Rencontre avec Mathias Gokalp, réalisateur d'AMOUR FOU sur Arte

Dans "Amour Fou", Clotilde Hesme et Jérémie Rénier se glissent dans la peau d'un couple aux atroces secrets… Meurtre, triangle amoureux, traumatismes et vengeance : la mini-série, diffusée sur Arte le 20 février à 20h50 et disponible en ligne, nous tient en haleine du début à la fin. Entretien avec le réalisateur Mathias Gokalp.

Rencontre avec Mathias Gokalp, réalisateur d'AMOUR FOU sur Arte
© Caroline Dubois - ARTE

C'est une toile savoureusement décalée et angoissante que nous peint Mathias Gokalp avec la nouvelle mini-série Amour Fou, diffusée le 20 février à 20h50 sur Arte et désormais disponible en ligne jusqu'au 20 mars. Tout au long de trois épisodes complètement fous, comme le titre de la série l'indique, le téléspectateur est embarqué au cœur du plan redoutable de la brillante médecin Rebecca, campée par l'époustouflante Clotilde Hesme, prête à tout (vraiment ?) pour assouvir sa fureur vengeresse. Son époux, interprété par Jérémie Rénier, est embourbé bien malgré lui dans un triangle amoureux meurtrier et glaçant. Le réalisateur Mathias Gokalp nous raconte l'envers du décor.

Le Journal des Femmes : Comment est née l'idée de cette série ?
Mathias Gokalp :
Je suis intervenu sur un scénario original écrit par Ingrid Desjours et Florent Meyer, l'histoire existait donc déjà au départ. Le producteur voulait se pencher sur la question : comment peut-on épouser son meilleur ennemi ? L'idée était également de peindre un tableau plutôt clinique d'une psychopathe. J'ai voulu approfondir le personnage principal féminin et resituer l'action dans un contexte français plus provincial.

Vous parlez d'un tableau clinique. L'héroïne est l'exemple même du anti-héros, pourtant on ne peut s'empêcher de ressentir une forme d'empathie envers elle.
Mathias Gokalp :
Au départ, Rebecca était une sorte de génie du mal, une femme calculatrice, brillante et sans état d'âme, mais j'avais un peu peur que l'on s'en lasse sur trois épisodes et j'ai besoin de beaucoup d'empathie avec mes personnages. Il est très difficile en tant que metteur en scène de concevoir un personnage et diriger un comédien sans être capable de savoir ce qu'il veut et sans pouvoir se mettre à sa place. Aujourd'hui, dans le monde des séries, les réalisateurs font souvent en sorte que l'on s'identifie complètement au héros alors que les téléspectateurs sont tout à fait capables d'accepter certains points négatifs au sujet d'un personnage, tout en ayant encore confiance en lui...

Comment avez-vous choisi vos acteurs ?
Mathias Gokalp :
J'ai eu envie des meilleurs et on me les a donnés (rires) ! Jérémie Rénier est un acteur que j'apprécie énormément. Il représente quelque chose de très masculin, sans les clichés que l'on connaît autour de "l'homme viril". Il a ce côté fragile, peu sûr de lui. Quant à Clotilde Hesme, ce qui m'a frappée dans le film, c'est sa présence immédiate. Chaque fois qu'on la voit, on a l'impression que tout ce qu'elle fait est unique. Pour Majda Abdelmalek, j'avais envie qu'il y ait au moins un acteur un peu moins connu. C'est donc la directrice de casting qui a déniché ce talent, après avoir cherché dans les écoles de théâtre. Elle ne prend jamais les scènes comme on l'attend, elle est poétique, elle a ce quelque chose bien à elle.

Cette histoire d'amour hors-du-commun met en scène un couple déjà bien installé dans son quotidien...
Mathias Gokalp :
Au cinéma, on aime les comédies romantiques, mais lorsque l'on commence à acquérir de l'expérience, on apprécie de parler d'amour sur des histoires qui sont déjà établies. La question posée de manière sous-jacente est : qu'est-ce que les personnages ont dû laisser de côté pour pouvoir vivre pleinement leur histoire d'amour ? Lorsque l'on écrit une romance, il faut savoir pourquoi les gens s'aiment. Trop souvent, nous sommes face à des personnages qui sont amoureux uniquement parce qu'ils sont beaux et jeunes. La vie va plus loin que cela. Je trouvais intéressant de déterminer ce qui plaît à l'un et à l'autre, quels sont les éléments qui poussent une romance à démarrer et ceux qui font qu'elle peut tourner à la catastrophe.

Les stéréotypes féminins et masculins sont bousculés. Dans le couple, c'est Rebecca qui gagne le plus d'argent, c'est Romain qui veut un enfant…
Mathias Gokalp :
Il y a un échange de la "part féminine" et de "la part masculine" sur le plan social, mais aussi intime : dans la manière de se tenir, de jouer… C'est quelque chose que les gens vivent assez fréquemment. Ce partage des rôles fait partie de la richesse de chacun. Pour moi, mettre cet aspect en avant est une manière un peu idéologique de représenter un couple moderne et de creuser encore dans ce qui fait la profondeur d'un amour. J'ai été éduqué dans une société où les garçons ne devaient pas montrer leurs faiblesses, ni pleurer. Désormais, je vois des hommes qui reconnaissent leurs fragilités. Ils s'en sortent mieux que d'autres qui essaient de se couler dans un moule et sont complètement largués.

En quoi la série diffère-t-elle du scénario d'origine écrit par Ingrid Desjours ?
Mathias Gokalp :
J'ai tenté de rendre Rebecca plus aimable, de lui donner davantage d'ambivalence, et j'ai un peu fragilisé son mari, Romain. Dans le texte d'origine, les deux personnages étaient un peu des "super héros", alors que dans la série, Rebecca est plus ambiguë, plus hésitante. Lui, est moins solide, il a cette phase de dépression, etc… Je me suis dit que si cet homme, qui était décrit comme brillant et très intelligent dans le scénario d'origine, tombait dans les bras de cette femme, c'est qu'il avait forcément une faille. On remarque que le personnage de Rebecca est vraiment "fou", mais qu'il arrive à vivre. Par contre, son époux paraît "équilibré", mais il est sans cesse confronté à des situations d'échec et de souffrance depuis l'enfance. Il est donc heureux de tomber sur cette femme forte. Cette dépendance est l'une des raisons de son amour pour elle.

Ne manquez pas la nouvelle mini-série Amour Fou, de Mathias Gokalp, diffusée le 20 février à 20h50 sur Arte et désormais disponible en ligne jusqu'au 20 mars