ne pouvez pas allaiter"...   

"J'ai voulu créer ce site pour apporter une approche différente de ce que l'on pouvait trouver sur l'allaitement. Certains sites était trop "pro-allaitement", d'autres blogs de mamans allaitantes relayaient un peu trop leur quotidien. Ici, le ton est léger et décalé, et le contenu apporte des informations essentielles aux jeunes mamans", explique Caroline Guyot. Des fiches pratiques sur l'allaitement au travail, le sevrage, la conservation du lait, l'utilisation du tire-lait, les différentes positions pour mettre bébé au sein... sont proposées aux mères pour répondre à toutes leurs questions sur l'allaitement. "Est-ce que j'ai assez de lait ? Est-ce qu'il mange suffisamment ? Comment soigner les crevasses ?... "Les jeunes mamans se posent beaucoup de questions et c'est tout à fait normal !", précise Caroline Guillot, "les cours de préparations à l'accouchement ne préparent pas, ou très peu à l'allaitement". Et puis, à la maternité, le personnel (souvent en sous-effectif) n'est pas toujours formé sur ce point. "Il faut avant tout avoir confiance en soi et en son bébé, accepter l'idée de faire "à la demande".

Les médecins ne sont pas assez formés. Catherine Salinier, pédiatre, rejoint l'auteure du blog tetees-entetees.fr sur le manque d'accompagnement et de suivi. "Il y a peu de cours sur l'allaitement et lorsqu'il est abordé, il s'agit uniquement de la composition du lait maternel, mais pas des résolutions pratiques et techniques", précise-t-elle. "Dans certaines maternités, les sages femmes et auxiliaires de puériculture sont mieux formées, néanmoins, les femmes ne restent que trois jours à la maternité, alors que le premier mois est le plus difficile", ajoute la spécialiste. De retour à la maison, elles doivent alors trouver des sages-femmes ou des médecins formés à l'allaitement, ou des conseillères en lactation (peu nombreuses et pas assez connues). "Les mères qui sortent de la maternité, a fortiori s'il s'agit de leur premier allaitement, doivent pouvoir se tourner vers un personnel compétent pour pallier ces difficultés", conseille Catherine Salinier. 

Quelles sont les aides pour les mères allaitantes ? A la sortie de la maternité, les femmes peuvent contacter une sage femme proche de chez elles, pour lui demander conseil. Les centres de PMI, les pédiatres et professionnels de santé peuvent aussi aider les jeunes mamans dans leurs démarches. Certaines sages-femmes libérales se déplacent même à domicile. Si vous allaitez et que vous retournez au travail après un congé maternité, sachez que vous bénéficiez d'une heure pour donner le sein à votre bébé ou pour tirer votre lait sur votre lieu de travail. "Rappelons que la consultation médicale du 10e jour recommandée par la Haute Autorité de santé (HAS) est aussi l'occasion de vérifier que bébé se nourrit correctement et pallier ainsi les difficultés de l'allaitement".

Ce qu'il faudrait faire ?  "Les professionnels de santé devraient accorder plus de temps aux mères. Il faut pouvoir assister à une tétée, juger de l'état d'esprit de la maman et de son savoir-faire", de manière à pouvoir la conseiller et mieux l'orienter, conseille Catherine Salinier. Selon elle, le congé maternité devrait être bien plus long, à raison de 6 mois minimum. Le congé parental existant étant souvent difficile à prendre, notamment pour des raisons financières ou par crainte de ne pas retrouver les mêmes fonctions et responsabilités à son retour. Enfin, l'Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) propose des formations aux pédiatres, aux médecins généralistes et aux sages femmes, afin qu'ils sachent mieux répondre aux questions des parents. En France, "nous avons tendance à installer les femmes dans cette injonction d'allaiter et ces dernières ressentent une certaine pression de la société. Parallèlement, elles ne savent pas comment s'y prendre, et par conséquent culpabilisent", analyse la pédiatre. Pour autant, "cela s'améliorera dès lors que les professionnels de santé seront mieux formés et l'on progresse de plus en plus", rassure-t-elle.

Les conseils de la pédiatre
 

 - Les douleurs sont liées à la position du bébé, à sa succion, à la manière dont le sein est placé dans sa bouche, et il faut vérifier cela.

- Plus votre bébé tête, plus la production de lait est importante. Il ne faut donc pas limiter le nombre ou la durée des tétées.

- Le premier mois, la maman doit pouvoir se consacrer entièrement à son nouveau-né et se laisser aller à tout ce maternage.

- N'hésitez pas à surveiller : comment votre bébé prend le sein, s'il déglutit bien et longtemps, s'il a beaucoup d'urine et de selles qui sont les meilleurs indicateurs d'un allaitement bien conduit, et s'il grossit bien. N'hésitez pas également à consulter ou à en parler avec votre pédiatre pour lui demander conseil.

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