Gérard Miller raconte "l'histoire d'amour entre Marilyn et Simone Signoret"

Yves Montand, Simone Signoret, Marilyn Monroe et Arthur Miller se sont aimés, en tant qu'amis, en tant qu'amants. De ce rectangle amoureux, deux se sont sortis indemnes. Deux autres ont sombré... Gérard Miller, voix de l'excellent documentaire "Signoret et Montand, Monroe et Miller: Deux Couples à Hollywood", sur France 3, le 7 décembre à 21h05, nous donne son point de vue de psychanalyste...

Gérard Miller raconte "l'histoire d'amour entre Marilyn et Simone Signoret"
© Capture d'écran - France 3

Marilyn Monroe et Arthur Miller, Simone Signoret et Yves Montand, deux couples si différents et pourtant si semblables. Dans les années 60, tous les quatre se sont rencontrés, ont échangé, ont refait le monde et se sont appréciés, dans cette Amérique ravagée par la Guerre Froide. Sur le tournage du Milliardaire de George Cukor, Yves Montand et l'actrice de Certains L'aiment Chaud ont entamé une liaison, qui a marqué Simone Signoret au fer rouge... et qui a certainement précipité Marilyn Monroe vers le suicide.
Le psychanalyste, acteur et écrivain Gérard Miller commente cette histoire passionnante et tragique dans un brillant documentaire, Signoret et Montand, Monroe et Miller: Deux Couples à Hollywood, réalisé par Sylvain Bergère. À découvrir le 7 décembre à 21h05, sur France 3. Il nous donne son point de vue de psychanalyste et de passionné sur ce rectangle amoureux et amical bien particulier...

Qu'est-ce qui réunissait ces couples a priori si différents ? 
Gérard Miller :
Si l'on croit au destin, tout indiquait qu'il fallait qu'ils se rencontrent. Ces deux couples ont nourri les mêmes idéaux, bien qu'ils aient vécu dans deux mondes différents. Ils avaient des rêves en commun et les mêmes indignations.

On sait que Simone et Yves ont été très engagés toute leur vie, on peut soupçonner qu'Arthur Miller l'ait été parce que c'est un intellectuel… Mais en ce qui concerne Marilyn, on connaît beaucoup moins la force de ses engagements. C'est une femme intelligente, sensible. 

Cette fascination pour Hollywood a-t-elle également été un élément qui les a rassemblés ?
Gérard Miller :
C'est quelque chose qui les habite effectivement, depuis l'âge de raison. En tout cas, trois d'entre eux sont attirés par la même lumière. Mais je pense que Marilyn est à part. En 1954, elle s'enfuit littéralement de Hollywood, comme un prisonnier s'échappe d'une prison, avec un faux nom, une perruque, à l'autre bout des États-Unis, à New York. Elle sait qu'Hollywood est un piège, contrairement aux autres. Eux sont attirés par les paillettes, les dollars… 

Même Simone, contrairement à ce qu'elle a pu en dire, désire ardemment un Oscar. C'est la consécration absolue. Ces trois papillons attirés par la lumière n'entendent pas ce que Marilyn n'a cessé de scander: on se brûle facilement les ailes à cette lumière-là.

"Yves Montand, c'est l'histoire de trop pour Marilyn"

Vous dites dans le documentaire : "Aimer Marilyn, c'est s'aimer soi-même". Toute sa vie, Marilyn a été victime de l'égoïsme des hommes, même lorsque ceux-ci l'aimaient…
Gérard Miller :
Je ne doute pas de la sincérité de l'amour que pouvaient lui porter Arthur Miller et Yves Montand, mais en effet, il comportait incontestablement une dimension utilitaire. C'est terrible à dire: ils ont tous deux le sentiment qu'ils vont tirer un profit dans le fait d'aimer et d'être aimé par elle. Pour Yves, c'est comme avoir l'Amérique dans son lit.

Pour Arthur, aussi brillant et intellectuel soit-il, l'avoir comme femme, c'est l'occasion de toucher les étoiles de Hollywood. Les deux femmes n'ont jamais eu l'idée de "rentabiliser" leur amour, les hommes, oui. 

Pour Marilyn, qu'est-ce qu'avait Yves Montand que les autres hommes n'avaient pas ?
Gérard Miller :
C'est déjà très important qu'Yves soit français, cela représente un ailleurs, un échappatoire aux États-Unis qui la font souffrir. Et puis, contrairement à d'autres acteurs américains pour qui elle n'est qu'une blonde un peu sotte, Yves l'admire, il ne la sous-estime pas. Il la narcissise, la valorise. Marilyn veut être regardée autrement. Simone aussi la regarde autrement, par rapport aux autres femmes qu'elle côtoie et qui se sentent en rivalité avec elle. 

Il est d'autant plus douloureux pour Norma Jeane de voir Yves Montand la présenter comme une simple écolière enamourachée. Marilyn se suicide peu de temps après. je crois que c'est l'histoire de trop pour elle...

Dans cette histoire, deux s'en sortent bien, Arthur et Yves
Gérard Miller : Ils retrouvent l'amour, une carrière, une vie où l'épisode de Hollywood que nous commentons n'aura été qu'un bref moment. Ce n'est pas le cas pour les deux femmes. Marilyn se suicide et Simone sombre aussi. À partir de de la tromperie d'Yves Montand, elle se laisse aller, s'adonne à l'alcool. Je connaissais bien sa fille Catherine Allégret, qui me disait qu'en effet, il y avait un véritable "avant" et "après" cet épisode. Elle n'était plus la même...

"Marilyn se suicide et Simone sombre dans l'alcool"

Simone Signoret a été terriblement blessée par la liaison entre Marilyn et Yves Montand. Comment comprendre qu'elle n'en veuille pas à l'actrice ?
Gérard Miller :
Lorsque Marilyn meurt, Simone dit : "Elle ne saura jamais à quel point je l'ai aimée". Je crois qu'il y a eu une vraie histoire d'amour entre ces deux femmes, mais pas au sens propre du terme. Simone est profondément sensible à son humanité, cette féminité battue en brèche.  Je ne pense pas qu'elle a le sentiment que Marilyn l'ait arrachée à lui.

Elle en veut surtout à Yves. Même si elle reste attachée à leur histoire, je suis convaincu qu'à un moment donné, elle le déteste profondément et le considère comme coupable dans cette tromperie. Ce qu'elle reproche à Montand, c'est sa duplicité, sa lâcheté, y compris à l'égard de celle qui était sa maîtresse.

On l'entend dire dans une interview : "je n'ai pas pu l'éviter", en parlant de son aventure avec Marilyn Monroe. Yves Montand se déresponsabilise totalement…
Gérard Miller :
Il entretient ce mythe de la femme ensorceleuse, de la méduse, qui pétrifie sa victime. Il a été d'une lâcheté étonnante, comme si c'était Marilyn qui était la cause de cette histoire.

Ralph Greenson a été le psychanalyste de Marilyn Monroe avant son suicide… Peut-on dire que ses séances et la méthode qu'il a employée ont été un échec ?
Gérard Miller :
À mon sentiment, Ralph Greenson a été aux antipodes de ce qu'est la psychanalyse. Il dormait avec elle, se mettait à table avec elle. Il a même géré sa vie, ses contrats, ses domestiques… Il y a un minimum de distance à conserver avec son patient ! C'est l'une des grandes malchances de Marilyn d'être tombée sur un certain nombre d'hommes toxiques, que ce soit ses amours ou ses thérapeutes.

Peut-on réellement parler de malchance ? Ou de choix inconscients qui l'ont menée à sa propre destruction ? 
Gérard Miller :
Nous, les psychanalystes, pensons que chacun de nous avons une petite musique personnelle. En général, nous jouons toujours le même scénario. C'est pour cela que l'on peut avoir le sentiment d'être possédé.

Pour Marilyn, ce qui se répétait dans sa vie, c'était cette rencontre avec ce qu'il pouvait y avoir de pire. C'était effectivement quelque chose de l'ordre de l'inconscient. On peut regretter qu'elle n'ait pas fait une analyse avec des psychanalystes qui auraient respecté la lettre freudienne, afin qu'elle comprenne la nature de ce désir qui l'entrainait à côté du gouffre.

Découvrez le documentaire captivant Signoret et Montand, Monroe et Miller: Deux Couples à Hollywood, réalisé par Sylvain Bergère et commenté par Gérard Miller, sur France 3, le 7 décembre à 21h05.