Naidra Ayadi : "Mon choix de devenir actrice s'est joué en 24h"

Naidra Ayadi livre un portrait bouleversant de la mère de la cantatrice jouée par Amel Bent, dans "Les Sandales Blanches". Entretien avec la comédienne césarisée à l'impressionnante résilience...

Naidra Ayadi : "Mon choix de devenir actrice s'est joué en 24h"
© BALTEL/SIPA

Naidra Ayadi donne la réplique à Amel Bent dans le surprenant téléfilm Les Sandales Blanches, diffusé le 25 janvier à 21h05 sur France 2. La comédienne, césarisée en 2012 pour son rôle dans Polisse de Maïwenn, interprète la mère de la cantatrice Malika Bellaribi, une jeune mère de famille meurtrie qui ne parvient pas à exprimer ses émotions et à soutenir sa fille dans ses choix de vie. Un personnage compliqué à jouer, mais que Naidra Ayadi incarne avec brio. L'actrice, qui avait l'intention de se diriger vers une carrière dans le droit avant de vivre sa véritable passion, comprend les enjeux de ce film et la nécessité de mettre en valeur des parcours de vie inspirants. Entretien. 

Qu'est-ce qui vous a convaincue de jouer le rôle de la mère de Malika Bellaribi ?
Naidra Ayadi :
Je trouvais important de montrer des parcours de réussite de femmes d'origine arabe, et il était encore plus intéressant de mettre en lumière un tel talent qui n'est pas dans un milieu où l'on est "attendu" tel que le sport ou l'humour… Il faut que les jeunes générations, entre autres, puissent se projeter et se dire que si elles veulent faire du chant lyrique, leur origine arabe ne doit pas constituer un obstacle à leur rêve, même si cela ne fait pas réellement partie de la culture dont on vient. Personne n'est exclu de la réussite, il faut y croire, on peut toucher à tout.

Comment décririez-vous votre personnage ?
Naidra Ayadi :
Le rôle que Christian (Faure, le réalisateur, ndlr) m'a confié n'était pas évident. Mère et fille ont un rapport houleux, mon personnage n'est pas très aimant. Même si l'histoire est racontée du point de vue de Malika, il est intéressant de comprendre la psychologie de la mère. C'est une femme qui a quitté un pays jeune et qui est arrivée en France dans des bidonvilles. Ce n'est pas une vie dont on rêve. Elle a eu beaucoup d'enfants et était certainement trop jeune pour gérer tout cela, notamment avec une fille tellement différente, qui la renvoie à quelque chose auquel elle ne peut pas s'identifier.

"Mes parents auraient voulu que je sois avocate"

La froideur apparente de la mère de Malika Bellaribi cache de lourdes souffrances...
Naidra Ayadi :
Tout à fait, son mari est violent avec elle, on ne lui a pas laissé la possibilité d'être une femme. Lorsque l'on la voit se préparer, sa fille lui dit: "Tu es belle, maman", mais elle n'arrive pas à recevoir ce compliment. Quand sa fille lui fait un dessin, elle ne sait pas quoi en faire. On ne lui a pas donné toutes ses clés. 

Vous avez commencé par une maîtrise de droit public à Nanterre... Qu'est-ce qui vous a poussée vers une carrière de comédienne ?
Naidra Ayadi :
En même temps que ma maîtrise, j'ai toujours suivi des cours de théâtre. J'étais au conservatoire, puis à l'école privée de théâtre Claude Mathieu. L'envie de jouer la comédie ne m'a jamais quittée. J'ai fait du droit public spécialisé dans les droits de l'homme et de l'étranger. Compte tenu des films dans lesquels je joue aujourd'hui, je trouve que mes études et mon métier se rejoignent assez bien. Quant à mon choix de devenir actrice, il s'est joué en 24h. J'ai fait une audition pour une pièce, et en même temps, j'ai passé un entretien pour un poste à la Direction Départementale pour la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Et j'ai dû faire un choix…

"On m'a dit que je n'arriverais pas à devenir comédienne"

Était-ce un choix cornélien ?
Naidra Ayadi : Totalement, c'était très difficile de prendre une telle décision. Il est plus compliqué de se projeter dans une carrière et dans un milieu dans lequel on ne connaît personne. Mais aujourd'hui, je ne regrette pas, c'était le choix qu'il fallait faire. Par contre, je ne suis pas sûre que j'encouragerais mes filles dans cette voie (rires).

Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre parcours ?
Que ce soit mon entourage ou les gens de l'extérieur, on m'a beaucoup découragée. Certains m'ont dit que je n'y arriverais pas, d'autres ont tenté de convaincre mes parents de m'empêcher de me lancer. Dans ma culture, ce n'est pas hyper bien vu d'être comédienne. Les miens m'ont soutenue, mais ils n'étaient pas du tout d'accord avec mon choix. Ils auraient préféré que je me lance dans une carrière juridique, c'est bien plus rassurant. 


"Je suis une hyperactive"

Votre César (obtenu pour son rôle dans Polisse, de Maïwenn, en 2012, ndlr) a dû rassurer votre entourage…
Naidra Ayadi : 
Oui et non ! Quelques mois après mon César, ma mère m'a dit: "Bon, maintenant que tu as eu un prix, tu reprends ta carrière dans le droit ?" (rires). Mais pour moi, ma place est là. Il y a quelques années, ma mère a quand même pu me voir dans une robe d'avocate, lorsque j'ai joué dans la pièce de théâtre Justice, de Samantha Markowic. Elle était très fière (rires).

Quels sont vos projets ?
Naidra Ayadi : 
J'aime avoir plusieurs casquettes, je suis une hyperactive, donc j'en ai pas mal! J'écris mon prochain long-métrage, je viens de terminer un film avec Isabelle Huppert et Reda Kateb sur la politique municipale et une nouvelle série pour France 2 dans laquelle je joue justement une avocate!

Ne manquez pas Les Sandales Blanches, diffusé le 25 janvier à 21h05 sur France 2