Olivier Delacroix, réalisateur de ELLES ONT BRISÉ LES CODES : "Ces femmes bien nées ont souffert"

Elles ont fait le choix courageux de changer de vie. Marie-Clémence, Ombeline, Guillemette et Diane Kennedy se sont toutes émancipées du milieu bourgeois dans lequel elles ont grandi et ont découvert un monde plein de possibles. Olivier Delacroix et Katia Maksym relatent leurs parcours incroyables dans le documentaire "Elles ont brisé les codes", diffusé le 5 novembre à 20h50, sur France 5. Entretien avec le réalisateur.

Olivier Delacroix, réalisateur de ELLES ONT BRISÉ LES CODES : "Ces femmes bien nées ont souffert"
© Nathalie Guyon - FTV

Dans le documentaire Elles ont brisé les codes, diffusé mardi 5 novembre à 20h50 sur France 5, Olivier Delacroix et Katia Maksym retracent les parcours extraordinaires de femmes "bien nées", élevées dans des milieux bourgeois, qui ont décidé de casser les barrières pour côtoyer un monde nouveau, synonyme de "liberté". Marie-Clémence, Ombeline, Guillemette et Diane Kennedy sont toutes issues de bonne famille et ont choisi, à un moment de leur existence, de quitter le milieu dans lequel elles ont évolué pour amorcer leur propre parcours, au risque de blesser leurs proches. Entretien avec le réalisateur Olivier Delacroix, qui a été profondément touché par les histoires de ces femmes. 

Qu'est-ce qui vous a particulièrement surpris durant le tournage ?
Olivier Delacroix :
Lorsque l'on naît dans un milieu où l'on a des moyens et où l'entre-soi est plébiscité, on a toutes les chances d'y rester. La pression est mise surtout sur les femmes. On leur dit : "Tu te marieras avec un prince charmant, tu auras une belle maison, trois enfants…" Ce qui m'a surpris durant le tournage, c'est de voir que ces quatre femmes ont été habitées d'un esprit de liberté dès leur enfance, parce qu'elle s'étaient retrouvées dans un carcan qui ne leur plaisait pas. Leur esprit s'entrechoquait avec tous les codes de cette société bourgeoise. On ne parle pas de soi, de son intimité, on n'a pas le droit de se plaindre, on vouvoie ses parents. 

"Ces femmes ont reçu une éducation où la religion catholique a pris une place énorme"

Qu'avez-vous appris sur ce milieu privilégié que vous ne soupçonniez pas auparavant ? 
Olivier Delacroix :
J'ai vu combien ces règles étaient rigides et à quel point les esprits pouvaient être étriqués. Je ne savais pas que l'entre-soi était autant pratiqué. Ces femmes ont reçu une éducation où la religion catholique a pris une place énorme. On fait des bonnes actions, on va à la messe le dimanche, on s'occupe un peu des plus démunis, on se donne bonne conscience… Si l'on a été gentil, Dieu nous le rendra. Ces femmes se sont libérées de cette notion du bâton et de la carotte, mais continuent pourtant d'être croyantes. Elles ont dépassé tout ce qu'on leur avait inculqué dans leur milieu. Je trouve qu'elles ont développé une spiritualité à la hauteur de leur intelligence. 
Au-délà de ça, je pense que les téléspectateurs seront également surpris de découvrir toutes ces règles qui sont liées au fait d'appartenir à la bourgeoisie. 

Le milieu reste mal connu, beaucoup de clichés ont la dent dure...
Olivier Delacroix : On imagine toujours que les gens qui ont une particule à leur nom de famille vivent dans des châteaux et ne manquent de rien. Or, ce n'est pas toujours le cas. Finalement, à part les comédies ou fictions qui peuvent faire un clin d'œil à ces milieux, on ne parle pas énormément de ces gens, car c'est compliqué de les faire parler. Ces quatre femmes sont habitées, on voit qu'elles ont souffert. Pour certaines, on sent encore une certaine culpabilité par rapport au fait d'avoir heurté les siens, comme c'est le cas pour Guillemette. Ses choix étaient très déterminés, elle les assume complètement, mais a quelques regrets, elle aurait préféré pouvoir partager avec ses parents ses envies, ses combats.

Ces femmes sont-elles des combattantes ?
Olivier Delacroix :
Oui, car lorsque ces femmes décident de braver les règles, en épousant un roturier, par exemple, c'est un long combat qui s'amorce. Pour certaines, cette lutte dure encore. Le chemin est long pour faire comprendre à des parents, grands-parents, frères et sœurs, qui ont été bercés dans cette éducation, qu'il y a une autre manière de penser et qu'il est possible d'être heureuse autrement. 

"Les personnes bien-nées ne croulent pas toutes sous l'argent"

Aujourd'hui peut-on encore parler de "castes sociales" ou est-ce une notion en voie de disparition au sein de la société française ?
Olivier Delacroix :
Ce milieu bourgeois et cette caste de catholiques bien nés et de nobles se sont réunis. Avant, ils n'étaient qu'entre nobles, puis, avec la transformation de la société, nous avons vu de grandes familles qui ont réussi dans le commerce, la mode, les affaires, se greffer à ce groupe. On peut parler d'une caste sociale, pas celle des "riches", parce que les personnes bien-nées ne croulent pas toutes sous l'argent, certaines ont pour unique héritage leur nom. Par exemple, afin de rester "entre gens biens", la famille Pinault ne fréquente pratiquement que des personnes dont le nom a une particule. Il s'agit d'une caste "bourgeoise". 

Quelles ont été les principales difficultés que vous ayez rencontrées ?
Olivier Delacroix :
Il a fallu aider certaines à outrepasser leur peur de heurter leur famille. Cela a été compliqué, ces quatre femmes savent bien que leurs proches seront au moins un peu remués en regardant le documentaire. Cela confirme ce que nous disions : ces femmes sont des combattantes. Elles ont bousculé les codes qu'on leur avait imposés. On voit combien cela leur a coûté : des mois de silence, éloignées des leurs… Lorsque vos parents ne vous parlent plus, c'est une véritable épreuve. 

Finalement, ces femmes vont au bout de leur envie d'émancipation dans le but d'acquérir leur Saint-Graal : la liberté de s'exprimer…
Olivier Delacroix :
Tout à fait. C'est cette envie de liberté de pouvoir dire ce qui nous chante, parler de soi, de ses aspirations sentimentales, professionnelles, spirituelles. Tout cela nous détermine. On se rend compte qu'Ombeline et Marie-Clémence préfèrent de loin parler avec les intermittents du spectacle ou les journalistes, par exemple. Ce sont des femmes d'opinion qui ont envie d'exister, de bousculer les codes, d'être elles-mêmes.

Ne manquez pas Elles ont brisé les codes, réalisé par Olivier Delacroix et Katia Maksym, diffusé le 5 novembre à 20h50 sur France 5 dans le cadre de l'émission Le Monde En Face, présenté par Marina Carrère d'Encausse.

Découvrez la bande-annonce du documentaire : 

"Elles ont brisé les codes"